Le problème du prix de l'énergie au Cambodge
Nouvelles du Cambodge N° 0702
LE PROBLÈME DU PRIX DE L'ÉNERGIE AU CAMBODGE
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 25 janvier 2007
Au Cambodge, l'énergie, essence et électricité, est toujours au moins 50 % plus cher que chez nos voisins, même au Laos, pays sans communication avec la mer. Est-ce par hasard si la société vietnamienne Sokimex qui détient le quasi-monopole de l'importation. Ce prix élevé de l'énergie est imposé par le Vietnam pour :
1 / Rendre le développement économique très difficile. Car tout dépend du prix de l'énergie. Le prix de l'énergie entre pour 10 % dans le prix de la production en tout. Donc rendre le prix de la production au Cambodge peu compétitif chez nos voisins.
2 / Obliger les provinces cambodgiennes près des frontières à acheter l'énergie : essence et électricité, à nos voisins : Vietnam et Thaïlande. Ce qui fait que nos provinces frontalières deviennent dépendantes énergétiquement et donc économiquement du Vietnam et de la Thaïlande. N'est-ce pas déjà une annexion de fait de nos provinces frontalières ? En plus les routes d'accès à ces frontières à partir de Phnom Penh sont en général très mauvaises. C'est le contraire de l'autre côté de nos frontières. Ainsi, chaque année un million de tonnes de riz cambodgien est exporté par Saigon comme riz vietnamien.
3 / La société vietnamienne Sokimex peut ainsi engranger des centaines de millions voire des milliards de $US de bénéfice par an. Naturellement les hauts dignitaires du pouvoir fantoche reçoivent aussi quelques miettes pour récompenser leur docilité.
Bientôt le Cambodge va pouvoir exporter du pétrole et du gaz naturel. Mais jusqu'à présent aucun projet concernant la construction d'une raffinerie de pétrole et de construction de centrales électriques utilisant notre pétrole et notre gaz. Pourquoi ? Nos immenses richesses en hydrocarbure servent-elles principalement à enrichir le Vietnam, laissant le peuple cambodgien dans l'ignorance, la maladie et la misère ? Avec à terme la transformation pure et simple notre pays en une province vietnamienne ?
Nous reproduisons ci-dessous un article sur nos richesses en hydrocarbures :
Traduction de l’anglais
ASIA TIMES ONLINE
26 January 2007
Par Shawn W. Crispin
LE CAMBODGE BIENTOT RICHE EN ENERGIE
BANGKOK. – Selon les Nations Unies, la Banque Mondiale et l’Université Harvard le Cambodge est prêt à devenir un important nouvel exportateur d’énergie, avec la bonne fortune d’avoir des gisements de pétrole qui promettent de doubler le produit national brut (PNB) et la possibilité de faire sortir des millions de Cambodgiens de la pauvreté.
Chevron, la géante société pétrolière américaine a indiqué qu’elle a découvert sur la cote sud du Cambodge, d’immenses gisements de pétrole et de gaz à la suite des tests effectués dans 4 de ses 5 puits de forage. Le représentant cambodgien sur l’énergie, Te Duong Dara, a estimé la semaine dernière que le Block A de 6.278 km2 où Chevron est en train de forer pourrait contenir jusqu’à 700 millions de barils de pétrole, soit presque 2 fois la dernière estimation de 400 millions de barils.
La Banque Mondiale a dit que les réserves totales d’énergie du Cambodge pourraient atteindre 2 milliards de barils de pétrole et 10 trillions de m3 de gaz naturel. Selon la Banque Mondiale, dépendant des futurs prix mondiaux les exportations de pétrole pourraient générer un revenu national annuel de 2 milliards de dollars US soit plusieurs fois le montant actuel provenant de l’addition du revenu domestique du Cambodge et des aides étrangères. Cependant, les spécialistes cambodgiens en énergie ont indiqué cette semaine qu’ils espèrent faire commencer la production en 2009, 3 à 7 ans plus tôt que les estimations faites par la Banque Mondiale.
Cette exubérante projection amène les compagnies pétrolières multinationales à entrer en compétition pour obtenir des licences d’exploration et des accords de production pour les 5 autres blocks désignés par le gouvernement. Il y a une chaude compétition pour obtenir les droits de forage des 6.557 km2 du Block B, où la société française Total et la China National Offshore Oil Corp. (CNOOC) se disputent pour obtenir le contrat. Des compagnies pétrolières japonaises, sud-coréennes, koweitiennes, thaïlandaises, malaisiennes et singapouriennes ont également fait des offres d’exploration –bien qu’il ne soit pas certain que le gouvernement cambodgien projette de faire des appels d’offre pour tous les 6 blocks maritimes.
