2008-08-29

USA, Russie et Géorgie

Nouvelles du Cambodge N° 0839-F

Etats-Unis, Russie et orgie

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 28 août 2008

Le conflit en Géorgie est une illustration d’un conflit important entre, principalement, deux grandes puissances : les Etats-Unis et la Russie. Pour comprendre ce qui se passe, actuellement, ce conflit majeur depuis trois décennies, il faut remonter à 11 mars 1985, au moment de l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir en URSS. Rapidement Gorbatchev constate que les caisses de l’Etat sont vides. Les dépenses de l’ère Brejnev, surtout militaires, ont ruiné le pays. Gorbatchev est obligé d’amorcer un revirement brutal de politique de l’URSS.

· 28 juillet 1986 : Dans son discours à Vladivostok, Gorbatchev annonce le désengagement militaire de l’URSS du Pacifique.

· 18 décembre 1986 : Lors de son VIè Congrès, le Parti Communiste du Vietnam (PCV) est obligé de tenir compte de l’arrêt des aides soviétiques, en particulier, pour continuer sa domination militaire sur le Cambodge. Il faut faire intervenir ce tournant important pour comprendre les changements tactiques pour continuer à dominer notre pays par d’autres manières.

· 9 novembre 1989 : Le Mur de Berlin tombe, premier pas vers l’unification de l’Allemagne et la libération des pays de l’Europe de l’Est du communisme et de la domination soviétique. Affaiblissement de l’URSS.

· 18 juillet 1990 : James Baker, Secrétaire d’Etat US, de retour de Moscou, déclare : « US withdrew support from guerilla coalition of Cambodia ».

· 5 septembre 1990 : Réunification de l’Allemagne.

· 5 septembre 1990 : Le Secrétaire d’Etat James Baker annonce que les Etats-Unis discuteront désormais directement avec le pouvoir à Phnom Penh. Hanoi est satisfait de la décision américaine.

· 26 décembre 1991 : Dissolution de l’URSS et naissance de la Russie. Commence alors une difficile reconversion d’une économie étatique centralisée en une économie capitaliste et un période de désordre en Russie.

· 31 décembre 1999 : Commence l’ascension de Vladimir Poutine au pouvoir en Russie. Poutine réorganise le pouvoir en Russie, son industrie militaire et utilise ses potentiels en minerais stratégiques, plus particulièrement en hydrocarbures dont l’Union Européenne (UE) a un grand besoin.

Durant cette période, de 1991 à 2001, les Etats-Unis, par l’intermédiaire de l’Otan, encerclent l’URSS, jusqu’à ses frontières occidentales. Manque encore l’Ukraine et la Géorgie. Remarquons que la Finlande, instruite par son histoire, et qui a, pourtant, une longue frontière avec la Russie, refuse d’adhérer à l’Otan. La Finlande est le seul pays à accorder l’asile politique à tous les opposants menacés pour le pouvoir à Phnom Penh. C’est aussi le seul pays à accorder l’asile politique à Heng Pov. Malheureusement un certain nombre de grandes puissances faisaient en sorte que Heng Pov soit condamné au silence dans les prisons de Hok Lundy.

Pour les Etats-Unis et l’UE, l’acheminement du gaz et du pétrole, par pipelines, de la Mer Caspienne, sans utilisation du sol de la Russie, doit passer par la Géorgie, pour atteindre la Mer Noir. La Géorgie occupe donc une position stratégique pour l’Otan.

· 17 février 2008 : le Kosovo, province de la Serbie, proclame unilatéralement son indépendance, transgressant ainsi la résolution 1244 de l’ONU et malgré les protestations de la Russie. L’indépendance du Kosovo est reconnue par les Etats-Unis et une partie des pays européens, dont la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne. Mais le Kosovo n’est pas membre de l’ONU.

Examinons maintenant le rapport des forces entre, d’une part l’Otan, d’autre part la Russie :

Les forces de l’Otan reposent principalement de celles des Etats-Unis. L’UE a du mal à s’unir par un traité. Elle n’a pas une force militaire unie. Toute décision importante doit avoir l’accord unanime, ou au moins le consensus des 27 Etats membres. Depuis le 11 septembre 2001, d’importantes forces armées des Etats-Unis et de leurs alliés, sont engagées dans les guerres en Afghanistan, puis en Irak. Ces forces doivent transiter principalement le Pakistan pour atteindre l’Afghanistan. Actuellement le Pakistan connaît un période d’instabilité dont profitent les Taliban. Le Pakistan possède l’arme nucléaire et des fusées pour les transporter.

Les forces de l’OTAN utilisent aussi le survol de la Russie pour leurs opérations en Afghanistan. Il y a le problème de la possibilité de l’Iran à fabriquer l’arme nucléaire. L’Iran vient d’annoncer qu’il vient d’envoyer un satellite, avec une fusée de sa fabrication. La Russie vient de vendre des armes à la Syrie. En plus la campagne électorale bat son plein aux Etats-Unis.

Dans ces conditions que peuvent faire, les Etats-Unis et l’UE ? Des sanctions économiques ? 25 % du gaz naturel utilisé en UE, viennent de Russie. L’option militaire est impensable.

Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi, le Président géorgien, Mikheil Saakachvali, ancien avocat à New York, marié à une Hollandaise, a-t-il la malencontreuse idée de lancer son offensive contre l’Ossétie du Sud, la nuit du 7 au 8 août 2008, au risque de provoquer une réaction musclée de la Russie ? Ignore-t-il la situation du rapport des forces en présence ? L’ignorance est-elle une excuse dans la politique internationale ? D’autre part, Mikheil Saakachvali était-il assuré de l’unité de son propre pays, avant de se lancer dans cette aventure ? Les pays qui ont des frontières communes avec la Russie et où il existe des minorités russes importantes ne sont-ils pas en train de méditer sur cette conduite aventureuse de la Géorgie ? Les intérêts des autres grandes puissances comme la Chine, l’Inde ne sont-ils pas de rester autant que possible, neutres ?

