2007-11-15

Chay Lo, un des plus remarquables de la planète

Nouvelles du Cambodge

CHAY LO, reconnu comme l’un des dix jeunes « les plus remarquables de la planète » !

CHAY LO, le co-fondateur de l'association « 1001 fontaines pour demain », reconnu comme l'un des dix jeunes « les plus remarquables de la planète » !

Le 6 novembre 2007, lors du Congrès Mondial de la Junior Chamber International, à Antalya en Turquie, Chay Lo sera honoré, en compagnie de neuf autres lauréats internationaux, comme l'un des dix jeunes les plus remarquables de la planète.

Ce concours annuel, organisé depuis une trentaine d'années, s'appuie sur le réseau des Jeunes Chambres Economiques, présentes dans 110 pays et regroupées depuis 90 ans dans la Junior Chamber International. Les dix lauréats sont choisis chaque année, à partir des propositions de chaque pays, responsables de sélections préalables nationales.

Chay Lo rejoint dans le palmarès de ce concours des personnalités éminentes comme Sa Majesté la Reine Rania de Jordanie (Lauréate 2004), l'ancien Ministre français de l'Economie et des Finances Thierry Breton (1988), l'avocat pakistanais Ansar Burney (1991), leader de la défense des droits de l'homme et de la lutte contre l'esclavage dans son pays, ou le suédois David Lega (2005), triple champion du monde de natation handisport et membre du Comité International Paraolympique.

Le parcours de Chay Lo
Chay Lo est originaire d’un petit village du Nord-ouest du Cambodge. Son père cultive une rizière de deux hectares et sa mère élève des vers à soie. Enfant, Lo est allé à l’école primaire de son village, puis malgré la guerre civile qui perdurait dans cette région, a poursuivi sa scolarité, dans des conditions difficiles, au lycée de Sisophon, capitale régionale. Après avoir brillamment réussi son bac en Juin 1996, il a été pris en charge par une association française de parrainage scolaire (Enfants du Mékong) qui lui a permis ainsi d’aller entamer des études supérieures à Phnom Penh.

Quelques mois plus tard, on diagnostique chez Lo une grave tumeur pulmonaire, impossible à traiter au Cambodge. Grâce à la mobilisation des responsables d’Enfants du Mékong et d’amis médecins autour du docteur Patricia Labourier, il obtient de partir en France pour être opéré. Il y reste trois mois et démontre, au cours de ce premier séjour, une incroyable capacité d’adaptation à la culture occidentale. Lorsqu’il revient à Phnom Penh, Lo parle couramment le français et rattrape en deux mois le niveau de ses camarades dans les autres matières.

En Septembre 1997, il réussit le concours d’entrée à l’école supérieure la plus prestigieuse du Cambodge (l’Institut de Technologie du Cambodge) et devient une « icône » dans les milieux du parrainage, en étant le premier enfant issu de ces filières à obtenir un tel résultat. En Juin 2003, il obtient le diplôme d’Ingénieur en Génie Rural de l’ITC avec, là encore, de tels résultats qu’il lui est proposé une bourse pour venir compléter ses études dans l’une des plus prestigieuses Grandes Ecoles françaises : l’Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux et des Forêts (ENGREF), école dont il sort diplômé en Septembre 2005, faisant de lui une des personnes les plus diplômées du Cambodge.

Dans le cadre de ses études Lo a effectué plusieurs stages sur des projets d’implantation de mini réseaux d’eau potable en milieu rural, et souhaité, après ses études, travailler au Cambodge dans le domaine de l’irrigation et du traitement de l’eau.

Durant son séjour à l’ENGREF, il crée, avec Virginie Legrand et François Jaquenoud, l'ONG française de solidarité internationale « 1001 fontaines pour demain » dont le but est de «permettre à de petites communautés isolées (villages, écoles, centres de soins) de satisfaire, par elles-mêmes et sans infrastructures ni compétences spécifiques, leur besoin en eau de boisson ». Cette association met au point un appareil de purification d’eau (par traitement par ultra-violet alimenté par énergie solaire) et une approche de mise en œuvre et d’exploitation, inspirée des modèles de micro-finance, qui assure la pérennité de ces installations en transformant une famille du village en un "petit producteur d’eau de boisson" au bénéfice de sa communauté.

Après un premier projet expérimental, en 2005, qu’il a dirigé depuis la France, Lo est rentré dans son pays pour se consacrer entièrement au développement de « 1001 fontaines » au Cambodge. Il a lancé, en Juillet 2006, un second projet, sur huit nouveaux villages, touchant environ 10.000 bénéficiaires, et travaille actuellement sur une stratégie de déploiement de ces solutions à travers le Cambodge avec l'objectif d’équiper au moins 200 villages (soit une population de bénéficiaires d’environ 200.000 personnes) dans les cinq ans à venir. En parallèle, l’ONG qu’il a co-fondée travaille, avec son aide, à introduire la solution développée au Cambodge dans d’autres pays (notamment Madagascar à partir de début 2008).

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Qui est Chay Lo

Nouvelles du Cambodge

CHAY LO SAUVÉ DES EAUX

Photo Aurélia Frey pour « Le Monde »

La vie a donné plusieurs chances à ce fils de paysans cambodgiens. Il les a toutes saisies. Grâce à lui, l'eau cesse de tuer dans certains villages du Cambodge. Il vient de recevoir un prix international.

1976 : Naissance à Thropaing Tmor (nord du Cambodge).
1996 : Opéré d'urgence en France pour une tumeur au poumon.
1997 : Entre à l'Institut technologique du Cambodge à Phnom Penh.
2003 : Entre à l'Ecole nationale du génie rural et des eaux et forêts (Engref) à Paris.
2004 : Cofonde 1001 fontaines pour demain.
2007 : Lauréat du prix de la Junior Chamber International.

Drôle d'endroit pour une rencontre avec Chay Lo. Dans cette brasserie du quartier de la Madeleine à Paris, choisie pour les exigences de la photo, le plateau de fruits de mer coûte plus de deux mois d'un salaire moyen au Cambodge. Il en faut plus pour perturber le sourire rayonnant de ce Cambodgien d'origine pauvre qui a obtenu le diplôme d'ingénieur des Eaux et Forêts en France. Chay Lo, plusieurs fois miraculé, sourit toujours.

Le jeune homme discret accède à la lumière pour son parcours exceptionnel : cofondateur de l'association 1001 fontaines pour demain, qui développe de petites stations de purification d'eau dans les villages cambodgiens, il a reçu le prix de la Junior Chamber International (JCI), mardi 6 novembre, à Antalya, en Turquie. Il récompense chaque année « 10 jeunes parmi les plus remarquables de la planète ».

Sa vie, pourtant, aurait pu - aurait dû - se terminer brutalement il y a onze ans. A mille lieux de Phnom Penh, dans sa boutique de la rue Auguste-Comte à Lyon, Mine Dumas, antiquaire spécialisée dans les bois dorés du XVIIIe siècle, reçoit alors un coup de fil très urgent : « Trouve-moi vite un chirurgien pour sauver un garçon qui a le poumon écrasé par une tumeur. Il ne peut pas vivre et on ne peut pas l'opérer ici, je m'arrange pour le visa », lui dit sa nièce, Virginie Legrand, volontaire de l'association humanitaire Enfants du Mékong.

Quelques jours et mille tracasseries plus tard, Chay Lo est opéré au Centre cardiologique du Nord, à Saint-Denis. Le professeur Bernard Andreassian sort de ses poumons une tumeur - non cancéreuse - de 5 kilos. Les jours qu'il passe entre la vie et la mort paraissent interminables à ses bonnes fées. Elles organisent enfin sa convalescence en France, dans la famille du docteur Patricia Labourier, un médecin français qui a fondé l'association Aide aux enfants cambodgiens.
Cette douleur aux poumons, qui lui tenaillait les côtes et le dos, Chay Lo la supportait en silence depuis des années : dans cette famille de 5 enfants, les soins sont hors de portée. Sa mère élève des vers à soie et tisse des foulards, son père exploite 2 hectares de rizières. Pas de quoi nourrir tout le monde non plus, ni étudier. Lo a reçu de son père le même conseil que tous les enfants pauvres : « Si tu veux étudier, va à la pagode. » Hébergé par une femme bonze dans la pagode de Sisophon, il suit les cours avec facilité et réussit son bac.

