USA, Russie et Géorgie
Nouvelles du Cambodge N° 0839-F
Etats-Unis, Russie et Géorgie
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 28 août 2008
Le conflit en Géorgie est une illustration d’un conflit important entre, principalement, deux grandes puissances : les Etats-Unis et la Russie. Pour comprendre ce qui se passe, actuellement, ce conflit majeur depuis trois décennies, il faut remonter à 11 mars 1985, au moment de l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir en URSS. Rapidement Gorbatchev constate que les caisses de l’Etat sont vides. Les dépenses de l’ère Brejnev, surtout militaires, ont ruiné le pays. Gorbatchev est obligé d’amorcer un revirement brutal de politique de l’URSS.
· 28 juillet 1986 : Dans son discours à Vladivostok, Gorbatchev annonce le désengagement militaire de l’URSS du Pacifique.
· 18 décembre 1986 : Lors de son VIè Congrès, le Parti Communiste du Vietnam (PCV) est obligé de tenir compte de l’arrêt des aides soviétiques, en particulier, pour continuer sa domination militaire sur le Cambodge. Il faut faire intervenir ce tournant important pour comprendre les changements tactiques pour continuer à dominer notre pays par d’autres manières.
· 9 novembre 1989 : Le Mur de Berlin tombe, premier pas vers l’unification de l’Allemagne et la libération des pays de l’Europe de l’Est du communisme et de la domination soviétique. Affaiblissement de l’URSS.
· 18 juillet 1990 : James Baker, Secrétaire d’Etat US, de retour de Moscou, déclare : « US withdrew support from guerilla coalition of Cambodia ».
· 5 septembre 1990 : Réunification de l’Allemagne.
· 5 septembre 1990 : Le Secrétaire d’Etat James Baker annonce que les Etats-Unis discuteront désormais directement avec le pouvoir à Phnom Penh. Hanoi est satisfait de la décision américaine.
· 26 décembre 1991 : Dissolution de l’URSS et naissance de la Russie. Commence alors une difficile reconversion d’une économie étatique centralisée en une économie capitaliste et un période de désordre en Russie.
· 31 décembre 1999 : Commence l’ascension de Vladimir Poutine au pouvoir en Russie. Poutine réorganise le pouvoir en Russie, son industrie militaire et utilise ses potentiels en minerais stratégiques, plus particulièrement en hydrocarbures dont l’Union Européenne (UE) a un grand besoin.
Durant cette période, de 1991 à 2001, les Etats-Unis, par l’intermédiaire de l’Otan, encerclent l’URSS, jusqu’à ses frontières occidentales. Manque encore l’Ukraine et la Géorgie. Remarquons que la Finlande, instruite par son histoire, et qui a, pourtant, une longue frontière avec la Russie, refuse d’adhérer à l’Otan. La Finlande est le seul pays à accorder l’asile politique à tous les opposants menacés pour le pouvoir à Phnom Penh. C’est aussi le seul pays à accorder l’asile politique à Heng Pov. Malheureusement un certain nombre de grandes puissances faisaient en sorte que Heng Pov soit condamné au silence dans les prisons de Hok Lundy.
Pour les Etats-Unis et l’UE, l’acheminement du gaz et du pétrole, par pipelines, de la Mer Caspienne, sans utilisation du sol de la Russie, doit passer par la Géorgie, pour atteindre la Mer Noir. La Géorgie occupe donc une position stratégique pour l’Otan.
· 17 février 2008 : le Kosovo, province de la Serbie, proclame unilatéralement son indépendance, transgressant ainsi la résolution 1244 de l’ONU et malgré les protestations de la Russie. L’indépendance du Kosovo est reconnue par les Etats-Unis et une partie des pays européens, dont la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne. Mais le Kosovo n’est pas membre de l’ONU.
Examinons maintenant le rapport des forces entre, d’une part l’Otan, d’autre part la Russie :
Les forces de l’Otan reposent principalement de celles des Etats-Unis. L’UE a du mal à s’unir par un traité. Elle n’a pas une force militaire unie. Toute décision importante doit avoir l’accord unanime, ou au moins le consensus des 27 Etats membres. Depuis le 11 septembre 2001, d’importantes forces armées des Etats-Unis et de leurs alliés, sont engagées dans les guerres en Afghanistan, puis en Irak. Ces forces doivent transiter principalement le Pakistan pour atteindre l’Afghanistan. Actuellement le Pakistan connaît un période d’instabilité dont profitent les Taliban. Le Pakistan possède l’arme nucléaire et des fusées pour les transporter.