Les investissements potentiels et les futurs accords de production promettent de transformer le Cambodge d’importateur total de produits pétroliers en un important régional, sinon mondial, acteur en énergie. Suivant l’importance et l’accessibilité des réserves connues, les revenus provenant des exportations d’énergie pourraient bientôt doubler le présent PNB du Cambodge, selon une étude conjointe faite l’année dernière par le Programme de Développement des Nations Unies (UNDP) et l’Université Harvard.
Il est certain que le gouvernement cambodgien pourrait accroître la vente du Block A afin de provoquer l’intérêt des investisseurs dans les endroits moins prometteurs. D’autres compagnies pétrolières ont foré sans succès dans le même Block A où Chevron a trouvé une source jaillissante. Cependant, Chevron, jusqu’à présent, est resté muet sur ses véritables découvertes que la compagnie révélera publiquement en avril ou mai. En outre, le Cambodge n’a pas encore réussi à avoir ses réserves avérées et sur le marché, ni à montrer sa capacité à obtenir un accord pour un développement conjoint avec la Thaïlande d’un riche gisement de gaz naturel à cheval sur les eaux territoriales des deux pays.
Guerres de pétrole
Néanmoins, il y a un large consensus que le Cambodge est probablement sur le point de devenir très riche en pétrole et gaz.
Un Cambodge riche en ressources énergétiques pourrait augmenter de façon appréciable l’importance géostratégique du pays déchiré par la guerre, notamment au moment où les Etats-Unis et la Chine se disputent de manière agressive pour accéder aux nouvelles sources pétrolières autour du globe. Il est pertinent qu’une compagnie pétrolière US a fait la première découverte pétrolière du Cambodge, et peut-être encore plus significatif qu’une firme chinoise en énergie a entrepris d’intenses lobby pour obtenir des droits majoritaires sur le Block B géographiquement adjacent où les autorités locales de l’énergie, avec l’aide d’un équipement logiciel chinois, ont discrètement procédé à des tests sismiques de « logging ».
Beijing est à la recherche de nouvelles sources d’énergie en Asie qui permettraient à son approvisionnement en pétrole d’éviter l’embouteillé Détroit de Malacca par où passent actuellement près de 80% de ses importations pétrolières. Les dirigeants chinois n’ont pas caché leurs soucis qu’en cas d’un conflit potentiel, les navires US pourraient bloquer les importations pétrolières chinoises en provenance du Moyen Orient à cette passe étroite qui sépare la péninsule de Malaisie et l’île indonésienne Sumatra. Le rejet de l’offre chinoise de 18,5 milliards de dollars faite en 2005 pour acquérir Unocal, le géant pétrolier US était inspiré par des considérations stratégiques car la majorité des réserves de la firme visée sont en Asie – un point souligné par les membres du Congrès américain pour empêcher la transaction. Ainsi, du point de vue des perspectives de la Chine, les préoccupations sécuritaires ont placé une haute priorité sur les ressources nouvellement découvertes au Cambodge tout proche.
Beijing a récemment intensifié sa déjà forte offensive de charme envers le Cambodge qui, au cours des précédentes années a reçu des aides chinoises pour bâtir les majeures infrastructures et même un luisant nouveau bâtiment du Conseil des Ministres à Phnom Penh. L’année dernière, le Premier Ministre Hun Sen a demandé et recevra probablement 200 millions dollars de la Chine pour des projets d’infrastructure. Le 18 janvier, une délégation de « bonne volonté » du Parti Communiste Chinois a rencontré et a tenu des discussions non révélées avec les hauts membres du Parti du Peuple Cambodgien (CPP), parti au pouvoir de Hun Sen.
Cependant il y a aussi un potentiel fil retors (artifice) de Guerre Froide à l’offre faite par la Chine. Tous accords futurs sur la production de pétrole et de gaz avec le gouvernement dirigé par le CPP auront besoin probablement de passer par Sokimex, le principal conglomérat du Cambodge qui avec Tela Petroleum Group contrôlent 80% de la distribution de carburant et gaz dans le pays. La compagnie politiquement connectée possède aussi d’importants holdings hôteliers et le monopole de vente des tickets pour les ruines d’Angkor Wat, la principale destination touristique du pays qui amasse l’argent.