Lors de son premier pied de nez à la mort, Chay Lo avait 12 ans : " Je gardais les vaches de mon père et elles ont traversé la rivière. Je les ai suivies. Je ne savais pas nager. " Un ami l'a sauvé au moment où il coulait à pic. " C'est ce qui explique sa peur panique de l'eau ", raconte sa marraine, Mine Dumas, qui l'a accompagné à des séances de natation, afin de rééduquer ses poumons...
Brillant, Chay Lo a été admis dans la plus grande école du pays, l'Institut technologique du Cambodge (ITC), où il s'est spécialisé dans la gestion de l'eau. Sorti deuxième, alors qu'une bourse d'Etat permet au seul premier de poursuivre des études à l'étranger, il est à nouveau repêché. Son réseau d'amis français l'aide à continuer son cursus à l'Ecole nationale du génie rural et des eaux et forêts (Engref) à Paris et à Montpellier. Sa ténacité, son imagination et d'autres hasards bienheureux ont fait le reste.

Chez son amie Virginie Legrand, il rencontre François Jaquenoud, un ancien associé d'Andersen Consulting. Tous trois évoquent l'eau boueuse des mares et des rivières cambodgiennes que les villageois sont réduits à boire. Leurs bactéries tuent des enfants par milliers. " Est-ce qu'il n'y a pas un moyen de purifier cette eau ? ", demande Chay Lo. Le père de Virginie, ingénieur, a inventé pour une famille allemande, qui produit du fromage de chèvre dans la Drôme, un système de filtration de l'eau de source par ultra-violets, alimenté par des panneaux solaires. Mais le dispositif, que le petit groupe part observer sur place, ne peut être utilisé tel quel. Son adaptation sera l'objet du mémoire de fin d'études de Chay Lo. " Ce qu'il a mis au point, c'est un vrai progrès dans le traitement de l'eau potable, avec des modules faciles à réaliser et à exploiter ", dit, admiratif, Gillian Cadic, enseignant à l'Engref à Montpellier. " Il a beaucoup de détermination dans ses projets, mais il est presque trop discret. Il nous demandait trois fois rien ", observe-t-il.

La France l'a pourtant changé, bousculant sa discrétion et sa réserve : " Au Cambodge, on ne parle pas beaucoup, et pas de soi-même. On a beaucoup de respect pour les gens importants et riches. Il faut beaucoup de courage pour taper à leur porte ", explique-t-il. Il se sent " plus à l'aise " depuis qu'il est venu en France. " Il s'est mis à parler depuis qu'il a fait les Eaux et Forêts. Il écrit des choses sur lui, maintenant. Mais il ne s'est jamais plaint de quoi que ce soit ", témoigne sa marraine, qui a assisté, émue, à son mariage l'an dernier au Cambodge. " Je suis extrêmement fière, car il a pris quelque chose chez nous, c'est de ne pas se laisser déstabiliser par les problèmes. Cela va à l'encontre d'un certain fatalisme qu'on trouve dans son pays ", conclut Virginie Legrand.

La douceur, elle, reste. " On ne dit pas les choses frontalement au Cambodge, il ne faut pas perdre la face. Dans les villages, Lo sait dire les choses à la khmère, en passant par une tierce personne par exemple. Il explique et réexplique patiemment... ", raconte Marie Yen, une ingénieure française, volontaire de 1001 fontaines pour demain, qui revient d'un séjour d'un an au Cambodge. Aujourd'hui, l'association a installé 11 stations, dont chacune fournit l'eau potable pour 1 000 à 1 500 personnes. Une famille devient opérateur de l'installation et les villageois achètent l'eau pure pour moins d'un cent de dollar le litre. Chay Lo, en prenant les rênes du projet au Cambodge, a refusé des propositions beaucoup plus alléchantes d'ONG mieux dotées, ou de grandes entreprises françaises. Il perçoit 500 dollars par mois. " Il pourrait faire fortune, mais il considère que, s'il est arrivé là, c'est qu'il a été aidé ", témoigne François Jaquenoud.
Depuis l'enfance, il est convaincu qu'il doit " aider les gens pauvres plutôt que de ne travailler qu'avec des riches. " Chay Lo demande : " Si tout le monde ne s'intéresse qu'aux grandes entreprises, qui va aider les gens dans les zones rurales ? " Une manière de rendre, avec le sourire, ce qui lui a été donné.

Adrien de Tricornot

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La confiance dans l'avenir du Cambodge

Nouvelles du Cambodge N° 0739-F

La confiance dans l’avenir du Cambodge, l’exemple vient-il du peuple ?

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 15 novembre 2007

Nous publions ci-dessous deux articles sur un fils de paysans pauvres du Cambodge : Chay Lo, maintenant connu comme un des jeunes « les plus remarquables de la planète » ! Ces deux articles décrivent le parcours difficile de ce jeune Cambodgien de 31 ans. Il a dû se battre contre de nombreuses difficultés, dont la maladie. Son mérite est indissociable d’une chaîne de solidarité et d’aides de nombreuses personnalités françaises : Mme Dumas, Madame Virginie Legrand, Professeur de médecine Bernard Andreassian, Docteur Patricia Labourier, François Jacquenoud. Nous tenons à remercier ces personnalités pour ces aides qui permettent à un jeune Cambodgien de réaliser son rêve.

Chay Lo a choisi une épouse qui partage son rêve. Car accepter de vivre en couple avec 500 $US par mois, même au Cambodge, avec ses connaissances et son invention, n’est-il pas déjà un exemple qui mérite d’être souligné ?

Chay Lo, donne ainsi une leçon à d’autres Cambodgiens, en particulier qui vivent aisément à l’étranger ! Au lieu de passer son temps à maudire le passé et à se lamenter sur l’obscurité, Chay Lo allume une petite bougie.

Il y a aussi des professeurs cambodgiens d’université en France, à la retraite ou non, en coopération avec d’autres collègues des universités françaises, avec les aides des entreprises cambodgiennes et françaises et des organisations internationales et françaises, avec enfin des cotisations, que nous souhaitons plus nombreuses, de la communauté cambodgienne à l’étranger, qui, depuis quinze ans, organisent des ONG pour transférer leurs connaissances scientifiques et techniques à nos compatriotes au Cambodge. Les techniciens cambodgiens formés, de niveau BTS (Bac + 3ans) sont, maintenant très recherchés et gagent confortablement leur vie. Ces professeurs et entreprises cambodgiens avec les aides de leurs collègues français ont ainsi d’autres bougies pour lutter contre l’obscurité. Ainsi petit à petit ces multitudes de bougies finiront par vaincre l’obscurité.

« Tak Tak Penh Bampoang, Chong Chong Roling Theng »
(Goûte à goûte on remplit le verre, avec des grands jets d’eau, le verre sera renversé) dit un dicton cambodgien.

Nous reproduisons le dernier paragraphe du deuxième article :

« Depuis l’enfance, il (Chay Lo) est convaincu qu’il doit « aider les gens pauvres plutôt que de ne travailler qu’avec des riches. » Chay Lo demande « Si tout le monde ne s’intéresse qu’aux grandes entreprises, qui va aider les gens des zones rurales ? » Une manière de rendre avec le sourire, ce qui lui a été donné ».