Les forces de l’OTAN utilisent aussi le survol de la Russie pour leurs opérations en Afghanistan. Il y a le problème de la possibilité de l’Iran à fabriquer l’arme nucléaire. L’Iran vient d’annoncer qu’il vient d’envoyer un satellite, avec une fusée de sa fabrication. La Russie vient de vendre des armes à la Syrie. En plus la campagne électorale bat son plein aux Etats-Unis.
Dans ces conditions que peuvent faire, les Etats-Unis et l’UE ? Des sanctions économiques ? 25 % du gaz naturel utilisé en UE, viennent de Russie. L’option militaire est impensable.
Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi, le Président géorgien, Mikheil Saakachvali, ancien avocat à New York, marié à une Hollandaise, a-t-il la malencontreuse idée de lancer son offensive contre l’Ossétie du Sud, la nuit du 7 au 8 août 2008, au risque de provoquer une réaction musclée de la Russie ? Ignore-t-il la situation du rapport des forces en présence ? L’ignorance est-elle une excuse dans la politique internationale ? D’autre part, Mikheil Saakachvali était-il assuré de l’unité de son propre pays, avant de se lancer dans cette aventure ? Les pays qui ont des frontières communes avec la Russie et où il existe des minorités russes importantes ne sont-ils pas en train de méditer sur cette conduite aventureuse de la Géorgie ? Les intérêts des autres grandes puissances comme la Chine, l’Inde ne sont-ils pas de rester autant que possible, neutres ?
Pour nous, Cambodgiens, le plus important est de savoir, d’abord, où se trouvent nos intérêts nationaux fondamentaux, qui sont les bases essentielles de notre unité nationale. Basés sur ces intérêts nationaux fondamentaux, nous pouvons évaluer à leurs justes valeurs les aides fournies par les grandes puissances.
D’autre part n’est-il pas important d’essayer de connaître les intérêts géostratégiques de chaque grande puissance dans notre région et essayer d’évaluer l’évolution du rapport global des forces de ces grandes puissances dans le monde et dans notre région. Il est important de savoir que chaque grande puissance défend d’abord ses propres intérêts, même aux dépens des nôtres. Par exemple aucune grande puissance ne nous vient en aide à utiliser notre langue maternelle et nationale dans toutes les universités. N’oublions jamais que l’ignorance est notre ennemi principal.
L’affaire Preah Vihear a comme conséquence une prise de conscience de l’importance de notre unité nationale qui se traduit par :
a) La construction des bonnes routes vers Preah Vihear et aussi vers d’autres localités sur nos frontières avec la Thailande. Il est même envisagé d’attribuer des terres aux officiers et soldats qui montent la garde à ces frontières et de construire un téléphérique à Preah Vihear. Ces travaux vont désenclaver ces régions frontières, tout en développant l’enseignement, l’économie et le tourisme. Ce que nous avons réclamé depuis une décennie est en train de se réaliser. Il est vrai qu’il faut attendre leur réalisation pour se réjouir.
b) Pour la première fois, il y a un appel au boycotte des produits, services et entreprises thais ! Cet appel est bien suivi. C’est une importante prise de conscience nationale. Il reste maintenant à généraliser ce boycotte aux produits, services et entreprises vietnamiens. Il reste aussi la généralisation de la construction des bonnes routes vers nos frontières avec le Vietnam et l’attribution des terres, avec défense de les vendre avant la troisième génération, à nos officiers et soldats qui les défendent.
c) Notre pays a un besoin urgent d’un nombre important d’ingénieurs, de techniciens de tous les niveaux, des gestionnaires de tous les niveaux pour fournir le personnel qualifié aux nombreuses entreprises qui se créent en ce moment. Un pays où la majorité du personnel qualifié des entreprises, est entre les mains des étrangers et plus particulièrement vietnamiens et thais, peut-il être indépendant ?
Reste, maintenant, à essayer de comprendre ce qui se passe en Thailande. Le fait que le Roi thai soit une des plus grandes fortunes du monde, est-il un des facteurs importants dans le dernier coup d’Etat et dans les tentatives pour déstabiliser le nouveau pouvoir issu des urnes ? Les grandes puissances, dont les Etats-Unis et la Chine sont-elles étrangères à cette crise ?
Conclusion.
La crise en Géorgie n’est-elle pas, pour nous Cambodgiens, une grande leçon qui se déroule sous nos yeux, pour apprendre à connaître les intérêts géostratégiques globaux des grandes puissances et à évaluer leur rapport des forces ? Et à en tirer des enseignements pour notre pays ? En remontant dans le passé, pouvons-nous comprendre notre histoire, sans tenir compte des inférences des puissances européennes à partir de l’arrivée par bateau, des Portugais, puis d’autres Européens dans notre région, à partir de 1511 ? Avec naturellement leurs conflits d’intérêts ?
080828
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