Sokimex appartient en majorité à Sok Kong, d’ethnie vietnamienne, ancien Président de la Chambre de Commerce de Phnom Penh et un ami de longue date de Hun Sen, selon un chercheur qui a procédé avec assiduité des recherches sur la compagnie. Bien qu’aujourd’hui Hun Sen soit clairement le politicien le plus dominant au Cambodge, il y a cependant des questions pendantes sur ses liens avec le Vietnam qui l’a placé au pouvoir après avoir envahi le pays et chassé le régime Khmer Rouge en 1979.
Un traité controversé sur les frontières signé par Hun Sen avec le Vietnam en 2005 a soulevé des allégations selon lesquelles le gouvernement a cédé trop de territoire cambodgien à Hanoi – des accusations auxquelles le Premier Ministre riposta en faisant emprisonner des journalistes et des activistes. Des analystes sur l’énergie soulignent que les réserves nouvellement découvertes coïncident avec la probabilité que les approvisionnements en carburants au Vietnam actuellement en diminution, seront épuisés dans la prochaine décennie. A ce jour, Hanoi n’a pas de plan pour combler cette future impasse énergétique.
Alors qu’il est improbable que le Vietnam ait encore assez d’influence politique à Phnom Penh pour contrecarrer l’offre de Beijing d'accéder majoritairement aux réserves du Cambodge, les relations persistantes de Guerre Froide pourraient matériellement affecter les modalités de partage entre les pays voisins affamés de ressources énergétiques.
Comparaisons
Ce qui est plus probable c’est que les membres influents du CPP ont l’intention de faire de Sokimex, et peut être aussi de Tela Petroleum, de lucratives concessions énergétiques d’Etat qui, après conversion des revenus en devises étrangères, pourraient servir de support à la machine politique sur laquelle elles sont fondées et, ainsi, renforcer davantage la domination du parti sur les politiques cambodgiennes - comme en Malaisie où le United Malay’s National Organisation au pouvoir s’appuie sur le géant pétrolier étatique Petronas pour servir ses propres desseins politiques.
L’opposition politique a déjà émis des allégations sur des prix extorqués par les deux compagnies énergétiques politiquement connectées qui sont aujourd’hui les seuls importateurs de carburant et de gaz. Le Parti Sam Rainsy s’est plaint l’année dernière, que le prix domestique du carburant n’a pas baissé avec la diminution globale du prix du pétrole, lequel a baissé de 25% entre la mi-juillet et novembre de l’année dernière. Il a aussi publiquement accusé les deux compagnies d’évasion d’impôts et de taxes douanières sur les produits pétroliers importés.
Les donateurs occidentaux ont déjà lancé des avertissements sur les potentiels traquenards des richesses provenant des ressources énergétiques supposées nouvellement découvertes. Par exemple, la Banque Mondiale a explicitement comparé la situation du Cambodge à celle du Nigeria riche en pétrole et où les politiciens corrompus ont chapardé des milliards de dollars des revenus pétroliers, et où les revendications de la population sur ces ressources ont récemment dégénéré en guerre civile. Après trente années et des milliers de puits de pétrole épuisés depuis le commencement du boom pétrolier, Nigeria est toujours l’un des pays les plus pauvres du monde.
Le gouvernement Hun Sen est soumis à de fortes pressions des pays donateurs pour qu’il fasse face au sein de ses rangs, à une corruption endémique qui a atteint dans ces dernières années des proportions si scandaleuses que les donateurs menacent de refuser tout déboursement d’aide s’il n’y a pas de progrès réel dans la diminution des pots-de-vin. Transparency International, le veilleur global de la corruption a dit, dans une étude récente, que « la corruption se répand dans presque tous les secteurs du pays » et que « ceux qui sont au pouvoir ont peu de raison pour changer un système qui leur a assuré beaucoup de pouvoir et de richesse personnelle ».
Si les récentes projections se réalisent et les revenues énergétiques commencent à s’écouler en 2009, le gâteau va s’accroître substantiellement. Et le gouvernement Hun Sen qui actuellement s’appuie sur les aides étrangères à concurrence de près de 60% de son budget, bientôt ne dépendra plus des aides occidentales pour sa subsistance économique et ne sera pas particulièrement motivé pour changer ses méthodes de corruption comme le proposent les Occidentaux qui menacent du doigt.
Les responsables cambodgiens ont promis de réserver les futures recettes énergétiques à la reconstruction de l’infrastructure brisée du pays, y compris les hôpitaux et les écoles. Cependant, à en juger par le statut quo, tout espoir de voir la richesse énergétique naissante du Cambodge s’écouler substantiellement jusqu’aux 35% de la population embourbée dans la pauvreté est probablement plus un rêve chimérique qu’une réalité politique.
Shawn W Crispin is Asia Times Online's Southeast Asia editor.
Note : This article is available into english upon request.