2006-10-29

Comment libérer le Cambodge (3)

Nouvelles du Cambodge N° 0646-F

LA ROUTE DE LIBÉRATION DU CAMBODGE DE LA DOMINATION VIETNAMIENNE (3)

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 25 octobre 2006

Les luttes multiformes de nos compatriotes au Cambodge

D’abord concernant la politique culturelle :

On sait maintenant que l’identité culturelle nationale d’un pays réside dans le développement de sa culture écrite[1]. Le pouvoir colonial a vietnamisé la Cochinchine en utilisant les seules langues française et vietnamienne dans l’administration et en créant des enseignements modernes primaires et secondaires pour les seuls Vietnamiens. Les Cambodgiens de Cochinchine n’ont droit qu’à des écoles de pagode, même « rénovées »[2].

Concernant nos hommes politiques, Pourquoi peu d’entre eux s’entoure d’intellectuels de hauts niveaux, comme c’est le cas des Européens par traditions léguées depuis la plus haute antiquité ? Signalons cependant deux exceptions :

§ Son Ngoc Than avait la vie sauve, parce qu’il a été capturé par les Français avec la complicité des Anglais. Les Anglais ne voulait pas avoir le sang d’un prisonnier dans la main. Mais son secrétaire particulier était un intellectuel bilingue nommé Huot Sovan, frère aîné de Huot Sambath, fils du docteur Huot, « accusé de collaboration avec les Japonais, a été interné dans une caserne au-delà de Phnom Penh et torturé à mort par le commandant Gallois. »[3]

§ Sisowath Yutévong a choisi comme secrétaire particulier Nou Hach, l’auteur du classique « Phkar Srapaune », véritable plaidoirie pour les intellectuels. Mais la vie politique de Yutévong a été trop brève.


A part ces deux personnalités, il semble que nos hommes politiques ont peur des intellectuels en particulier des intellectuels patriotes. Même de nos jours. A part le relèvement des salaires des professeurs, aucun homme politique ne s’occupe du contenu des manuels scolaires, de la création d’un Institut pour la recherche historique, un autre pour la recherche géographique. Pas d’encouragement non plus pour la publication d’un nouveau dictionnaire de la langue cambodgienne. Les lauréats des Olympiades Scientifiques Junior ne sont pas non plus honorés etc[4].

Durant la période allant de 1954 à 1970, l’enseignement supérieur était en français et la haute société cambodgienne envoyait ses enfants au lycée français Descartes où la langue cambodgienne était considérée comme une langue étrangère.

Dans ces conditions comment alphabétiser rapidement l’ensemble du peuple ? Comment former rapidement un grand nombre d’intellectuels de haut niveau comme en Malaisie par exemple ? Tous les exemples dans le monde ne montrent-ils pas qu’un peuple instruit ne vit jamais sous une domination étrangère ? Peut-on instruire l’ensemble du peuple en langue étrangère ?

Rappelons que durant le Sangkum, il y avait des publications intéressantes, mais toutes en français. Comme la revue "Etudes Cambodgiennes" par exemple. Le journal politique le plus lu était « La Dépêche » de Chau Seng. Dans ces conditions, comment alphabétiser rapidement l’ensemble du peuple ? Heureusement, commence à se développer une littérature en langue nationale d’un bon niveau et le premier dictionnaire de notre langue était publié sous la direction de Chuon Nath. Il y avait des savants en langue nationale comme Achar Pin Khat par exemple. Mais personne ne fait attention à eux. Un intellectuel de haut niveau, bilingue, Ieu Koeus, secrétaire général du Parti Démocrate, fut assassiné par des « inconnus » en janvier 1950.

Ce qui fait qu’en 1970, il n’existe qu’une poignée d’intellectuels dans un océan d’analphabètes.

De nos jours, il y a le développement des livres, des journaux, des revues en langue nationale. La langue administrative est cambodgienne. Malgré toutes les obstructions notre langue et notre culture se développe, mais lentement car avec peu de soutien financier et politique national et international. Notons les efforts de nos compatriotes au Cambodge et aussi les aides des personnalités étrangères comme Ingrid Muan, qui a pu récolter les aides des fondations étrangères comme The Albert Kunstadrer Family Fuondation, The Japan Foundation Asia Center, The Rockefeller Foundation, The Toyota Foundation, par exemple. Le Cambodge possède maintenant des imprimeries modernes avec un personnel capable de les faire fonctionner et au besoin de les réparer. Maintenant le Cambodge est capable de produire des livres de qualité presque internationale. D’autre part les éditeurs et les libraires gagnent de l’argent. Cela prouve que le nombre de lecteurs augmente. Mais malheureusement à la campagne il y a encore très peu de gens qui lisent. Cela est dû en grande partie à l’état moyenâgeux de nos voies de communications. Le Japon ne pense qu’à moderniser les communications entre Saigon et Phnom Penh, pour rendre le Cambodge dépendant de Saigon, comme durant la période coloniale.