Cet exemple montre le peuple cambodgien recèle d’énormes possibilités si on lui donne la possibilité de s’instruire. Notre pays a besoin des dizaines, voire des centaines de milliers de Chay Lo. Le système d’enseignement actuel, avec des langues étrangères dans les universités, peut-il former rapidement des ingénieurs et des techniciens en grand nombre comme chez nos voisins ? Naturellement il y a aussi le problème des professeurs très mal payés et des programmes moyenâgeux. Avec le système actuel, comment pouvons-nous faire partager, aussi, à l’ensemble du peuple les connaissances fondamentales que possèdent tous les peuples des pays développés ? François Ponchaud reproche à notre langue d’être pauvre en mots abstraits. C’est vrai, mais qui nous aide à enrichir notre langue des mots qui nous manquent ? Il n’est pas nécessaire d’inventer nécessairement des mots nouveaux pour exprimer la totalité des concepts nouveaux des connaissances modernes. Dans le passé notre peuple a déjà adopté le mot « Sabou » pour savon, le mot « beurre » etc. De nos jours, les Cambodgiens ont adopté le mot Computer pour désigner les ordinateurs. Toutes les langues du monde sont en train d’évoluer rapidement avec le développement des sciences et techniques. Ce développement ne peut se faire qu’avec l’enseignement de la langue maternelle du pays dans les universités comme les multiples expériences dans tous les pays développés du monde, le montrent. Par exemple, les Cambodgiens du Canada, ont pu constater comment les francophones sont obligés de se battre durement contre l’envahissement de l’anglais. Actuellement les problèmes rencontrés en Belgique ne relèvent-ils pas des problèmes de langues dans les écoles et les universités ?

Nous souhaitons que Chay Lo et autres Cambodgiens, aident notre peuple dans un domaine encore plus essentiel pour l’avenir de notre pays : le développement de l’enseignement de la langue nationale dans les universités, en particulier dans les domaines scientifiques, techniques, philosophiques et autres sciences humaines.

Nous souhaitons que ce parcours exemplaire de notre compatriote Chay Lo, donne une accélération à nos compatriotes dans la confiance dans l’avenir de notre très chère patrie.

Nous reproduisons ci-dessous un sonnet de Joachim du Bellay, Poète français (1491 – 1543), à l’attention de Chay Lo et des personnalités françaises qui l’ont aidé, pour exprimer notre reconnaissance :

Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et de raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand revoiray-je, helas, de mon petit village
Fumer la cheminée : et en quelle saison
Revoiray-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaist le sejour qu’ont basty mes ayeux,
Que des palais Romains le front audacieux :
Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine,

Plus mon Loyre Gaulois que le Tibre Latin,
Plus mon petit Lyré que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur Angevine.
http://www.1001fontaines.com/fr/00_accueil/accueil.php

Cambodge, situation présente et son avenir

Nouvelles du Cambodge

CAMBODGE, SITUATION PRÉSENTE ET SON AVENIR

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 4 novembre 2007

Depuis un certain temps, le fait le plus important est que l’ensemble des Cambodgiens, plus particulièrement à l’étranger, se rendent compte du danger mortel dû à l’invasion militaire, humaine et, économique des Vietnamiens. Le problème crucial pour l’avenir de notre pays réside dans la possibilité pour le Cambodge de devenir une province vietnamienne. Certains Cambodgiens prévoient même, que ce sera fait dans une dizaine d’années et peut-être avant.

Comme solution ? Certains cherchent à savoir ce que dit « Put Tom Neay », comme les Français pour Nostradamus, dans des temps difficiles. D’autres sont à la recherche d’un « Preah Bath Thormeuk », c’est-à-dire un « Surhomme » ou un extraterrestre pour sauver le Cambodge. Tout cela parce qu’ils ne croient plus aux promesses jamais tenues des grandes puissances. Et aussi parce qu’ils n’ont pas confiance dans les capacités de notre peuple à relever ce défi motel. Au Cambodge, nos compatriotes savent depuis dès janvier 1979, que l’objectif de Hanoi est de faire du Cambodge, un autre Kampuchea Krom. Ils se méfient des belles paroles de Hanoi, puis après la signature des Accords de Paris du 23 octobre 1991, des promesses jamais tenues des grandes puissances et de l’ONU.

Il faut se rappeler de l’enthousiasme des Cambodgiens à l’étranger, en particulier en France au moment de la signature de ces fameux Accords de Paris. Les Cambodgiens se disputaient les places pour assister au banquet offert par Sihanouk, Son Sann, Khieu Samphan et Hun Sen. Puis la mise en scène organisée par le Président français Mitterrand et exécutée par son ministre des Affaires Etrangères Roland Dumas lors du retour de Sihanouk à Phnom Penh dans les fourgons de Hun Sen. Il faut connaître la chronologie de ce qui se passe après ce retour que nous diffuserons une autre fois. Le peuple cambodgien savait parfaitement que le retrait des troupes vietnamiennes n’était qu’une farce acceptée par les grandes puissances. Phnom Penh était quadrillé par la police Dakon vietnamienne et les militaires vietnamiens déguisés en civil. La communauté internationale présente à Phnom Penh fermait les yeux et les oreilles. Pour montrer qu’ils ne sont pas dupes de cette mise en scène à grand spectacle, le peuple de Phnom Penh organise les grandes manifestations, commencées le 17 décembre 1991 contre le pouvoir mis en place par les Vietnamiens depuis 1979. Elles se terminent par le massacre du 23 décembre 1991, exécuté par la police vietnamienne qui tirait à bout portant sur la foule, sous les yeux des diplomates et médias occidentaux. De source cambodgienne, il y aurait des centaines de morts. Depuis aucune enquête n’a jamais été faite. Pourquoi ce massacre à cette date ? C’est pour que ces manifestations se terminent impérativement avant le 25 décembre, treizième anniversaire de l’entrée des troupes vietnamiennes au Cambodge.

A la suite de ce massacre, l’ONU fut obligée de nommer à la hâte, le 9 janvier 1992, le Japonais Yasushi Akashi pour former et diriger l’UNTAC. Le Japon était obligé de débourser 3 milliards de $US pour cette opération. Akashi appliquait les directives de Tokyo pour défendre les intérêts du Japon au Cambodge.

D’autres Cambodgiens à l’étranger, se demandent comment les Juifs ont-ils pu garder leurs identités culturelles depuis plus de deux mille ans, malgré les multiples pogroms et massacres ? Le dernier en date vient de se passer durant la dernière et deuxième Guerre Mondiale. Pour comprendre comment le peuple juif est si résilient aux terribles épreuves subies, il faudrait lire le livre de Simone Veil ; « Ma Vie », Ed. Stock, qui vient de sortir en France. La lecture de ce livre permet de comparer le caractère industriel des massacres dans camp de concentration d’Auschwitz, en Pologne, avec le caractère moyenâgeux de Tuol Sleng, au Cambodge. L’Allemagne hitlérienne est une société hautement industrielle. Le Cambodge des Khmer Rouge est une société de paysans illettrés. Auschwitz et Tuol Sleng illustrent parfaitement ces deux types de sociétés. L’Allemagne est maintenant la troisième puissance économique du monde, le Cambodge parmi les plus pauvres. Allemagne : 0 % d’illettrés, Cambodge 50 % d’illettrés et 0 % d’industrie utilisant la matière grise cambodgienne. Nous souhaitons que nos compatriotes qui ont des possibilités, aillent visiter Auschwitz et lisent le livre de Simone Veil..

Certains Cambodgiens se demandent : « Pourquoi les Juifs sont-ils si résilients ? ». Pour répondre à cette question :

1 / Il faut savoir qu’il n’y a pas un seul Juif illettré dans le monde. Tout jeune Juif de 15 ans doit savoir commenter, à la Synagogue, devant des rabbins, la Torah, le texte sacré des Juifs, écrit en hébreu. Cela oblige aussi les femmes et les filles juives de connaître aussi l’hébreu pour pouvoir l’instruire aux garçons. Maintenant dans certaines communautés juives, les filles de 15 ans aussi, doivent pouvoir le faire comme les garçons de même âge. C’est ce qui explique que de tout temps, il y a des érudits et savants Juifs, comme Newton et Einstein parmi les plus connus. De nos jours il y a aussi de nombreux Juifs parmi les meilleurs savants, les artistes, musiciens et autres intellectuels du monde. Il n’y a pas d’ouvrier juif dans les usines, comme ont pu le constater les ouvriers cambodgiens. Nous recommandons la lecture du livre « 1492 » de Jacques Attali, maintenant en format poche. Ce livre est aussi l’histoire résumée de la monté en puissance de l’Europe à partir de l’invention de l’imprimerie en 1450. Attali résume cette histoire au début de son livre :


"L'Europe est ce géant : enchaînée par de multiples maîtres quand se défait
l'Empire romain d'Occident, elle sommeille durant presqu'un millénaire. Puis à
un moment de hasard et de nécessité, elle écarte ceux qui l'entourent et se
lance à la conquête de l'univers, massacrant les peuples de rencontre,
s'appropriant leurs richesses, leur volant leurs noms, leur passé, leur
histoire."
Jaques Attali
"1492", Ed. Fayard, Paris 1991, page 9.