Pour nous, Cambodgiens, le plus important est de savoir, d’abord, où se trouvent nos intérêts nationaux fondamentaux, qui sont les bases essentielles de notre unité nationale. Basés sur ces intérêts nationaux fondamentaux, nous pouvons évaluer à leurs justes valeurs les aides fournies par les grandes puissances.

D’autre part n’est-il pas important d’essayer de connaître les intérêts géostratégiques de chaque grande puissance dans notre région et essayer d’évaluer l’évolution du rapport global des forces de ces grandes puissances dans le monde et dans notre région. Il est important de savoir que chaque grande puissance défend d’abord ses propres intérêts, même aux dépens des nôtres. Par exemple aucune grande puissance ne nous vient en aide à utiliser notre langue maternelle et nationale dans toutes les universités. N’oublions jamais que l’ignorance est notre ennemi principal.

L’affaire Preah Vihear a comme conséquence une prise de conscience de l’importance de notre unité nationale qui se traduit par :

a) La construction des bonnes routes vers Preah Vihear et aussi vers d’autres localités sur nos frontières avec la Thailande. Il est même envisagé d’attribuer des terres aux officiers et soldats qui montent la garde à ces frontières et de construire un téléphérique à Preah Vihear. Ces travaux vont désenclaver ces régions frontières, tout en développant l’enseignement, l’économie et le tourisme. Ce que nous avons réclamé depuis une décennie est en train de se réaliser. Il est vrai qu’il faut attendre leur réalisation pour se réjouir.

b) Pour la première fois, il y a un appel au boycotte des produits, services et entreprises thais ! Cet appel est bien suivi. C’est une importante prise de conscience nationale. Il reste maintenant à généraliser ce boycotte aux produits, services et entreprises vietnamiens. Il reste aussi la généralisation de la construction des bonnes routes vers nos frontières avec le Vietnam et l’attribution des terres, avec défense de les vendre avant la troisième génération, à nos officiers et soldats qui les défendent.

c) Notre pays a un besoin urgent d’un nombre important d’ingénieurs, de techniciens de tous les niveaux, des gestionnaires de tous les niveaux pour fournir le personnel qualifié aux nombreuses entreprises qui se créent en ce moment. Un pays où la majorité du personnel qualifié des entreprises, est entre les mains des étrangers et plus particulièrement vietnamiens et thais, peut-il être indépendant ?

Reste, maintenant, à essayer de comprendre ce qui se passe en Thailande. Le fait que le Roi thai soit une des plus grandes fortunes du monde, est-il un des facteurs importants dans le dernier coup d’Etat et dans les tentatives pour déstabiliser le nouveau pouvoir issu des urnes ? Les grandes puissances, dont les Etats-Unis et la Chine sont-elles étrangères à cette crise ?

Conclusion.

La crise en Géorgie n’est-elle pas, pour nous Cambodgiens, une grande leçon qui se déroule sous nos yeux, pour apprendre à connaître les intérêts géostratégiques globaux des grandes puissances et à évaluer leur rapport des forces ? Et à en tirer des enseignements pour notre pays ? En remontant dans le passé, pouvons-nous comprendre notre histoire, sans tenir compte des inférences des puissances européennes à partir de l’arrivée par bateau, des Portugais, puis d’autres Européens dans notre région, à partir de 1511 ? Avec naturellement leurs conflits d’intérêts ?

080828

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La victoire d'Ô Smach

Nouvelles du Cambodge N° 0838-F

PREAH VIHEAR
et la défense de nos intérêts nationaux fondamentaux


Khemara Jati
Montréal, Québec
25 août 2008

Maintenant, face à la fois aux Vietnamiens et aux Thaïlandais, comment renforcer notre unité nationale durablement et notre volonté de lutter ensemble contre ces menaces ?

L’histoire montre que les relations internationales sont toujours basées sur le rapport global des forces : culturelle, intellectuelle, économique, militaire et politique.

La Cité à Travers l’Histoire. Par Lewis Mumford. Editions du Seuil, Paris 1964, traduit de l’américain « The City in History »

Page 39 :

«Du moins pourra-t-on voir à cette occasion s’appliquer dans toute sa rigueur la théorie de la sélection naturelle ; car au cours des cinq ou six deniers millénaires, les peuples les plus doux, les plus aimables et les plus accueillants ont été exterminés ou condamnés à disparaître, tandis que prospéraient les groupements les plus belliqueux qui relevaient tour à tour le flambeau civilisateur. »

Le monde est peuplé de « Monstres froids ». Dans les relations internationales, il n’y a jamais de sentiment. Il n’y a que les intérêts à défendre. Il faut toujours avoir cela à l’esprit pour comprendre les événements et les conflits internationaux. Il est important de ne pas écouter les paroles qui sont souvent des chants des sirènes qui veulent ensorceler Odyssée (Ulysse en latin), mais les actes. C’est comme pour les magiciens ou les prestidigitateurs, il ne faut pas écouter leurs discours, mais bien observer leurs mains et gestes.

En réalité tout est intérêts géostratégiques pour les grandes puissances et intérêts nationaux chez nos voisins. Et tout se joue sur les rapports des forces globaux : culturelle, intellectuelle, économique, militaire et politique.

Un peuple n’est uni solidement et durablement que s’il est instruit. On ne peut instruire un peuple que dans la langue maternelle qui est maintenant au Cambodge la langue nationale. On ne peut élever le niveau des connaissances d’un peuple que si on utilise cette langue nationale de l’école maternelle jusqu’aux universités, y compris surtout les facultés scientifiques. Un peuple instruit possède une armée instruite avec des soldats et marins instruits et des officiers de niveau universitaire, capables d’utiliser les armes les plus modernes utilisées sur terre, sur mer et dans les airs. C’est ce que font tous les pays d’Asie, en particuliers en Asie du Sud-Est et plus particulièrement chez nos voisins. Le Cambodge est la seule exception. C’est justement un de nos points faibles fondamentaux. Il ne faut pas compter sur les grandes puissances pour venir nous aider. N’est-ce pas pour maintenir la division, que le pouvoir vietnamien continue à interdire à nos sœurs et frères du Kampuchea Krom de s’instruire dans leur langue maternelle et d’interdire la diffusion des livres en cambodgien publiés au Cambodge ?