Il est intéressant de constater que des chansons créées par nos frères de Surin sont parvenues à nos frères du Kampuchea Krom, en passant par Phnom Penh. Nos frères du Kampuchea Krom se battent maintenant pour la libre circulation des DVD, livres et autres objets culturels en provenance du Cambodge. Ainsi la solidarité entre les Cambodgiens du Cambodge et avec nos frères de Thaïlande et du Sud-Vietnam se concrétise avec le développement du niveau intellectuel de notre peuple.

Notons aussi que les artistes cambodgiens : chanteurs, comédiens, acteurs de cinéma etc. commencent aussi à gagner de l’argent. Certes il y a l’assassinat de Piseth Pilika et de Touch Sunnich. Mais maintenant les artistes cambodgiens se déplacent avec des garde-corps.

Un autre fait intéressant à noter : la lutte des avocats cambodgiens pour démocratiser le Barreau (Association) des avocats. Dans cette lutte, nos avocats n’ont reçu aucune aide des grandes puissances.

Jusqu’à présent aucune grande puissance ne nous a aidé et ne nous aide dans ces domaines. Les Chinois forment au compte goûte les ingénieurs et techniciens cambodgiens en Chine et en chinois. De même pour les autres grandes puissances. Personne ou presque, ne vient nous aider à combler nos retards dans ce domaine. Rappelons que Bill Gates de Microsoft est en train de former 15 000 ingénieurs informaticiens vietnamiens de haut niveau.

Les grandes puissances dépensent énormément pour aider les pays pauvres à lutter contre le Sida et la famine. Or tout le monde sait que les peuples instruits savent mieux lutter contre la propagation du Sida et contre la famine. Pourquoi ne pas utiliser une partie des ces aides à instruire le peuple, en particulier les femmes ?

Ainsi, grâce aux efforts et aux luttes de nos compatriotes au Cambodge, le nombre absolu des lettrés augmente. Mais malheureusement son pourcentage diminue. Les lettrés restent encore noyés dans l’océan des illettrés.

Un groupe de Cambodgiens en Australie vient de se rendre compte de l’ignorance des jeunes Cambodgiens pour notre culture, à commencer par la langue. Dans les mariages mixtes, c’est souvent le conjoint étranger qui demande à aller au Cambodge pour se ressourcer dans notre culture. Ce groupe vient de réaliser un film sur ce sujet et préconise l’apprentissage de notre langue en Australie même comme première mesure. Ce film sera projeté au Cambodge en mars prochain.

Notons aussi le fait que de nombreux Cambodgiens retraité viennent s’installer au Cambodge et apportent leurs connaissances pour aider la formation des techniciens cambodgiens. C’est aussi un fait important pour impulser la solidarité entre les Cambodgiens.

Au Cambodge, la construction des maisons et des immeubles bat son plein. Y a-t-il des grandes entreprises cambodgiennes qui participent à ces constructions ? Les États-unis ont-ils fait appel à des entreprises cambodgiennes dans la construction de son immense ambassade ? On construit en ce moment des immeubles d’une certaine hauteur à Phnom Penh, y a-t-il la participation des entreprises cambodgiennes, des architectes, des ingénieurs et des techniciens cambodgiens ?

Concernant la formation de la petite, moyenne et grande bourgeoise

Comment un pays peut être indépendant si les artisans, les techniciens, les ingénieurs, les chefs des petites et moyennes entreprises commerciales et industrielles sont encore majoritairement étrangers ? S’il n’y a pas d’école ou institut pour les former massivement ?

Actuellement, aucune grande puissance ne nous aide à former ces hommes dont nous avons besoin. Mais ce qui est regrettable, c’est qu’aucun de nos hommes politiques n’a un programme pour remédier à cet état de chose.

Certes il y a des étrangers comme le Suisse Beat Richner qui construit ses quatre hôpitaux Kantha Bopha avec des entreprises, des architectes, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers 100 % cambodgiens, assistés au besoin par quelques experts étrangers. De même ces hôpitaux sont gérés par un personnel soignant et autre aussi 100 % cambodgien, avec 0 % corruption et sans le moindre favoritisme. Dans ces hôpitaux, il règne une hygiène suisse et les médicaments utilisés sont de même qualité qu’en Suisse Les Cambodgiens appellent ces hôpitaux de « Monti Pait Thane Sour » (hôpitaux du paradis). Richner ne nous montre-t-il pas que les Cambodgiens sont capables de tout faire et de bien faire.

Par contre les Japonais construisent des ponts, des routes et autoroutes, principalement pour faciliter les communications terrestres avec Saigon dans le but de faire dépendre notre commerce extérieur de ce port vietnamien. C’est d’ailleurs la politique pratiquée par le pouvoir colonial depuis le milieu du XIXè siècle. En plus pour ces constructions le japon utilise uniquement des entreprises, des ingénieurs et techniciens vietnamiens. Pourquoi cette exclusivité ?