Peut-on écrire l’histoire du Cambodge, sans tenir compte des interventions des Européens en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est à partir de l’arrivée des Portugais à Malacca en 1511 ? De nous jours peut-on comprendre ce qui se passe au Cambodge sans tenir compte des conflits des intérêts géostratégiques des grandes puissances ?

2 / Après la défaite de Hitler, les Juifs survivants ont récupéré leurs biens immobiliers et presque tous les biens mobiliers. Ils sont honorés et aidés par les pays d’où ils sont originaires. Les jeunes ont pu commencer ou reprendre leurs études avec des bourses quand ils quand ils n’ont plus de familles. Certains ont même obtenu des Prix Nobel.

3 / Les Juifs sont très solidaires entre eux. Beaucoup aux Etats-Unis sont très riches et viennent en aide à leurs familles en Europe et aussi à des sociétés d’aides. De nos jours les Juifs dans le monde envoient des milliards de $US au gouvernement d’Israël. Un Juif n’attaque qu’exceptionnellement un autre Juif en politique.

4 / Les Juifs sont très attachés à leur histoire. De nos jours de nombreux Juifs font des recherches pour essayer de confirmer ou infirmer certains passages de leur histoire écrite, par des preuves archéologiques. Ces recherches sont souvent financées par l’Etat d’Israël et des riches Juifs.

5 / Les Juifs ont un très grand respect pour leurs morts. Par exemple, en 1492, ils sont chassés d’Espagne dans des conditions jugées inhumaines de nos jours, lire le livre de J. Attali « 1492 ». Ils ont tout abandonné, en particulier leurs biens immobiliers. Mais avant de partir, ils ont demandé que les autorités espagnoles préservent et entretiennent leurs cimetières. Durant la Deuxième Guerre Mondiale, le pouvoir espagnol de Franco n’avait pas participé à l’extermination de Juifs en Europe. D’autre part, depuis quatre siècles, les villes espagnoles d’étendent et les cimetières juifs se trouvent au milieu du XXè siècle presque au centre des villes. En signe de reconnaissance, les Juifs ont accepté que leurs cimetières soient déplacés. Ainsi les autorités espagnoles ont tenu leur parole pendant quatre siècles. Les Juifs n’ont jamais accepté que des ossements juifs soient exposés à des touristes.

Nous souhaitons que nos compatriotes étudient et méditent l’histoire des Juifs pour essayer de trouver des moyens pour nous unir pour lutter contre la domination vietnamienne.

Toutes les expériences du monde, montrent que l’histoire et la culture sont les bases fondamentales de l’unité d’une nation. Leur pérennité réside dans leur support écrit. Toute culture basée sur l’oral est condamnée à disparaître. L’expérience en Afrique, où les peuples sont obligés d’apprendre une autre langue que celle de leurs ancêtres, n’est-elle pas là pour l’illustrer ? En Amérique latine, certains pays sont en train de remettre à l’honneur les langues de leurs ancêtres. Ils inventent ou adaptent des mots nouveaux pour pouvoir les enseigner dans des universités. C’est la seule solution pour pouvoir alphabétiser rapidement l’ensemble du peuple et lui faire connaître les connaissances du monde contemporain. C’est la seule solution pour permettre aux paysans et aux intellectuels de parler et d’écrire dans la même langue. Il important que le langage abstrait des sciences, des techniques, de la philosophie etc., devienne courant en ville comme à la campagne. Pourquoi ne pas chercher à comprendre la France qui se bat avec tellement de force pour la francophonie ? Car la défense de la langue française passe par la diffusion du savoir et des livres en français. Le Cambodge est le seul pays de notre région à négliger sa langue nationale. Pourquoi ? Les Cambodgiens à l’Est du pays, sont en train d’apprendre la langue vietnamienne et à l’Ouest la langue thaie. Les langues de nos voisins sont plus riches en vocabulaire que la nôtre. Ainsi l’invasion de nos voisins, ne commence-elle par l’invasion linguistique. Sommes-nous capables de le comprendre à temps ?

Un certain nombre de nos compatriotes, surtout à l’étranger, cherchent des échappatoires pour trouver des moyens pour lutter contre la domination vietnamienne, mais refuse de faire le moindre effort pour aider nos compatriotes au Cambodge à développer notre langue et à l’utiliser dans toutes les universités, comme dans tous les autres pays de notre région. L’enseignement des universités en langue nationale est le seul moyen pour former rapidement un grand nombre de scientifiques, de techniciens de tous les niveaux, des archéologues, des philosophes, des historiens etc. Et en même temps élever le niveau des connaissances au sein du peuple par des livres de vulgarisations en tout genre, y compris des livres sur la religion bouddhique.

Nous rediffusons ci-dessous un long extrait de la Conférence faite par Louis Malleret en 1946, diffusé une première fois le jeudi 23 février 2006, car reste toujours d’actualité de nos jours, et aussi maintenant au Cambodge même :

La vietnamisation de la Cochinchine durant la période coloniale et le Cambodge de nos jours

Extrait de la Conférence de L. Malleret sur "La minorité cambodgienne de Cochinchine" dans Bulletin de la Société des Etudes Indochinoises, tome XXI 1er semestre 1946.

"Que de fois, il m'est arrivé, parcourant à pied, à cheval, en charrette ou en sampan, les provinces de la Cochinchine, d'accepter la franche hospitalité des pagodes cambodgiennes. L'on s'empressait de m'apporter quelques noix de coco, pour étancher ma soif, tandis que j'offrais en retour des bâtonnets d'encens ou un paquet de thé. Dans la maison de repos des hôtes, on étendait une natte et, quand l'air est pur et léger, je ne connais pas d'impression plus sereine que celle de s'étendre sur les claies de bambou de ces maisons sur pilotis, tandis que les bonzes en robe de safran passent silencieusement dans les cours et qu'un vent espiègle murmure, dans les hautes touffes des cocotiers.

"Mais souvent, j'arrivais à une heure où l'école de la pagode bruissait du murmure des jeunes enfants et cela me conduit tout naturellement, à évoquer ici, le problème de l'enseignement qui se pose sous un aspect grave, pour la minorité cambodgienne de Cochinchine. Celle-ci forme un ensemble homogène, par sa langue, sa religion, ses coutumes, ses traditions. Attachée à sauvegarder ses usages, elle répugne à envoyer ses enfants à l'école franco-annamite et ne dispose que très rarement, d'écoles franco-khmères.

"On a essayé jusqu'ici, de résoudre la difficulté en favorisant le développement de l'enseignement traditionnel, dans les écoles de pagodes. Celles-ci sont de trois types. Les unes sont indépendantes et, de ce fait, échappent entièrement à notre contrôle. On en comptait 95 en 1944, réunissant 1 038 élèves. D'autres sont subventionnées. Il y en avait 20, au début de 1945, avec 571 élèves. Enfin, depuis quinze ans, l'on s'est attaché à multiplier le nombre des écoles de pagode dites "rénovées", où l'enseignement est donné par des bonzes, qui ont suivi un stage de perfectionnement, à Phnom Penh, à Tra-vinh ou à Soc-trang et que l'on s'efforce de conseiller, autant que le permet le droit de regard que l'on peut s'attribuer, sur des établissements de caractère presque exclusivement religieux. Le nombre des écoles de ce type a passé de 37, en 1930, à 90 en 1936, et à 209 en 1944, parmi lesquels on comptait 1093 filles, jusqu'ici traditionnellement écartées du bénéfice de l'instruction. Dans lev même temps, le nombre des écoles officielles franco-khmères n'a pas dépassé le nombre de 19, avec 30 maîtres seulement.