Un peuple n’est uni qu’avec un bon système scolaire partout dans le pays, avec de bons livres dans toutes les matières, en particulier en mathématique, en science et surtout en histoire nationale et en géographie du Cambodge, avec des professeurs bien, formés et bien rémunérés. Il faut donc avoir des bonnes facultés d’Histoire et de Géographie et avoir de bons livres d’histoire du Cambodge et du monde. Est-ce le cas actuellement pour le Cambodge ? N’est pas une des raisons de l’ignorance des Cambodgiens, particulièrement à la campagne ?

Un peuple n’est uni solidement que s’il y a des bonnes routes partout dans le pays, en particulier de bonnes routes vers nos frontières pour pouvoir aussi y transporter rapidement nos troupes en cas de nécessité. Au sujet de la défense de Preah Vihear, pourquoi n’y a-t-il pas encore au moins une bonne route vers Preah Vihear ? Pourquoi n’y a-t-il pas encore un développement touristique vers ce site ? Pourquoi n’y a-t-il pas encore un téléphérique pour les personnes âgées ou les personnes fatiguées ? Comment les Cambodgiens qui vivent dans cette région, peuvent-ils participer à la défense de Preah Vihear, s’ils sont en majorité illettrés, peu instruits, ignorants l’histoire de Preah Vihear ? S’ils dépendent économiquement de la Thailande ? Défendre Preah Vihear politiquement est très bien. Est-ce suffisant ?

Pour un pays, les bonnes routes sont une des conditions fondamentales pour l’unité d’une nation. Elles servent, à la défense de nos frontières, au développement du commerce, à permettre à nos compatriotes de bien connaître le Cambodge et ainsi à maintenir de bonnes relations entre les habitants des diverses régions et plus particulièrement habitant nos frontières. De bonnes lignes de chemin de fer sont une autre nécessité pour économiser les frais de transport des hommes et des marchandises.

Notre pays ne possède un port maritime pour l’indépendance de notre commerce international que depuis 1969. Nos côtes, d’autre part, possèdent des sites enchanteurs que disputent déjà des promoteurs pour construire des hôtels et des villages de vacance de luxe. Bokor est déjà entre les mains de la société vietnamienne Sokimex. Nos côtes sont aussi appelées à devenir des centres industriels les plus importants de l’Asie du Sud-Est, surclassant de loin Saigon et Bangkok. Nos côtes bordent la chaîne des Cardamomes. Ainsi, durant la période chaude, il suffit d’aller à quelques dizaines de kilomètres à l’intérieur pour trouver des régions boisées et assez élevées pour vivre dans la fraîcheur. En plus il y a le pétrole et, à cause du prix du pétrole, on finira par construire le canal de Kra pour diminuer le trajet des bateaux allant d’Europe en Asie de plus de mille kilomètres. L’opposition de Singapour tiendra-t-elle devant cette nécessité commerciale ? Une fois le canal de Kra construit, Nos côtes se trouveront juste en face, à sa sortie. Est-ce pour cette raison que le Japon est en train de construire un câble optique sous-marin directement de Sihanoukville à Tokyo ?

Pourquoi, n’y a-t-il pas encore un projet pour construire une raffinerie de pétrole pour raffiner notre pétrole ? Pourquoi accepter éternellement notre dépendance énergétique de nos voisins ? Avant 1970, il y avait pourtant une raffinerie de pétrole proche de Sihanoukville. Pourquoi obliger notre pays à dépendre de nos voisins en énergie électrique ? Pourquoi, en attendant l’exploitation de notre gaz naturel et de notre pétrole, ne pas investir dans la construction des centrales thermiques ? Un pays où les trois quarts de nos paysans s’éclairent encore à la bougie, peut-il se battre, même pacifiquement, contre d’autres qui s’éclairent à l’électricité ? Comment un peuple de plus de plus de 12 millions d’habitants, qui ne possède que 13 000 foyers reliés à Internet peut-il efficacement contre d’autres qui possèdent des dizaines de millions d’internautes ?

Certes les Cambodgiens au Cambodge sont de plus en plus conscients de ces problèmes cruciaux pour l’avenir du Cambodge. Mais les Cambodgiens à l’étranger sont-ils conscients ? Combien viennent apporter leurs aides dans ces domaines ?

Le développement économique rapide ne peut se faire qu’avec la création dans les plus brefs délais, des universités pour former le plus grand nombre possible de scientifiques, d’ingénieurs, de techniciens, à tous les niveaux et dans tous les domaines, de managers etc., en langue nationale avec une seconde langue étrangère. Les universités en langues étrangères ne peuvent former qu’un petit nombre d’intellectuels, même de très haut niveau, mais coupés du peuple qui est resté ignorant. Sinon, le Cambodge va devenir un pays où les étrangers, surtout nos voisins occupent déjà et occuperont les postes clefs de nos entreprises, de nos usines et donc de notre économie et les Cambodgiens ne constituent et ne constitueront que les travailleurs, des ouvriers et des coolies. Dans l’ensemble notre peuple végète et végètera et de disparaître dans l’oublie.

Boycotter les produits thaïs, c’est bien. Mais ne faut-il pas aller plus loin ? Consommer et utiliser avant tout cambodgien, c’est mille fois mieux. La préférence aux produits cambodgiens, aux entreprises cambodgiennes en tout, particulièrement en construction n’est-elle pas un acte pour développer notre unité nationale, et notre économie nationale ? Dans le cas où il n’y a ni entreprises, ni produits cambodgiens, pourquoi ne pas aider nos compatriotes à en créer et à en produire ? Pourquoi ne pas créer des écoles ou des instituts, utilisant comme véhicule notre langue, pour les former ? Pourquoi le Cambodge, est-il le seul pays de notre région à ne pas utiliser sa langue nationale dans les universités ? Pourquoi, dans Internet, n’avons-nous pas encore un moteur de recherche en notre langue, utilisable par tous ? Pourquoi avons-nous si peu de familles utilisant internet ? Pourquoi n’avons-nous que 13 000 internautes pour 14 millions d’habitants ?