Les Chinois construisent aussi des ponts et des routes pour relier Phnom Penh au Laos et aussi pour améliore nos communications intérieures. Mais ils n’utilisent que des entreprises, ingénieurs et techniciens chinois.

En plus, au point de vue économique, il y a le monopole intolérable de la société vietnamienne Sokimex dans l’importation des produits pétroliers et dans de nombreux autres produits comme les médicaments. La Sokimex a également le monopole pour la confection des uniformes de la police et de l’armée. Ce qui fait que Sokimex possède maintenant un trésor de guerre de plusieurs milliards de $US. Il y a aussi la gigantesque banque vietnamienne Canadia qui est présidée, pour camoufler sa direction vietnamienne, par un Cambodgien venant du Canada. Les Cambodgiens du Canada le savent très bien.

Ainsi, le Vietnam utilise le clan Hok Lundy – Hun Sen pour tout faire pour empêcher la petite et moyenne bourgeoisies cambodgiennes de se développer. Ainsi, la petite et la moyenne bourgeoisie, par nécessité, sont obligées de se battre contre ce pouvoir dictatorial. Elles ne le font pas ouvertement, mais par tous les moyens à leur disposition, y compris les relations familiales et autres.

D’autre part les coiffeurs, les tailleurs, les réparateurs de vélos, de motos, de voitures, des moteurs en tout genre, des télévisions et autres appareils électroniques se forment principalement par autodidacte et par les quelques rares écoles privées. Il y a maintenant le développement d’un certain nombre de ces entreprises cambodgiennes en tout genre, particulièrement en ville et à Phnom Penh.

Ces chefs d’entreprises sont en général des personnes instruites à un certain niveau. C’est ce qui explique qu’à Phnom Penh par exemple, lors des élections, le clan Hok Lundy – Hun Sen n’obtient qu’un tiers des voix. Cela malgré les assassinats, les fraudes et autres intimidations de toutes sortes.

Notons aussi l’existence de plus de 250 000 ouvriers et surtout ouvrières des usines principalement textiles. C’est la première fois au Cambodge qu’il y ait tant d’ouvriers d’usines. Le salaire annuel de ces ouvriers représente 200 millions de $US. Cette somme est entièrement recyclée dans l’économie cambodgienne. D’autre part ces ouvrières et ouvriers en retournant plusieurs fois par an dans leur famille à la campagne, sont des vecteurs de propagation des idées des villes. Ainsi nos paysans à la campagne ne restent en relation permanente avec la capitale où sont concentrées ces usines. D’autre, pour défendre leurs intérêts ces ouvrières et ouvriers savent que leurs forces résident dans leur unité dans des organisations syndicales. C’est une forme nouvelle de lutte dans la société cambodgienne d’aujourd’hui.

Rappelons que nos provinces du Nord-Est et de l’Est sont en train d’être rattachées économiquement au Vietnam. Le Japon est en train de construire une autoroute reliant tout le Nord-Est de notre pays : Kraties, Stung Trèng, Ratanakiri et Mondulkiri au port vietnamien Danang. Cette autoroute est construite par des entreprises et ingénieurs vietnamiens. Les barrages hydroélectriques sont aussi construits par des entreprises vietnamiennes et la production de l'électricité est gérée aussi par des entreprises vietnamiennes. De même, nos provinces de l’Est, en particulier Svay Rieng sont déjà alimentées en électricité vietnamienne à un prix double que celui pratiqué au Vietnam. Le clan Hok Lundy est en train d’organiser l’intégration de ces provinces au Vietnam administrativement. Le clan Hok Lundy – Hun Sen vient de signer l’intégration de notre système des télécommunications dans celles du Vietnam.

Tout cela sans la moindre protestation de nos hommes politiques ; Pourquoi ce silence complice ?

(À suivre…)

Notes : This article is available into english upon request.

[1] Lewis Mumford, dans « La Cité à travers l’histoire », Editions du Seuil, Paris 1964, page 59.
[2] « La Minorité Cambodgienne de Cochinchine », par Louis Malleret, Bulletin de la Société des Etudes Indochinoises, Tome XXI, 1er semestre 1946.
[3] Dans « Le Mal Cambodgien » de Marie Alexandrine Martin, ed Hachette, Paris 1989, page 60.
[4] Lors de l’« International Junior Science Olympiad » (IJSO), tenu à Jogjakarta (Île Java, Indonésie), du 4 au 13 décembre 2005, le Cambodge a présenté 6 candidats. Il y avait près de 200 candidats venus d’au moins 25 pays de tous les continents, à l’exception du Canada, des USA, du Japon, de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Australie. Le Cambodge a reçu 6 médailles : Dy Kuchsa (Médaillé d’Or), Huoy Channaren (Médaillé Bronze), Hun Vanasola (Médaillé Bronze), Mom Charya (Médaillé d’Argent), Ty Sovisal (Médaillé d’Argent), and Say Buntha (Médaillé Bronze).

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