Comment libérer le Cambodge...
Nouvelles du Cambodge n° 0631F
COMMENT LIBÉRER LES CAMBODGIENS DE L'IGNORANCE, DE LA MALADIE, DE LA MISÈRE ET DE LA DOMINATION VIETNAMIENNE ?
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 27 juillet 2006
Ta Mok est mort. Il est mort de quoi ? Ses proches disent que Ta Mok était en forme avant l’instauration du Tribunal. Ils ont demandé en vain que Ta Mok fût soigné convenablement hors de la prison. Qui a intérêt à sa mort ? Qui est l’assassin ? Le fameux « Tribunal » n’est-il pas devenu une farce sinistre ?
Tout le monde sait que Ta Mok était un chef de guerre. Tout le monde sait que Ta Mok n’a pas sa langue dans sa poche. Un tel homme est-il un danger pour qui ? Qui a intérêt à sa mort ?
Sur le plan international, il y a à La Haye (Pays-Bas) la « Cours Internationale de Justice » créée en 1946 en tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU. La Cour Internationale de Justice a jugé que Preah Vihear appartient au Cambodge.
Il y a aussi les « Tribunaux Pénaux Internationaux » créés par le Conseil de Sécurité de l’ONU en 1999, pour juger les massacres généralisés et organisés etc. Issu de ces « Tribunaux Pénaux Internationaux, il y a le « Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie » (TPIY), puis il y a le « Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).
Le TPIY s’est disqualifié après la mort du principal accusé Slobodan Milosevic dans ses prisons. Sur le plan juridique, un tribunal est toujours responsable de la vie et aussi de la mort d’un inculpé durant son incarcération.
Ainsi le « Tribunal pour juger les chefs Khmer Rouge » est entièrement responsable de la mort de Ta Mok. Duch est le seul inculpé qui reste encore en prison. Ne risque-t-il pas sa vie s’il décide de dire le contraire des ordres du pouvoir en place ? Qui se sent en sécurité dans les prisons actuelles ? Quel témoin peut-il se sentir en sécurité ? Même hors des prisons ? Pourquoi s’acharner à organiser un tel « Tribunal » prétendu aux normes internationales dans un pays ravagé par la corruption, avec des juges aux ordres du pouvoir en place et avec un Ordre des Avocats qui ne respecte pas les élections démocratiques ?
Après la mort suspecte de Ta Mok, ce « Tribunal » aux coûts si pharamineux ne devient-il pas déjà une farce sinistre ? Un tribunal déjà moribond à peine né ?
Qui a intérêt à ce « Tribunal » ? Ceux qui financent ce « Tribunal » ? Ce « Tribunal » peut-il porter un jugement contraire aux intérêts de ceux qui le financent ?
Est-ce que le fameux « Tribunal » pour juger les quelques chefs Khmer Rouge agonisants va permettre au peuple cambodgien de voir la fin de l’ignorance, de la maladie, de la misère et de la domination vietnamienne ? Nous reproduisons ci-dessous l’article publié dans le journal Cambodia Daily du 5 juillet 2006, sur l’opinion du peuple cambodgien envers ce « Tribunal » :
In the capital, Little Enthusiasm Found For Tribunal
By Thet Sambath and Erik Wasson.
A day after the Khmer Rouge tribunal judges and prosecutors swore their oath of office at the Royal Palace, reaction to the historic event appeared muted in Phnom Penh, and several residents questioned whether the tribunal would accomplish its mission of bringing justice for those killed from 1975 to 1979.
Mok Say Vibol, 48, a bookseller who lost 10 family members, said people were generally apathetic toward the process, as the promised trial was only intended for several top leaders.
“I am not satisfied with a trial of senior leaders,” Mok Say Vibol said at his stall behind the Royal Palace.
“I lived through the regime and I know vicious the cooperative chiefs were. We dared not laugh in front of them they were so brutal to us. Trying just a few people is useless, “ he said. “If the trial were fair, then government officials who followed Pol Pot would be involved too.”
Kong Tary, 51 a policeman who said his father was tortured to death by the Khmer Rouge, said that too much time had elapsed to be enthusiastic about a trial now.
“We used to want justice for the Khmer Rouge because they killed the people but it is too long to remember what happened,” Kong Tary said.
“Now we just have 50- percent expectation for the trial,” he said.
Though the international judges ad prosecutors have arrived and both the court’s Cambodian and international appointees have been sworn in, 40-year-old Ouk Pov said he was still skeptical that the trials would actually take place.