L’expérience actuelle concernant le problème de Preah Vihear montre qu’il y a une certaine unanimité nationale en Thailande, capable de mobiliser la population pour organiser de grandes manifestations en face de Preah Vihear et à Bangkok. L’armée thaïe est infiniment plus moderne et plus instruite que l’armée cambodgienne composée de soldats et d’officiers peu instruits.

Si les États-unis dominent le monde, c’est qu’ils possèdent les universités et les laboratoires de recherche les plus performants avec des industries les plus développées du monde. La suprématie des États-unis dans le monde réside sur ces points. Cette suprématie n’est-elle pas déjà contestée ?

En conclusion, nos compatriotes au Cambodge, dans des conditions extrêmement difficiles sont en train de se battre dans les directions énoncées ci-dessus. Beaucoup de nos compatriotes à l’étranger, se préparent à aller s’installer au Cambodge après la retraite, apportant leurs connaissances et leurs savoir-faire. Une classe moyenne est en train de se constituer au Cambodge. Après la défaite de l’APV devant O Smach, Hanoi, tout en ayant ses pions haut placés, peut-il encore imposer au Cambodge, comme avant, toutes les grandes décisions selon ses intérêts ? La crise de Preah Vihear a pour conséquence une prise de conscience nationale. Il y a maintenant des patriotes dans tous les partis politiques. Dans Preah Vihear même et aux temples de Ta Moan Thom et Ta Moan Toch, les soldats thaïs font maintenant face à nos soldats qui ont combattu victorieusement à O Smach. La défense de ces trois localités a reçu le soutien total de l’ensemble des Cambodgiens. Toute concession de la part du pouvoir à Phnom Penh sera considérée comme une capitulation, voire une trahison. Le Cambodge a des atouts économiques suffisants pour contraindre la Thaïlande à ne pas utiliser les conflits avec le Cambodge pour régler ses disputes internes.

En ce qui concerne notre plateau continental, il est impératif de dénoncer le traité entre la Thaïlande et le Vietnam d’août 1997. Par ce traité signé un mois après le coup d’Etat du 5 juillet 1997, nos deux voisins partagent la moitié de nos eaux territoriales. Le problème du partage du plateau continental situé au large des côtes du Vietnam, du Cambodge et de la Thaïlande, doit être fait par une conférence internationale. Une solution sera basée sur les principes qui ont permis le partage d’une façon équitable le plateau continental de la Mer du Nord entre les pays européens limitrophes. Sinon, le monde serait toujours régit par la loi de la jungle et il n’y aura pas de paix possible.

Toute remise en cause des traités internationaux, déjà défavorables à nos intérêts nationaux fondamentaux, est une invitation à créer des conflits sans fin entre les pays limitrophes.

L’avenir du Cambodge dépend avant tous des Cambodgiens. Il faut donc renforcer notre solidarité nationale par la construction des routes, par l’utilisation de notre langue maternelle nationale dans les universités, en consommant avant tout les produits cambodgiens, en utilisant exclusivement les entreprises cambodgiennes.

La bataille pour Preah Vihear vient de révéler nos points faibles. Sommes-nous capables d’en prendre conscience et d’y remédier ? Errare humanum est, perseverare diabolicum (Se tromper est humain, persévérer dans l’erreur relève du diable) disent les Romains.

Les Allemands disent que l’avenir appartient à celui qui a la mémoire la plus longue. Avoir la mémoire longue c’est bien connaître l’histoire du monde et la nôtre placée dans ce contexte. Dans cette histoire il y a des moments de splendeurs et des moments de faiblesses. Pour bâtir l’avenir, il faut savoir tirer la leçon du passé, s’inspirer principalement de nos périodes de splendeurs, sans oublier nos périodes de faiblesses. Accuser le passé, chercher à savoir qui a tort, qui a raison dans le passé, c’est entrer dans l’avenir à reculons. C’est faire le jeu de nos ennemis. C’est accepter d’avance de vivre sous la domination étrangère.

« On confond souvent le sens historique avec le culte de la tradition ou le goût du passé. En vérité, pour l’individu comme pour les collectivités, l’avenir est la catégorie première. Le vieillard qui n’a plus que les souvenirs est aussi étranger à l’histoire que l’enfant absorbé dans un présent sans mémoire. Pour se connaître soi-même comme pour connaître l’évolution collective, l’acte décisif est celui qui transcende le réel, qui rend à ce qui n’est plus une sorte de réalité en lui donnant une suite et un but. »[1]

Khemara Jati
khemarajati@sympatico.ca

[1] Raymond Aron, dans « Introduction à la philosophie de l’histoire », Ed. Gallimard, 1er Ed. Paris 1938. Ed. citée 1986, page 432

La défaite vietnamienne à Ô Smach

Nouvelles du Cambodge N° 0836-F

LA DÉFAITE VIETNAMIENNE À Ô SMACH
ET PREAH VIHEAR

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 2 août 2008

Durant la deuxième quinzaine de juillet 1997, In Thaddée était en Thailande pas loin d’O Smach. Hun Sen déclarait qu’O Smach allait tomber rapidement, qu’O Smach tiendrait au plus une semaine. Il avait une confiance absolue sur l’invincibilité de l’Armée Populaire du Vietnam (APV), en particulier sur ses Unités Spéciales de Choc. Cette opinion faisait presque l’unanimité dans les opinions internationale et nationale, y compris celle des Thaïs. Mais jour après jour, semaine après semaine, même après un mois, deux mois, O Smach tenait toujours. Finalement l’APV fut obligée de se retirer. Les Vietnamiens enveloppaient leurs morts par centaines (par milliers ?) dans des sacs en plastiques bourrés de sel avant de les expédier dans des camions vers le Vietnam. In Thaddée avait à l’époque, diffusé un bulletin d’information sur papier ayant pour titre Comité de Soutien aux Patriotes et Démocrates du Cambodge (COSOPADEC) avec des photocopies des câbles de presses internationales et des extraits de journaux.