"Il y a là un problème qui doit retenir l'attention. Quel que soit le soin que l'on ait apporté à la formation des bonzes-instituteurs, la création des écoles de pagode, fussent-elles "rénovées", n'est qu'un moyen de fortune, qui ne saurait remplacer un enseignement de type normal à deux cycles, l'un élémentaire, où le véhicule de l'enseignement peut demeurer le cambodgien, l'autre complémentaire avec initiation à la connaissance du français. Mais l'on se heurte à la question difficile du recrutement des instituteurs et tous les efforts entrepris, pour la pénétration scolaire, dans les pays cambodgiens, sont paralysés par cette insuffisance numérique et qualitative du personnel. J'avancerai donc encore ici, un vœu en faveur des Cambodgiens de Cochinchine. C'est que le nombre des écoles élémentaires et complémentaires franco-khmères soit rapidement accru, de façon à former des sujets pourvus de certificat d'études, aptes, les uns à devenir instituteurs auxiliaires, les autres à fournir un premier contingent d'élèves-maîtres, dans les Ecoles Normales, auxquelles il faudra bien revenir, si l'on entend rompre décidément avec la politique d'enseignement primaire au rabais, qui a été suivie en Indochine, depuis la crise économique de 1929-1933.

"Ce problème ne touche pas seulement, à l'obligation d'accorder à l'enfant cambodgien de Cochinchine, le niveau d'instruction primaire auquel il a droit. Il englobe, aussi, la grave question du recrutement d'une élite. Dans la minorité khmère du Bas-Mékong, comme du reste dans l'ensemble du Cambodge, le fait qui saisit l'observateur, c'est que cette société est privée, en dehors du clergé, d'une classe véritablement dirigeante. Dans le vieux royaume khmer, ce sont souvent des Annamites qui fournissent le contingent des fonctionnaires de l'administration (1) ou qui occupent les professions libérales, et cette situation, dont les Cambodgiens sont les premiers à d'alarmer, sans beaucoup réagir, semble avoir des origines très lointaines. Il est remarquable, en effet, que la décadence de ce pays ait coïncidé avec l'époque où se produisaient dans l'Inde, les invasions musulmanes. A partir du moment où le Cambodge fut privé de l'encadrement que lui apportaient, semble-t-il, des brahmanes, sa déchéance commença (2). Il y a quelques raisons de penser que des causes ayant tari le recrutement d'une élite, produisirent les mêmes effets, dans l'ancien Fou-nan, et l'on a vu les Siamois s'opposer plus récemment, au relèvement de la nation cambodgienne, en massacrant lors de leurs incursions, les classes dirigeantes ou en les emmenant en captivité.

"Quoi qu'il en soit, l'œuvre urgente, l'œuvre nécessaire, c'est d'accorder à la minorité cambodgienne de Cochinchine, les moyens de sauvegarder sa personnalité, en créant pour elle, des écoles, et surtout en rompant avec l'habitude de la portion congrue, qui consistait à donner à des instituteurs cambodgiens communaux, des salaires dérisoires, comme c'était le cas en Cochinchine, en 1943, où les maîtres recrutés à grand peine, recevaient pour le prix de leur activité professionnelle, toutes indemnités comprises, vingt et une piastre par mois (3).

"Le problème de la pénétration scolaire, dans cette minorité, n'est pas le seul qui soit digne de requérir notre bonne volonté, mais il est d'une importance capitale, car tous les autres dérivent de l'ignorance où le paysan khmer se trouve de ses droits. Très attaché à sa terre, il n'est pas armé, pour défendre son patrimoine, et devient souvent la victime d'incroyables spoliations. Ses bonzes qui sont ses tuteurs naturels et qui l'ont maintenu dans la voie d'une magnifique élévation morale, demeurent étroitement attachés à la tradition et sans lumières sur les obligations et les rigueurs de l'existence moderne. Les "achars", vieillards respectés que l'on consulte dans des occasions difficiles, ne sont, eux non plus, que de fort braves gens attachés à la coutume non écrite, et dénués de ressources, devant les impitoyables nécessités d'une organisation sociale, où la bonne foi des faibles est exposée à de rudes assauts.

"Le contact de deux populations, l'une active et entreprenante, l'autre apathique et traditionaliste, produit quotidiennement des abus, que notre pays ne saurait couvrir de son indifférence, et qui relèvent, semble-t-il, au premier chef, de la mission d'arbitrage fédéral qui lui est dévolue en Indochine. Je connais une agglomération de la province de Long-xuyen, où la fusion du village cambodgien avec un village annamite, mesure décidée sans précaution, par l'autorité administrative, a eu pour résultat de déposséder entièrement, le premier (village cambodgien) de ses terres communales, au profit du second (village annamite) qui était pauvre, en sorte que l'école de celui-ci (village annamite) est devenue florissante, tandis que l'école de celui-là (village cambodgien) végète désormais, faute de ressources (4). Je citerai aussi, un hameau cambodgien de la province de Rach-gia, établi loin des routes et des canaux, dont les habitants connurent un jour, par moi, avec stupeur, qu'ils n'étaient plus propriétaires de leurs terrains d'habitation, ceux-ci ayant été incorporés au Domaine public, parce que n'ayant aucun titre régulier ou n'ayant pas été informés du sens des opérations de bornage, ils ne s'étaient pas présentés devant les commissions cadastrales (5).

"Faut-il s'étonner si, devant ce qu'ils considèrent comme des mesures arbitraires, les Cambodgiens abandonnent, parfois en masse, certains villages, pour fuir l'injustice et la spoliation. Des créanciers annamites ou chinois font signer à des paysans khmers illettrés, des actes léonins qui aboutissent, à brève échéance, à la dépossession totale du débiteur. Le mal était devenu si manifeste, et l'usure si coutumière de semblables expropriations, que l'administration française dut s'en alarmer. En 1937, le visa de l'enregistrement fut déclaré obligatoire pour les billets de dettes, avec signature conjointe du débiteur et du créancier. A Tra-vinh, il apparut même nécessaire, d'exiger leur présence, lors de l'inscription des hypothèques sur les registres fonciers.

"Il serait souhaitable, à un autre égard, que fussent élargies ou renforcées, certaines mesures prises à la veille de la guerre, par l'autorité française notamment celles qui prescrivaient que, dans les villages mixtes, l'élément khmer fût représenté par un nombre de notables, proportionnel à son importance, ou encore, celle qui instituait un officier auxiliaire d'état-civil, dans les villages en majorité cambodgiens. Mais ces mesures ne pourraient devenir pleinement efficaces, que si les notables ainsi désignés, prenaient rang, sous certaines conditions et selon l'importance numérique de la minorité, parmi les plus considérables des membres du conseil communal.

"Il est important aussi, que l'élément cambodgien ait la place qui lui revient dans le corps des élus, à quelque échelon qu'ils soient institués. On avait proposé, il y a une vingtaine d'années, que les cantons autonomes, relevant directement de l'autorité supérieure, fussent organisés, là où la minorité se présente en formations suffisamment compactes pour justifier cette mesure. Mais on peut concevoir aussi, que la désignation de chefs de cantons khmers soit déclarée obligatoire, dans les régions où le groupe ethnique est prépondérant, avec des sous-chefs de cantons, là où il ne détient pas la majorité. De toute manière, il est nécessaire que les Cambodgiens relèvent de fonctionnaires ou de conseillers parlant leur langue et que, dans les concours administratifs, un certain nombre de places soient réservées aux candidats aux fonctions publiques, avec à titre provisoire, des conditions spéciales. Il paraît indispensable que la langue cambodgienne soit officiellement admise, dans la rédaction des requêtes ou de la correspondance administrative. Enfin, on ne peut que souhaiter le développement du bureau des affaires cambodgiennes, qui avait été créé à la veille de la guerre, auprès du cabinet du Gouverneur.