“They always delay and postpone. Even if the foreigners are already here, they find a way to delay,” he said.
Others said that thinking about the Democratic Kampuchea period was still too traumatic, and Kol Pich, 65, a parking attendant originally from Battambang province, said he wanted to know as little as possible about the tribunal.
“I know nothing about the trial,” Kol Pich said. “Not thinking about it make me feel peaceful; when I am reminded about the past it makes me angry,” he said.
“If they had the trial right after the Khmer Rouge regime, the people would have satisfied, but by now it has been too long,” he said. “The leaders are sick and old. Why do they waste money to try them?»
Sao Sey, 48, a sugar cane seller from Svay Rieng province, agreed “Life was hard under them but it was a long time ago,” she said. If they put those leaders in jail, so what? The people get nothing from that.”
At Phnom Penh’s O’Russei Market, flower seller Chhim Mary, 51, whose parents died during Democratic Kampuchea, said that she was happy that the tribunal was starting, but worried that if the trials don’t happen soon they may not happen at all.
“I just don’t believe that they can try them Ta Mok is sick, the others are very old,” she said.
“Please have the trial soon because [the leaders] have nearly all died,” said cyclo driver Sok Un, 71.
Duch Silong, a Pailin resident who was a Khmer Rouge soldier in Battambang during the regime, said there was nothing to benefit from digging up the country’s brutal past.
“I don’t want to have a trial because it will remind people and make everyone suffer and want to have revenge against each other again,” he said. “They should try and forget the past and live in society together.”
(Additional reporting by Prak Chan Thul)
Nous souhaitons que Cambodia Daily étende son enquête auprès des chiffonniers qui vivent avec leur famille (femme et enfants) sur des tas d’ordures pour essayer de trouver les restes vendables avec en permanence des odeurs pestilentielles, auprès des prostitué(e)s[1], auprès des Cambodgiens qui mendient à Saigon, aux Cambodgiens qui travaillent comme des forças en Thailande etc. qui eux aussi ont des parents victimes des Khmer Rouge et d’autres massacres.
En effet pourquoi mettre de côté les familles des victimes des bombardements US ? Les familles des victimes du Plan K 5 pour construire le « Mur de Bambou » ? Les familles des victimes des multiples massacres dont ceux de décembre 1991, du 30 mars 1997, de juillet 1997, de septembre 1998 ? Sans compter les familles de Thun Bunly, de Piseth Pilika, de Om Radsady, de Touch Sunnich, du Vénérable Sam Bounthoeun, de Chea Vichea et de tant d’autres ?
Le Roi Père a donné la raison principale de cette indifférence du peuple dans son message daté du 6 juillet 2006 :
« (…) notre Petit Peuple, c’est-à-dire la très grande majorité des Khmers et Khmères à l’intérieur de ce 2ème Royaume du Cambodge, est toujours dans une pauvreté extrême, manque souvent de riz et autre nourriture, et last but not least, est, en nombre croissant, chassé et privé de leurs terres. Et ce Cambodge « 2ème Royaume » lui-même est officiellement classé parmi les pays les plus pauvres, les plus arriérés du monde, et cela, en dépit du nombre invraisemblable « chez nous » des Richissimes, de leurs villas ultra-somptueuses, de leurs autos de grand luxe, de leur faramineux compte en banque, bijoux et autres trésors de Super-Maharajas avant l’Indépendance et la Démocratisation de l’Inde.
(…)
Mais les millions de notre Petit Peuple, « les jeune génération », sont les authentiques descendants (fils, filles, cousins, neveux, nièces, petits-fils, petites-filles, arrières petits-fils, arrières petites-filles) des authentiques victimes du Polpotisme. (…)
Rappelons que le régime hitlérien a tué officiellement 6 millions de Juifs durant la dernière Guerre Mondiale. Dès la fin de cette guerre, les familles des victimes, juives ou non, ont pu récupérer leurs biens immobiliers et mobiliers. Ceux dont ces biens ont été détruits sont indemnisés. Les orphelins sont bien accueillis et scolarisés avec les aides et le soutien de la communauté et de l’Etat. Ce qui fait que rapidement les blessures de la guerre sont soignées avec réparations et ou indemnisations. De nos jours les juifs sont si bien intégrés dans la vie sociale, culturelle et économique du pays où ils vivent, qu’il n’y a pas un seul juif illettré ou ouvrier dans les usines !