Nous citons des câbles de la presse internationale, les décisions des grandes puissances et l’opinion des hommes politiques publiées dans COSOPADEC, pour montrer l’ampleur de la grande victoire mémorable des armes cambodgienne à O Smach, sur la fameuse APV, prétendue invincible. Cette victoire a aussi des répercussions dans l’opinion thaïe et au sein même de la direction du PPC. Laissons parler les faits.

Après le coup d’Etat barbare et sanguinaire entrepris le samedi 5 juillet 1997 par l’APV, personne au monde ne pouvait prévoir la défaite de l’APV, réputée l’armée la plus forte, et de loin, du Sud-Est Asiatique, même qualifiée d’invincible, face à une petite armée du Funcinpec, et une armée de paysans habillés de loques et avec des armes démodées.

L’intervention massive de l’APV était confirmée par les Cambodgiens sur place et aussi par les témoignages des étrangers présents à Phnom Penh. Mais ce n’étaient que des témoignages privés. Ces étrangers ne veulent pas avoir à affronter l’hostilité des grandes puissances. Nous citons cependant Ranariddh : “The Vietnamese soldiers are supporting Cambodia’s new strongman, (former communist, Hun Sen, it was claimed by Prince Norodom Ranariddh, the former co-prime minister of the kingdom, in an interview granted to Radio France International today. Friday [15 august] “We now have plenty of evidence of the Vietnamese presence (in Cambodia). There are Vietnamese tank crews, in particular, soldiers and even police,” said Prince Ranariddh. “It is not entirely coincidental that Hun Sen was in Vietnam on holiday with his children on the day before the coup d’etat”, He emphasized.” Paris, 15 August (AFP)

Les Cambodgiens, où qu’ils se trouvassent, furent unanimes pour condamner ce coup d’Etat. Manifestations et réunions s’organisèrent, un peu partout dans le monde, suivies de résolutions et des appels. Ce fut un formidable sursaut de la solidarité national. La décision finale se trouve sur le terrain, sur le sort des armes, sur la bataille d’O Smach. Les Cambodgiens sont invincibles quand ils sont unis.

· Jeudi 10 juillet 1997 : le journal français « La Croix » : « Paris et Washington ne parlent pas de « coup d’Etat » au Cambodge… mardi, les Etats-Unis et la France ont condamné « le recours à la force » de Hun Sen tout en refusant de parler de coup d’Etat …Un millier de ressortissants étrangers ont été évacués sans dommage de Phnom Penh. »

· Dimanche 20 juillet 1997, Reuter : les Nations Unies publient sur les tortures barbares commises dans les centres de détention et plus tard sur les morts défigurés, en particulier des généraux du Funcinpec et de Ho Sok en particulier

· Lundi 28 juillet 1997 : Washington Post publie un article de Nate Thayer sous le titre : « Les Cambodgiens décrivent les atrocités commises par les forces de Hun Sen et se déclarent déterminer à résister (traduction de In Thaddée).

· Vendredi 8 août 1997, Washington, Reuter : « Les Etats-Unis prêts à négocier avec le nouveau Premier ministre du Cambodge ».

· Samedi 9 août 1997 (AFP) – « L’émissaire américain Desaix Anderson devait rencontrer samedi (9 août) à Phnom Penh le nouveau co-Premier ministre Ung Huot, un reconnaissance de facto le gouvernement issu du récent coup de force, en dépit des réserves exprimées publiquement à Washington, selon les annalistes. »

· Jeudi 14 août 1997, Phnom Penh, Reuter « Sihanouk nie avoir approuvé le remplacement de son fils ( Norodom Ranariddh par le fantoche Ung Huot)».

· Lundi 18 août, Reuter 15h48, heure de Paris par Sutin Wannabovorn :

« Les forces gouvernementales (vietnamiennes en réalité) du Cambodge sont entrées lundi dans O Smach, dernier bastion des forces royalistes du prince Norodom Ranariddh, mais ne contrôlent pas encore toute la ville, ont rapporté des gradés à Phnom Penh.

Les troupes gouvernementales se sont emparées de la moitié sud de O Smach » a déclaré le général Meas Sophear, qui dirige (nominalement) les opérations de combat depuis la capitale.


« Nous n’avons pas encore pris la ville, mais nous espérons le faire d’ici demain » a-t-il dit, ajoutant que la forêt dense, les mines et la malaria avaient rendu difficile la progression.

« En revanche les Khmers rouges, venus renforcer les troupes royalistes du prince déchu Norodom Ranariddh ont affirmé avoir repoussé les forces gouvernementales jusqu’à Phong, à 12 km au sud d’O Smach. Les Khmers rouges disent également avoir détruite une batterie d’artillerie gouvernementale et tués 70 soldats dans une ville voisine, Krong Kriel, à 25 km au sud d’O Smach. »

· 19 août 1997 (Reuter - Phnom Penh) : « Le dirigeant cambodgien Hun Sen a menacé de démissionner de son puissant parti politique si ses membres ne le suivaient pas dans ses décisions. Le second Premier ministre Hun sen, qui est vice-président du Parti du Peuple Cambodgien (PPC) a averti que sans lui, le parti courait à sa perte.

« Je quitterai le parti si vous ne (me) suivez pas, et si je quitte le PPC, vous vous casserez la figure, car vous avez besoin du soutien de Hun Sen » a-t-il déclaré dans un discours diffusé à la radio d’Etat.

Le discours de Hun Sen semble être destiné à couper court à d’éventuelles dissensions au sein de l’ex-parti communiste PPC. »

Ce discours montre que le PPC n’était pas unanime pour accepter le coup d’Etat imposé par Hanoi avec l’utilisation massive des unités entières de l’APV. Cela montre aussi que Hanoi n’a plus les moyens de limoger les opposants à sa domination du Cambodge. Rappelons que Hanoi a pu limoger 85 membres du Comité Central du PPC, lors du Congrès de ce parti janvier 1997. Il est certain que ces 85 membres du Comité Central du PPC sont des opposants à la domination vietnamienne sur notre pays. Combien de ces anciens membres ont-t-ils été liquidés lors du coup d’Etat ? Combien d’officiers, dont des généraux, cambodgiens du PPC ont-t-ils été liquidés lors de ce coup d’Etat ? Le coup d’Etat du 5 juillet 1997, était-il destiné à détruire l’armée du Funcinpec seulement ? N’est-il pas, aussi, une occasion pour éliminer les récalcitrants parmi les hauts dignitaires du PPC ? Tout le monde sait un opposant éliminé, dix autres se lèvent pour le remplacer.