"Les Cambodgiens sont appelés à prendre une certaine importance numérique en Cochinchine. Loin d'être en recul, leur nombre s'accroît à chaque recensement. En 1888, ils étaient 150 000 sur 1 600 000 habitants. En 1925, ils étaient devenus 300 000. A la veille de la guerre, on en comptait environ 350 000, sur une population globale de moins de 5 millions d'habitants. Leurs relations avec les Chinois sont excellentes, et l'on compte de nombreux métis sino-cambodgiens qui, fait remarquable, adoptent volontiers les coutumes de la mère, ce qui est rarement le cas pour les métis sino-annamites. Les Khmers de Cochinchine entretiennent généralement avec les Annamites des relations dénuées de sympathie. Ceux-ci les appellent avec condescendance, des "Tho", c'est-à-dire les "hommes de la terre", mais ils rendent mépris pour mépris, en traitant les autres de "Yun", du sanscrit "Yuvana", c'est-à-dire de "Barbare du Nord" (6). Il est certain que ces inimitiés, fondées sur des incompatibilités de mœurs, de langue, de religion et aussi, sur toute l'amertume d'anciennes dépossessions, ont pour effet d'entretenir un état de friction latente, préjudiciable à la paix sociale, et qui réclame le contrôle d'un arbitre.

"A cet égard, la Cochinchine apparaît par excellence, comme une terre fédérale, où la France pitoyable aux faibles et généreuse envers des sujets loyaux, doit faire prévaloir des solutions de justice et rétablir l'équilibre que tend à détruire dans le monde, la triviale sélection des plus forts. Il lui appartient d'attribuer à la minorité cambodgienne du Bas-Mékong, un statut politique qui n'a jamais encore été clairement défini, à sauvegarder ses droits par des mesures administratives, à maintenir son originalité culturelle, à protéger surtout sa fortune immobilière, patrimoine qui s'amenuise un peu tous les jours, par l'effet d'incroyables abus. J'ajoute que notre pays ne saurait se désintéresser non plus, de la condition morale de ces populations. La minorité cambodgienne de Cochinchine s'est traditionnellement appuyée sur le Bouddhisme du Sud, tandis que l'Annam adoptait le Bouddhisme du Nord. Il reste à la France, vieille nation chrétienne et libérale, devenue par l'Afrique, une métropole musulmane, à devenir pour l'Asie du Sud-Est, une métropole bouddhique. Ce n'est plus un secret, que le Japon avait tenté d'organiser à son profit, les sectes du Bouddhisme en Indochine, et que le Siam poursuivait depuis longtemps au Cambodge, les mêmes fins, pour des raisons d'expansion territoriale. Les bonzes cambodgiens de Cochinchine se trouvent placés dans le rayonnement de l'Institut bouddhique de Phnom Penh, ayant aussi des attaches au Laos, institut de caractère fédéral, dont le développement est souhaitable et l'importance ne saurait être sous-estimée."

Notes de Khemara Jati

(1) Il s'agit de l'administration coloniale au Cambodge.
(2) Malleret, malheureusement, se réfère aux thèses de Coedes. Thèse réfutée par B.-P. Groslier.
(3) Nous aurions souhaité que Malleret nous donne aussi le salaire des maîtres annamites.
(4) Il faut souligner que l'administration française de Cochinchine était entre les mains des Annamites. La décision de fusion des deux villages était donc destinée à aboutir au résultat constaté par Malleret. Le texte de Malleret est de 1946. Combien de telles décisions ont été prises depuis le début de la colonisation, depuis 1860 ? Il n'y a encore aucune recherche pour savoir si les Cambodgiens étaient minoritaires en Cochinchine au moment de l'arrivée des Français. Peut-on faire totalement confiance aux recensements faits par les autorités coloniales entièrement aux mains des Annamites ? D'autre part les frontières de la Cochinchine avançaient vers l'Ouest aux dépends du Cambodge. Nous avons des témoignages qui disent qu'il y avait peu d'Annamites à Saigon et pas un seul dans l'île de Koh Tral au début du XXè siècle. Mak Phœun dans son article "La frontière entre le Cambodge et le Vietnam du XVIIè siècle à l'instauration du protectorat français, présentée à travers les chroniques royales khmères", dans "Les Frontières du Vietnam", sous la direction de P. B. Lafont, Ed. L'Harmattan, Paris 1989, pages 136 à 155.
(5) Les agents non français des opérations de bornage et des commissions cadastrales et autres services techniques, étaient à 100% annamites, en Cochinchine comme au Cambodge.
(6) Malleret ne donne malheureusement pas la référence de son affirmation. Il n'y a à ce jour aucune recherche historique sérieuse sur les origines des mots Youn et Cochinchine par exemple. Pourtant Youn vient de Yué ou Viet. Vietnam = Yué du Sud (nan = sud en chinois). Les Chinois nomment toujours leur voisin du Sud : Youan-nan. Le terme "Cochinchina" est apparu la première fois sur la carte de la péninsule indochinoise dressée par un Portugais anonyme vers 1580 ; aussi sur la carte des "Indes Orientales" d'après la carte Mercator (1613), ces deux cartes se trouvent dans "L'Indochine" en 2 volumes de Georges Maspéro, Ed. G. Van Oest, 1929 ; aussi dans la carte de la Chine, dans l'Atlas de Mercator publié par Jocondus Hondius, Amsterdam, 1606, The Stapleton Collection. Sur ces trois cartes Cochinchina se trouve en Chine du Sud, au Nord du Champa et de Camboia.

Conclusion

De nos jours au Cambodge, le Vietnam n’est-il pas en train de vietnamiser le Cambodge en faisant tout pour entraver le développement de la langue cambodgienne par tous les moyens et avec le soutient intéressé des grandes puissances ? La Chine ne pense qu’à développer l’enseignement en langue chinoise, les Etats-Unis et autres ne pensent qu’à développer l’enseignement en langue anglaise, la France ne pense qu’à développer l’enseignement en langue française, le Japon ne pense qu’à développer l’enseignement en langue japonaise.

Or le Cambodge a besoin de former le plus rapidement possible des milliers, voire des dizaines de milliers d’ingénieurs de haut niveau, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers techniciens bien formés de tout niveau. Il faut donc pouvoir les sélectionner le plus largement possible. Il faut donc prendre un soin particulier à l’enseignement en langue nationale des classes primaires aux universités de haut niveau tout en favorisant l’apprentissage d’une langue étrangère comme deuxième langue. C’est ce qui se passe dans tous les pays développés du monde et aussi chez nos voisins de l’Est comme de l’Ouest.

On parle de la création des Zones Economiques Spéciales (ZES). Il est curieux de constater que ces ZES sont concédées à des sociétés privées ou étrangères. D’autre part pourquoi certains de ces ZES se trouvent curieusement à nos frontières ? Ces ZES auront besoin d’un grand nombre d’ingénieurs de haut niveau, de gestionnaires de haut niveau, des techniciens de tous les niveaux. Les responsables de ces ZES, ne vont-ils pas prendre prétexte de manque de personnel cambodgien qualifié pour recruter du personnel vietnamien à l’Est et du personnel Thai à l’Ouest ? Déjà les Cambodgiens à l’Est apprennent le vietnamien et le thai à l’Ouest ? Le Cambodge n’est-il pas en train de devenir une autre Cochinchine ? Le Vietnam utilisant la même stratégie que la France de la période coloniale pour vietnamiser la Cochinchine ?

Les chefs d’Etats des grandes puissances ne sont-ils pas des grands commis voyageurs pour vendre les produits de leur pays ? Les grandes puissances ne consacrent-elles pas des sommes énormes pour développer la recherche et les industries de pointe ? La politique ne consiste pas à faire seulement de la politique. La pérennité d’une nation réside dans le développement de sa culture écrite enrichie continuellement avec des échanges avec les autres cultures et aussi par le développement de son économie qui ne peut être gérée par ses propres citoyens. En bref, un peuple instruit est la base de la pérennité d’une nation. Un peuple instruit quand 10 % de la population sont de niveau universitaire et 50% de la population adulte achètent au moins un livre par ans. Quand sera le cas au Cambodge ?

Sommes nous aveugles à ce point aux expériences au Kampuchea Krom, en Thailande et maintenant au Cambodge même ? Sommes nous capables d’allumer une petite bougie au lieu de passer notre temps à nous lamenter, à accuser le passé et à maudire l’obscurité de notre avenir ?


Le dimanche 4 novembre 2007

Lettre du Sénateur Kong Korm

Nouvelles du Cambodge

Lettre de Son Excellence Kong Korm sur la terre Cambodgienne au Kampuchea Krom

SENAT
du Royaume du Cambodge
Nation-Religion-Roi

Paris, le 26 octobre 2007.