En plus on a soigneusement entretenu tous les camps de concentration nazis. Dans ces camps il règne une atmosphère de respect aux morts. Il n’y a aucuns ossements ou crânes des suppliciés. Pour honorer ces morts, on construit de nombreux monuments dans certaines capitales de l’Europe. A Berlin par exemple le monument à la mémoire des Juifs morts dans les camps, couvre plus d’hectare, situé au cœur même de la ville, construit aux frais du gouvernement allemand.
Est-ce le cas au Cambodge ? 27 ans après la fin du régime Khmer Rouge ? Rainsy a estimé que chaque année, 200 000 cambodgiens continuent à mourir de l’ignorance, de la maladie, du sida et de la misère. Au Cambodge la mortalité infantile est une des plus élevée, sinon la plus élevée du monde.
On expose les ossements et crânes des suppliciés et dans certains endroits ces ossements sont restés dans la boue sans entretien comme les ossements d’animaux. Quand construira-t-on un monument à leur mémoire où les familles des morts pourront venir se recueillir ? Pourquoi ce mépris de la communauté internationale pour le peuple cambodgien ? Faut-il encore combien de millions de morts ? Le respect des morts ne fait-il pas parti de la culture humaine depuis plus de cent mille ans ? Les responsables des grandes puissances sont-ils des êtres humains ? Eux qui se prétendent respecter les Droits de l’homme ? Le Droit le plus élémentaire des hommes n’est-il pas le respect de la mort de ses semblables ? Pourquoi Pol Pot et Ta Mok ont-ils droit à des obsèques normales ? Mais pas à leurs victimes ? Pourquoi deux poids et deux mesures ?
Une fois encore le Roi Père a raison dans son message du 15 juillet 2006 intitulé : « Les Ames errantes des Victimes des Khmers Rouges Polpotiens”
(…) « Les âmes errantes des Victimes des Monstres K.R. Polpotiens (y compris d’innombrables Sihanoukistes : Petit Peuple Khmer, Membres de ma Familles et de celle de mon Épouse, membres du FUNK et du GRUNC) ne trouveront la Paix, l’Apaisement véritables que si la totalité de leurs ossements (crânes, squelettes) est incinérée selon les rites bouddhiques (avec des bénédictions sous formes de prières et versement d’eau parfumée, etc., et enfin mise en stupas).
Ces rites bouddhiques sont absolument conformes aux croyances indéracinables et aux pratiques obligatoires de nos parents, grands-parents et ancêtres, et cela depuis des siècles et des siècles.
C’est pourquoi, dans les premières années de décennie 1990, j’avais solennellement demandé qu’on réalisât ces rites (à mes frais, y compris le coût de la construction des stupas) afin de permettre aux âmes errantes d’échapper à leurs indicibles tourmentes et d’atteindre au « Sokkatékphoup », à la Paix, à l’apaisement total. » (…)
Pourquoi la communauté internationale continue-t-elle à manquer de respect aux morts cambodgiens et par-là même au peuple cambodgien lui-même dans son ensemble, y compris les Cambodgiens qui vivent à l’étranger ? N’y a-t-il pas assez de morts cambodgiens depuis 1970 jusqu’à nos jours ? Pourquoi cette exception cambodgienne dans ce devoir essentiel envers les morts ? Pourquoi entre les Juifs et les Cambodgiens, il y a, pour la communauté internationale, deux poids et deux mesures, deux manières, si criantes d’injustice, de se comporter sur deux problèmes similaires ?
Le pillage de nos richesses naturelles : pierres précieuses, forêts, poissons et bientôt pétrole et gaz naturel n’est-il pas encore suffisant ? Pourquoi accepter l’abêtissement volontaire du peuple cambodgien par une politique aberrante de l’enseignement concernant le salaire des professeurs et le programme scolaire imposé ? Pourquoi la communauté internationale ferme-t-elle les yeux quand les Vietnamiens pratiquent une politique raciste contre nos frères du Kampuchea Krom ? Les Vietnamiens ne sont-ils pas en train de tout faire pour détruite leur culture ancestrale par l’élimination de la langue cambodgienne ? Pourquoi fermer les yeux quand des millions de Vietnamiens viennent s’installer en maîtres chez nous ? Et qualifier de « raciste » toute velléité de s’opposer à cet envahissement ? Pourquoi favoriser cet envahissement en construisant une véritable autoroute entre Phnom Penh et Saigon ? La première au Cambodge comme au Vietnam ? En recourant exclusivement aux entreprises vietnamiennes ? Alors que les communications à l’intérieur du Cambodge restent toujours négligées ? Pourquoi la route entre Sisophon et la ville de Siem Reap reste toujours impraticable ? Pourquoi ne pas terminer la route Phnom Penh – Preah Vihear commencée par Chea Sophara ?