La défaite de l’APV devant O Smach ne montre-t-elle pas que la domination militaire des Vietnamiens sur le Cambodge a trouvé ses limites ?

· Le 24 août 1997, Sam Rainsy, après une visite à O Smach, fait la déclaration suivante, sous le titre :

« O Smach, symbol of a heroic resistance », en conclusion :

« O Smach may fall any time because event steel can be pierced. But there are likely to be many other O Smach all over Cambodia which will show the determination of the Cambodian people to resist tyranny. The light of O Smach will continue to shine in millions of hearts. The spirit of O Smach will inspire generations of freedom fighters and justice loving people. »


· Lundi 8 septembre 1997, Reuter, Manille, Philippines : « Les Etats-Unis font pression pour des élections libres et démocratiques au Cambodge ».

Ainsi les Etats-Unis ne croyaient plus à la victoire de l’APV à O Smach.

· 12 septembre 1997, Chakraval (en cambodgien, traduction par Cosopadec)
« Selon un rapport en date du 12 septembre 1997, Samdech Chea Sim, président de l’assemblée nationale, issu du PPC, a accepté d’accorder des passeports à cinq chefs militaires séditieux afin qu’ils puissent s’exiler. Il s’agit de ceux qui dirigent (officiellement) actuellement les forces de résistance pro-Ranariddh combattant l’armée du gouvernement royal (APV en réalité) à O Smach.
« Samdech Chea Sim a délivré des passeports à Nhiek Bun Chhay, Serei Kosal, Khan Savoeun, Lai Virak, ainsi qu’à un général Khmer Rouge.
[…]
Samdech Chea Sim avait donné son accord, le 7 septembre 1997.
[…]
L’acte de Chea Sim d’accorder des passeports aux quatre commandants séditieux a été décrit comme une interférence flagrante dans les affaires du gouvernement royal. »


· 14 septembre 1997, Reaksmei Kampuchea, en cambodgien, traduction de Cosopadec :

« At a recent cabinet meeting, the council of Ministers proposed that the minister of economy and finance consider the transfer or replacement of Sarak Khan, Ministry of Economy and Finance permanent secretary and adviser to (National Assembly Chairman) Samdech Chea Sim. “Intervention from another upper echelon circle is said to have blocked the proposal later.”

C’est une preuve officielle que Hanoi ne pouvait plus dicter ses décisions, ni d’émettre certaines hautes personnalités selon son bon vouloir.

· Vendredi 19 septembre 1997 : l’ONU décide de laisser vacant le siège du Cambodge.

· Mardi 23 septembre 1997, Phnom Penh, Reuter : « Le fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) ont suspendu pour une durée indéterminée leur soutien financier au Cambodge. »

Durant cette bataille, les Thaïs faisaient tous leurs possibles pour faciliter le ravitaillement d’O Smach, en armes, munitions et vivres. On sent que les Thaïs avaient peur d’avoir l’APV à leurs frontières. Car la défaite d’O Smach, signifierait la domination totale du Cambodge par Hanoi comme durant les années 1980, avec l’APV, en permanence à leurs frontières.

Les Cambodgiens avaient l’avantage du terrain. O Smach se trouve à la frontière thailandaise. De ce fait l’APV ne pouvait pas l’encercler. Il fallait prendre O Smach par le Sud en traversant les champs de mines, après des bombardements intensifs à l’artillerie lourde. Les tanks sont peu utilisables. Seuls les assauts massifs des unités de choc pourraient prendre O Smach. Le monde entier, y compris 99,99 % des Cambodgiens à l’étranger, principalement, ne faisaient aucune confiance à des possibilités de la défaite de l’APV à O Smach. A un moment donné et à plusieurs reprises les Vietnamiens obligeaient des enfants cambodgiens, après les avoir enivrés d’alcool, à avancer devant eux, se faire sauter sur les mines devant les yeux horrifiés et bouleversés des défenseurs d’O Smach. En vain. Les Vietnamiens mouraient pour centaines voire plus d’un millier, devant O Smach.

La défaite des meilleures unités de l’APV devant O Smach, fait ressortir les divisions au sein du PPC.

· Saturday September 27, 1997, Bangkok Post : “Hun Sen troops defecting. Us issues warning as rift in CPP rumored. Phnom Penh Agencies.
“Nearly 500 Cambodians government soldiers under strongman Hun Sen defected to opposition forces loyal to deposed co-premier Prince Norodom Ranariddh, the prince said in an interview published yesterday.
“I Think that now the Military activities are growing,” He told the Cambodia Daily newspaper in New York.
“The prince is lobbying for international pressure against Hun Sen on the sidelines of the United Nations General Assembly session.”


· Mercredi 8 octobre 1997 : Déclaration du porte parole du ministère (français) des Affaires étrangères : « Le ministre Hubert Védrine (du gouvernement Jospin formé en juin 1997) a reçu hier soir à 17h00 M. Ung Huot, Premier premier ministre et M. Hun Sen, deuxième Premier ministre, qui étaient en France à titre privé. »

Etait-ce, aussi, pour préserver les possibilités pour la compagnie pétrolière française Total de l’octroi d’un permis de recherche du pétrole sous notre plateau continental ? La compagnie Elf-Aquitaine, maintenant absorbée par Total, connaissait bien les possibilités de ressources pétrolières du Cambodge, pour les avoir exploré avant les événements de 1970. Et aussi pour ne pas trop mécontenter le Vietnam ?