A l’attention de M. Christian PONCELET
Président du Sénat de la République Française

En ma qualité de Président de la 7ème Commission du Sénat du Royaume du Cambodge, en ce moment, hôte du Sénat de la République Française à Paris,

Je tiens à présenter mes respects et mes remerciements les plus sincères à Monsieur le Président du Sénat de la République Française de son accueil chaleureux ainsi que de ses contributions à l’amitié et à la coopération entre le Sénat français et le Sénat cambodgien.

Je profite de cette occasion pour solliciter de votre haute bienveillance la faveur de bien vouloir ré-examiner la Loi n° 49-733 du 4 juin 1949 modifiant le statut de la Cochinchine dans l’Union Française (fait à Toulon, le 4 juin 1949) signée de Vincent AURIOL, 1er Président de la IVème République, en particulier l’article 3 : en cas de changement du Statut du Vietnam, le Statut de la Cochinchine fera l’objet d’une nouvelle délibération des Assemblées prévues à l’article 75 de la Constitution (Titre VIII : De l’Union française) etc…

Je vous prie de me permettre de vous rappeler que, depuis la promulgation de la Loi n° 49-733 du 4 juin 1949, le territoire et la population d’origine khmère du Kampuchea Krom, en particulier leur culture, leur langue, leur religion, leurs coutumes et traditions, leurs droits ancestraux se trouvent menacés et détruits petit à petit. La politique de vietnamisation du territoire et de la population khmère du Kampuchea Krom et la poursuite d’agression sur le territoire du Cambodge restant, menées par le gouvernement vietnamien comme l’a montré la tentative d’annexion du Cambodge du 7 janvier 1979, constitueraient le danger de disparition du Cambodge s’il n’y avait pas l’accord de Paris du 23 octobre 1991, la reconnaissance par l’ONU de la Fédération des Khmers du Kampuchea Krom comme membre de l’Instance permanente des peuples autochtones et la reconnaissance par l’organisation UNPO (Organisation des Nations et Peuples non représentés) de la même Fédération comme membre de droit. La loi relative aux personnes appartenant à des minorités nationales et ethniques votée par l’ONU le 13 septembre 2007 constitue la base la plus solide en faveur du Kampuchea Krom et de sa population d’origine khmère.

Selon les cartes géographiques de l’Indochine publiées en 1638 et 1850, Kampuchea Krom faisait réellement partie du territoire cambodgien. Je vous demanderais de vous référer à la lettre n° 1 datée de novembre 1853 et à la lettre n° 2 de novembre 1856 de Sa Majesté Ang Duong, roi du Cambodge, communiquées à l’empereur Napoléon III, relatant la souveraineté du Royaume du Cambodge sur le territoire du Kampuchea Krom. Sur le même sujet, le roi Norodom Sihanouk, en date du 18 juin 1949, a porté à la connaissance de l’empereur du Japon, les missives du roi Ang Duong destinées à Napoléon III. Lors de son intervention à la 16ème Assemblée Générale des Nations Unies, le roi Norodom Sihanouk a considéré comme étant nuls et non avenus les Accords franco-vietnamiens de 1948 ainsi que la Loi française de 1949 : il a affirmé avec véhémence que le territoire du Kampuchea Krom était toujours la propriété légitime du Royaume du Cambodge.

En ma qualité de Président de la 7ème Commission du Sénat du Royaume du Cambodge en charge, entre autres, de la culture et donc de l’histoire, j’apporte mon soutien sans réserve à la résolution du 4 juin 2003 élaborée par la communauté khmère du Kampuchea Krom demandant au Parlement et au gouvernement français d’annuler la Loi n° 49-733, résolution soutenue également par le roi Norodom Sihanouk au nom de son peuple et portée à la connaissance du public cambodgien en date du 8 juin 2003.

Contre la stratégie de plus en plus sauvage d’anéantissement et, à la limite, d’oppression de la population et de la race khmères du Kampuchea Krom, fomentée par la République Socialiste du Vietnam,

Au nom de la population d’origine khmère du Kampuchea Krom et du peuple khmer du Cambodge,

Je demanderais avec insistance au Sénat, à l’Assemblée Nationale ainsi qu’au gouvernement français, en leur qualité d’ancien Protecteur du Cambodge et récemment de co-président des Accords de Paris de 1991, de ré-examiner, de résoudre la problématique sur le territoire de Kampuchea Krom, sur sa population d’origine khmère et sur le Royaume du Cambodge afin d’assurer leur pérennité.

En espérant améliorer la coopération entre la France et le Cambodge, et vous remerciant, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.

KONG Korm
Ancien ministre des Affaires Etrangères
Président de la 7ème Commission du Sénat
du Royaume du Cambodge.

Copie à :
- L’ONU
- Gouvernement de la République Française,
- UNPO
Pour examen et résolution
- Norodom Sihanouk,
- Comité permanent du Sénat,
- Communauté khmère de Kampuchea Krom
Pour soutien au message royal du 8 juin 2003

Publié par Khemara Jati
khemarajati@googlegroups.com

Le Cambodge de plus en plus viêtnamisé

Nouvelles du Cambodge

CFC/CBC-23 10 07-1F

16 ans après les Accords de Paix de Paris :
Le Cambodge de plus en plus viêtnamisé


En 2007, les chefs communistes vietnamiens ont multiplié, quasiment toutes les semaines, des visites « d’amitié » entre Hanoi et Phnom-Penh et de signatures avec leurs homologues khmers des accords de « coopération » dans tous les domaines, politiques, juridiques, parlementaires, militaires, administratifs, économiques, technologiques, culturels, religieux... Pour les chefs khmers, ce sont évidemment des coopérations-alignements systématiques de leur parti, des institutions nationales et de toutes les activités du pays sur ceux du Vietnam. C’est ainsi que le Vietnam communiste vienne apprendre à un Cambodge libéral, par exemple, la façon de faire des lois, d’organiser les élections internes, de gérer son économie, de diffuser les informations, d’orienter les créations artistiques et littéraires, d’encadrer la jeunesse ou de réglementer les pratiques religieuses des Khmers. Toute opposition à cette domination de Hanoi est passible de peine de prison ou de « peine » d’enlèvement et d’extradition par la police secrète vers le Vietnam, pour « crime contre l’amitié Cambodge-Vietnam », comme le cas du bonze Tim Sakhorn.

En même temps, après quelque 5 millions de Vietnamiens dénombrés dans le pays entre 1979 et 2003, la colonisation sauvage du Cambodge par des « immigrants » vietnamiens s’est poursuivie sans relâche, à travers tout le Cambodge, en application des accords illégaux des années 1980 et la protection des Associations de Vietnamiens déjà installés partout dans le pays. A présent, les Vietnamiens sont majoritaires dans les provinces orientales cambodgiennes, comme Svay Rieng et Prey Véng, et, avec leurs soi-disant « zones économiques communes », contrôlent de fait l’économie et l’administration de ces dernières. Un peu plus haut, nos provinces de Kompong Cham, Kratié, Mondulkiri, Ratanakiri et Stung Trèng sont de nouveau sous la domination des troupes, des milices et des travailleurs vietnamiens et leurs familles, toujours grâce aux « coopérations économiques », avec d’énormes concessions de terrains – et de souveraineté nationale - de 70 ans et plus, accordées en secret par Hun Sen et le Parti du Peuple du Cambodge (PPC) directement au Parti Communiste du Vietnam (PCV). De semblables concessions se sont étendues d’ailleurs aux provinces de Kompong Thom et Preah Vihear.

A la fin, personne ne parle ou n’ose plus parler des annexions de force par Hanoi des îles Koh Trâl et Krachak Sés en 1982 et d’une grande partie du domaine maritime du Cambodge. Les soi-disant « eaux historiques, eaux communes du Vietnam et du Cambodge» sont totalement sous la loi et les canons vietnamiens. En outre, les forces vietnamiennes s’arrogent le droit de contrôler tout l’espace maritime devant les côtes khmères de la province de Kampot : les frêles embarcations de nos pêcheurs qui s’y trouvent courent le risque d’être butées par des patrouilleurs vietnamiens ou simplement coulées par leurs canons, et, le mois dernier encore, des pêcheurs khmers de Kampot, protestant contre les incursions de pêcheurs viêts dans leurs eaux, ont été emmenés et frappés durement par la police maritime viêtnamienne de Koh Trâl, avant d’être relâchés.