Après la mort récente de Ta Mok, nous reproduisons ci-dessous le message du Roi Père en date du 22 juillet 2005 intitulé : « Un message respectable et … sensationnel
TV5, dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 juillet 2006, à 0h20 a.m., a laissé parler librement le jeune et fort crédible Monsieur CARETTE qui vient de visiter le Cambodge pour y enquêter sérieusement sur l’Affaire du (très coûteux) TRIBUNAL khméro-étranger chargé de juger certains Chefs Khmers Rouges coupables de crimes contre l’Humanité.
Monsieur CARETTE, en notant la mort de l’archi-criminel TA MOK, a conclu que le fameux TRIBUNAL n’aura finalement à juger qu’un seul individu, « le commandant DUCH… (si d’ici quatre ans ce Duch est encore vivant).
Dépenser 56 millions de Dollars USA pour juger 1 homme, même archi-criminel, sera inévitablement jugé par l’Histoire elle-même avec une grande sévérité.
Monsieur CARETTE, très clairement, témoigne qu’au Cambodge, le Peuple Khmer ne pense qu’à s’assurer une vie décente et que seule la Diaspora (sic !) khmère de certains Pays étrangers réclament ce tribunal et ce jugement.
Tout commentaire s’ajoutant au témoignage de Monsieur CARETTE serait superflu.
(Signé) Norodom Sihanouk
Naturellement les 56 millions de $US sont largement insuffisants pour aider le Cambodge à se développer comme ses voisins de l’Est et de l’Ouest. Mais les plus de deux milliards de pétrodollars $US de rentes annuelles, ne sont-ils pas plus que suffisants ? Sinon est-ce que les grandes puissances et les grandes compagnies pétrolières envisagent de transformer le Cambodge en un autre Angola ? Avec comme avenir la vietnamisation de notre pays à l’instar de notre Kampuchea Krom ? Qui vont empocher ces plus de deux milliards annuels de pétrodollars ? La société vietnamienne Sokimex n’a-t-il pas déjà sa part ? Celui du lion ? Et qui d’autres ? Pourquoi toujours cette épaisse opacité concernant les termes du contrat entre Hun Sen et les sociétés pétrolières ? Qui peut nous certifier, d’une façon crédible, les vraies réserves de nos richesses en pétrole et en gaz naturel ? Qui peut certifier, d’une façon crédible, les quantités réelles des ventes annuelles de nos hydrocarbures ? Il faut souligner que ces plus de deux milliards annuels de $US ne concernent que les réserves déjà confirmées par les sociétés pétrolières.
Les Cambodgiens n’ont pas attendu l’instauration de ce « Tribunal », déjà disqualifié et moribond à peine né, pour s’unir dans les luttes multiformes, avec leurs faibles moyens, contre l’ignorance, la maladie et la misère, contre le monopole exorbitant de la société vietnamienne Sokimex et sa banque Canadia, pour l’indépendance nationale dans l’intégrité territoriale et maritime, pour la démocratie et la liberté. Nous avons mis en relief des succès importants sur les plans culturels, linguistiques, économiques et sociaux, dans nos précédents articles.
Au Cambodge le proverbe « Aide-toi, le ciel t’aidera » reste toujours d’actualité. Le respect se gagne par la lutte L’histoire montre que l’Indépendance Nationale, l’Intégrité Territoriale et Maritime, la Démocratie, la Liberté et la Paix, le Développement Economique pour l’Ensemble du Peuple, sont toujours acquises par la lutte du peuple[2].
Notes: This article is available into english upon request.
[1] Nantarayao Samputho décrit ces parias cambodgiens dans son livre « Lethik Prachea Thiptey » et traduit par lui-même en français « Le Cambodge en voix off », édition Funan, Phnom Penh 2004.
[2] Après la deuxième Guerre Mondiale, les Etats-Unis ont tout fait pour développer rapidement la reconstruction et l’économie de la Corée du Sud, du Japon et de Taiwan pour former une barrière pour s’opposer à la Chine. Maintenant Washington et Tokyo ne sont-ils en train de compléter cet encerclement de la Chine en aidant le Vietnam ? Cette stratégie amorcée par le Japon depuis 1972 et suivie de nos jours par les Etats-Unis est-elle sans conséquence pour notre pays ? Surtout avec nos abondantes réserves en hydrocarbures ? Les Cambodgiens vont-il subir passivement « la malédiction pétrolière » ? Comme tant d’autre pays ?