· Dimanche 12 octobre 1997 : les forces vietnamiennes se retirent d’O Smach, discrètement mais honteusement. D’après nos compatriotes sur place il y aurait au bas mot 1 000 vietnamiens tués devant O Smach. Ce nombre pouvant dépasser largement ce chiffre. Les Vietnamiens transportaient les cadavres de leurs soldats et officiers au Vietnam, emballés dans des sacs en plastiques bourrés de sel, après, peut-être, leur avoir injecté des produits comme le formol. On comptait des centaines de camions transportant ces cadavres. Les héros d’O Smach vivent maintenant au Nord et au Nord-Est du Cambodge, à la frontière thaïlandaise. Pour avoir plus d’informations sur la victoire d’O Smach, il faudrait aller interviewer très discrètement ces héros d’O Smach et leur famille. Certains vétérans, à Preah Vihear, montent maintenant la garde à Preah Vihear, prêts à se battre contre les soldats Thaïs qui connaissent leur valeur sur les champs de bataille, en particulier à O Smach. Le moral joue aussi en faveur des Cambodgiens : les Thaïs sont des envahisseurs, ils le savent comme l’opinion mondiale. Les Cambodgiens défendent leur pays.

Dans la bataille d’O Smach, du côté Cambodgien, pour la première fois on note la mort du général Funcinpec Nuon Vanna sur le champ d’honneur. Il y a d’autres officiers supérieurs du Funcinpec, morts aussi sur ce champ d’honneur. Plusieurs généraux et officiers du Funcinpec refusaient de rentrer au Cambodge.

Désormais Hanoi ne peut plus imposer totalement sa volonté sur le Cambodge.

Ainsi, militairement, les Vietnamiens n’ont jamais pu vaincre les Cambodgiens, à O Smach comme lors du règne de la fantoche Ang Mei, durant la première moitié du XIXè siècle. La victoire sur les armées de la cour de Huê, a porté Ang Duong au pouvoir. Lire une histoire intéressante de cette guerre de libération dans « Histoire du Cambodge » d’Adhémard Leclère pages 448 à 462. Rappelons que les troupes envoyées par la cour de Huê au Cambodge étaient armées et entraînées à la manière française par les officiers français de Monseigneur de Béhaine, qui ont aidé puissamment Gia Long à vaincre la rébellion des Tay Son[1]. Alors que durant cette première guerre de libération, de notre côté, nos héros se battaient principalement avec des armes blanches avec des méthodes traditionnelles de combat.

Il faut cependant se rappeler que Adhémard Leclère aimait le Cambodge et les Cambodgiens, mais il était aussi un administrateur colonial français. Il était compréhensible qu’il écrivisse notre histoire, après la victoire d’Ang Duong, en sorte, que le Protectorat français sur le Cambodge fusse dans l’intérêt du Cambodge, alors qu’il était fondamentalement dans l’intérêt de la France : faire du Cambodge un arrière pays pour exporter nos produits dans le but de développer le commerce internationale par le nouveau port de Saigon[2]. Il est important de savoir que la conquête de Saigon et surtout la « pacification » des régions habitées par des Vietnamiens, se faisaient avec les aides des Cambodgiens du Kampuchea Krom et aussi celles d’une armée cambodgienne commandée par le général Kaep, envoyée par Ang Duong[3]. Nous reviendrons plus en détail sur cette question, dans un autre article.)

En ce qui concerne la victoire d’Ang Duong sur les Vietnamiens, nous citons un historien vietnamien très connu :

« Le Cambodge ne resta pas en paix. Des troubles civils y ramenèrent Siamois et Vietnamiens appelés par l’un ou l’autre des princes khmers qui s’affrontaient. Pour prix de leur « aide », les Siamois occupèrent en 1814 des provinces de Tonlé Repou, Stung Treng et Mlu Prey, tandis que Minh-mang, en 1834, chercha même à annexer le pays. Il en fit la province de Trân-tây thành, divisée en 32 phu et 2 huyên. La politique d’assimilation commença aussitôt : nomination de fonctionnaires civil et militaire, ouverture d’écoles vietnamiennes, contrôle du commerce, cadastre des terres, levée d’impôts sur les inscrits, les rizières, les barques et les produits locaux. Mais les abus auxquels se livrèrent les mandarins dressèrent le Cambodge contre l’envahisseur. Le frère d’Ang Chan, Ang Duong (Ong Dôn) prit la tête de la résistance avec l’aide du Siam, et mena une dure guérilla. Après la mort de Minh-mang, Thiêu-tri, renonçant au Trân-tây thành retira ses troupes (1841). Cette brève tentative d’annexion du Cambodge, coûteuse en hommes et en matériel, se soldait ainsi par un échec. Mais la décision de Thiêu-tri était sage. »[4]

Durant la bataille d’O Smach, Khemara Jati était un des rares et probablement le seul, dès le début, à avoir une confiance absolue sur la victoire de nos armes sur la puissante et réputée invincible Armée Populaire du Vietnam. Parce que dans notre histoire depuis le milieu du XIXè siècle, les Cambodgiens sont invincibles quand ils sont unis devant le ou les ennemis. Ce qui était le cas durant guerre de libération nationale menée par Ang Duong, c’est le cas maintenant durant la bataille d’O Smach. Dans la bataille d’O Smach, il y avait peut-être des doutes de la part de nos compatriotes, mais aucune voix contre.

Maintenant, face à la fois aux Vietnamiens et aux Thaïlandais, comment renforcer notre unité nationale durablement et notre volonté de lutter ensemble contre ces menaces ?