La vietnamisation du Cambodge avance donc à grands pas, inexorablement. Ceux, des Khmers et des étrangers, qui ont conclu, et promis de les respecter scrupuleusement, les Accords de Paix de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1991, pour la restauration de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité et de l’inviolabilité territoriales du Cambodge, contre toutes agressions et ingérences de l’extérieur -du Vietnam en particulier qui l’a occupé militairement-, ceux-là se sont tus honteusement. Certains ont même trouvé « normale » cette incessante invasion du « faible » Cambodge par le « puissant » Vietnam.

Les Accords de Paris, en réalité, n’ont pas été élaborés et adoptés pour les Gouvernements uniquement, mais bien pour le Droit et l’Action des citoyens qui y trouvent leurs repères et leurs garanties indissociables.

Les citoyens khmers doivent continuer à protester, à soutenir les protestations légitimes des victimes, se manifester contre le Gouvernement et ses complices. Protester également contre les Gouvernements les puissances qui entretiennent la dictature du régime corrompu et anti-national de Hun Sen et son PPC, au moins leur écrire pour les en alerter et leur demander d’honorer leurs engagements à une application juste des Accords de Paris qu’elles ont signés aussi, si elles veulent sincèrement la paix au Cambodge et le bonheur de son peuple.

Les Citoyens Khmers doivent réagir sans faiblesse, et sans rien attendre de ceux qui les ont trahis ou abandonnés. S’ils veulent que leur nation survive encore.

Paris, le 23 octobre 2007
Le Comité des Frontières du Cambodge
en France et dans le monde.

(Singé) Dy Kareth,Vice-President

Publié par Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 24 octobre 2007

La paix, à quel prix

Nouvelles du Cambodge

LA PAIX, A QUEL PRIX

Traduction de l'article de Simon Taylor
publié le 22 octobre 2007 par The Guardian

Le 23 octobre est l'anniversaire de la signature des Accords de Paris de 1997 -- accords qui ont mis fin à des décennies de conflit armé au Cambodge et ont marqué le début de l'opération de maintien de la paix la plus coûteuse dans l'histoire. Pourtant, 16 ans plus tard, ce pays autrefois considéré comme un modèle de reconstruction post-conflit, est en train de devenir la dernière kleptocratie de l'Asie du Sud-Est; sa réputation est ternie par des allégations de corruption massive, d'impunité, de violations des droits de l'homme par un gouvernement répressif et anti-démocratique. La communauté internationale -- qui a financièrement soutenu la réhabilitation de cet Etat délabré --, a singulièrement échoué à arrêter le pourrissement. On devrait en tirer les leçons si on veut éviter un désastre similaire pour d'autres Etats fragiles émergeant d'un conflit.

En théorie, les ressources naturelles et le patrimoine national -- la terre, les forêts, les ressources minières et les sites archéologiques -- devaient servir de base pour redémarrer l'économie d'après-guerre. Les revenus provenant de leur exploitation devaient alléger la pauvreté et financer la reconstruction des infrastructures. Au contraire, une corruption systématique et institutionnalisée a privé la population entière des bienfaits qui ont découlé de ces biens publics.

Un rapide coup d'œil sur les secteurs économiques du Cambodge d'aujourd'hui montre que les forêts, la terre, les ports, les immeubles publics et les casinos sont en majorité sous le contrôle d'une poignée d'hommes d'affaires proches du gouvernement ou de membres de la famille de personnalités politiques haut placées. Les informations relatives à ces contrats ne sont pas connues de la population cambodgienne à qui les ressources nationales appartiennent. De même, les populations locales qui dépendent pour leur subsistance des forêts ou des terres, ne sont presque jamais consultées. La plupart des Cambodgiens ne se rendent compte de l'existence de ces contrats, que lorsqu'ils entendent le bruit de la scie électrique ou du bulldozer venu pour raser leurs récoltes.

Le cas des forêts en est une bonne illustration. Dans les années 1990, elles étaient décrites par la Banque Mondiale comme « la ressource la plus importante » du pays pour son développement. Aujourd'hui, elles se sont largement rétrécies, car elles ont été vendues au fil des ans, par l'élite politique du pays à des entreprises privées ou à des particuliers pressés de couper le bois pour un rapide profit. Le plus gros de l'énorme richesse générée par cette déforestation n'est pas allé dans les coffres de l'Etat, mais il semble qu'elle ait été siphonnée en direction des comptes bancaires privés des coupeurs de bois et de leurs protecteurs politiques.

Malgré une expansion des industries textile et touristique qui s'est traduite par une croissance économique à deux chiffres ces dernières années, la réalité demeure que les Cambodgiens sont parmi les plus pauvres du monde et que les inégalités augmentent. Avec environ 35% de la population vivant en dessous du seuil de la pauvreté, et la vaste majorité sans électricité ni eau courante, survivre devient un combat de tous les jours pour des millions de personnes. En même temps, les expropriations forcées et les confiscations de terres ordonnées par le gouvernement sont légion, les violations des droits de l'homme banales, la corruption endémique et l'impunité la norme. Au cours des cinq dernières années, cette situation s'est doublée d'un rétrécissement de l'espace de liberté de la société civile et de l'opposition politique, ce qui donne un système de gouvernance que le Rapporteur des Nations Unies pour les Droits de l'Homme qualifie de « fragile façade de démocratie ».

Depuis maintenant une dizaine d'années, l'assistance financière fournie par les pays donateurs représente l'équivalent de 50% du budget annuel du gouvernement. Après avoir dépensé des milliards de dollars pour mettre en place un système démocratique au Cambodge, on aurait pu croire que les pays donateurs et leurs contribuables ont intérêt à le préserver. Pourtant, la communauté internationale n'a à aucun moment, réussi à faire répondre le gouvernement de ses manquements flagrants à sa mission de protection des droits de l'homme, de lutte contre la corruption et de protection de la terre et des ressources naturelles. Dans les années 90, fermer les yeux à ces mauvaises actions était justifié par le besoin d'assurer la « stabilité ». De la stabilité découlerait le développement économique, et du développement économique découlerait le pluralisme politique. Les dernières 16 années ont montré la faiblesse d'une telle logique. Chaque fois que la communauté des donateurs n'a pas posé les bonnes questions, chaque fois qu'elle n'a pas résolu d'une façon réaliste les manquements du régime à remplir son devoir de bonne gouvernance, les personnes responsables ont augmenté leur richesse et leur impunité. Le résultat final est que les Cambodgiens ont de plus en plus de mal à demander des comptes à leur gouvernement.

Il n'est pas trop tard pour la communauté internationale pour redéfinir les termes de ses relations avec le Cambodge, mais il faudrait un changement fondamental dans son approche. En premier lieu, il faut reconnaître que priver un pays de ses ressources pour servir des intérêts personnels constitue une violation massive des droits sociaux et économiques de la population du pays. Ensuite, les pays donateurs doivent imposer des sanctions sur les individus et les membres de leur famille qu'ils ont de bonnes raisons de croire qu'ils profitent de l'exploitation corrompue des ressources de l'Etat. Ces mesures doivent comprendre le gel de tous leurs avoirs, la restriction de leurs déplacements internationaux et l'interdiction de faire des affaires avec les ressortissants des pays donateurs.

Une telle approche représente une pilule difficile à avaler pour ceux qui préfèreraient une relation amicale avec le gouvernement cambodgien. Mais, si la communauté internationale n'arrive pas à se faire respecter dans un petit pays relativement peu stratégique comme le Cambodge, que dire des semblables du Soudan, du Libéria, du Sierra Leone et de la République Démocratique du Congo? Continuer à fournir l'assistance internationale sans avoir le courage de confronter corruption massive et mauvaise gouvernance consiste à verser du bon argent après le mauvais. Pire encore, cela confère un sceau d'approbation et renforce la légitimité d'un gouvernement qui n'agit pas dans l'intérêt de sa propre population. Le Cambodge et son peuple méritent d'être mieux traités./.