(... à suivre)

[1] Lire « Histoire de l’Indochine, la Perle de l’Empire 1624 – 1954 » par Philippe Héduy, ed Albin Michel, Paris 1998, c’est une histoire principalement du Vietnam.
[2] Lire « Bordeaux et la Cochinchine sous la Restauration et le Second Empire » par Etienne Denis, édition privée janvier 1965, c’est un récit très intéressant concernant le point de vue d’un des premiers commerçants installés à Saigon.
[3] « La frontière entre le Cambodge et le Vietnam du XVIIIè siècle à l’instauration du protectorat français présentée à travers les chroniques royales khmères » par Mak Phoeun, article dans « Les Frontières du Vietnam » sous la direction de P. B. Lafont, ed. L’Harmattan, Paris 1989).
[4] « Histoire du Vietnam » par Lê Thành Khôi, Ed Sudestasie, Paris 1992, p. 363

2008-08-01

Le traité franco-siamois de 1867

Nouvelles du Cambodge N° 0834-F

PREAH VIHEAR
et le Protectorat Français de 1863

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 28 juillet 2008

Pour comprendre le problème de Preah Vihear, il n’est suffisant de remonter seulement aux Traités entre la France et alors le Siam de 1904 et 1907. Il faut remonter à un peu plus loin. En effet le traité du Protectorat Français du 11 août 1863. A partir de cette date, la France est sensée représentée le Cambodge dans toutes les relations internationales, en particulier avec le Siam.

Rappelons que, le 5 juillet 1867, la France signe avec le Siam un traité par lequel, la France cède unilatéralement au Siam non seulement nos provinces actuelles du Nord-Ouest dont Battambang et Mlou Prey, mais aussi Chanthabury, Trat et les îles au large. Maintenant beaucoup d’habitants de ces provinces thaies limitrophes du Cambodge de l’Ouest, parlent encore cambodgien. De nos jours aucun livre d’histoire du Cambodge de parle de ce traité de 1867, sauf le livre « Histoire du Cambodge » de Adhémard Leclère, page 490 – 491 :

« Cependant inquiété par le délégué siamois à Oudong, le roi du Cambodge avait secrètement signé avec le Siam un traité semblable à celui qu’il avait signé avec nous (la France). En mars 1867, le gouvernement de Bangkok, voyant que ce traité était soupçonné de nous, s’empressa de lui-même de déclarer qu’il avait traité avec le roi Norodom à une époque où il ignorait encore qu’un traité liait le Cambodge à la France, et que, l’ayant appris, il annulait le sien afin de ne pas nuire à notre action. Or, à cette heure, le roi de Siam venait de signer avec notre consul (Charles Louis de Montigny) à Bangkok, qui ne connaissait pas la situation réelle et à l’insu de l’amiral gouverneur (de la Cochinchine), un traité par lequel nous reconnaissions que les provinces d’Angkor et de Battambang appartenaient au Siam.

« Ce malencontreux traité fut connu à Saigon en juillet 1867 ; notre gouvernement d’alors l’avait, très à la légère, ratifié à Paris (le 5 juillet 1867) et ces belles provinces – que l’amiral et que M. de Lagrée, le représentant du protectorat français au Cambodge, voulaient faire restituer au royaume – furent pour quarante ans encore perdues au royaume. L’amiral était mécontent, M de Lagrée, notre représentant du Protectorat à Oudong était furieux. »

Les traités de 1904 et 1907 furent donc des compromis aux dépends des intérêts cambodgiens. La France avait cédé au Siam nos provinces à l’Ouest de Battambang et les îles au large.

Durant l’occupation siamoise de nos provinces actuelles de l’Ouest et du Nord-Ouest, dont Battambang, contrairement aux informations données par des documents étrangers de nos jours, le Siam n’a pas ménagé ses efforts pour les siamiser. Le Siam a essayé en vain de mettre à la place d’un membre de la famille de Kathathan, un Siamois docile aux ordres de Bangkok, pour gouverner Battambang. La population de ces provinces a refusé de parler siamois. Au contraire, des familles cambodgiennes de ces provinces deviennent des hommes politiques de premier plan à Bangkok comme Pridi et Aphayvong par exemple. De nos jours un certain nombre d’officiers thais de haut rang parlent cambodgiens et sont mariés à des femmes cambodgiennes de Battambang. D’autres sont des descendants de Cambodgiens reconnaissables souvent par leur nom. Ainsi si les Cambodgiens de Battambang conservent leur identité culturelle durant l’occupation siamoise, ce n’est pas par bonté du pouvoir thai.

Pridi (11 mai 1900 – 2 mai 1983 à Antony, France) a fait ses études de droit à Paris. II a été anobli par le roi thai avec le titre de Luang Pridi Phanomyong. Après ses échecs politiques, il vient vivre en France jusqu’à sa mort. Il est intéressant de noter qu’un étudiant cambodgien, Kheng, venant faire un stage à Paris avant 1970, a vécu avec une nièce de Pridi.

Dans la biographie officielle de Luang Pridi, on ne fait aucune référence à ses origines cambodgiennes. C’est normal. Ainsi, beaucoup de documents officiels sont de véritables mensonges. L’histoire est écrite par les vivants, c’est-à-dire par les vainqueurs. Il faut souvent se le rappeler.

Passer son temps à accuser le passé c’est accepter d’avance que l’avenir soit construit par d’autres. C’est entrer dans l’avenir à reculons. Le plus important est de participer à la construction de l’avenir de notre pays avec nos nouvelles générations.

En Conclusion, par les traités de 1904 et 1907, la France n’a récupéré pour le Cambodge qu’une petite partie des domaines terrestres et maritimes cambodgiens perdus par le traité de 1867. Preah Vihear appartient donc au Cambodge depuis bien avant l’arrivée des Français. Ce n’est pas le fait qu’un de nos gouverneurs de provinces fasse allégeance au Siam ou à l’Annam pour dire que cette province appartient au Siam ou à l’Annam. Le plus important est d’étudier à fond l’attitude des Cambodgiens habitant ces provinces au moment de la colonisation française. Nous reviendrons, une autre fois sur le cas de Hatien et d’autres provinces cambodgiennes de Cochinchine au moment de l’arrivée des Français.

Nous souhaitons que nos compatriotes fassent des recherches plus approfondies sur ces questions en consultant, de préférence, les documents de l’époque, étrangers et cambodgiens et aussi en interrogeant des personnes dont la famille ou des connaissances ont des rapports avec notre histoire de cette période. Les documents actuels contiennent beaucoup d’informations inexactes mais aussi des faits réels. Il faut savoir les trier avec beaucoup de discernement.\

Pour communiquer avec Khemera Jati
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