2007-10-21

Son Chhay et la domination vietnamienne au Cambodge

Nouvelles du Cambodge N° 0733-F

Son Chhay et la domination vietnamienne

Nous publions ci-dessous des déclarations du député Son Chhay sur la domination vietnamienne au Cambodge sous la forme d’exploitation du Caoutchouc sur 100 000 hectares de nos terres.

Nous tenons tout d’abord à féliciter Son Chhay pour son intervention qui répond aux préoccupations fondamentales de nos compatriotes. Cependant, nous voulons préciser que Son Chhay n’a pas précisé que ces anciens officiers et soldats de l’Armée Populaire du Vietnam viennent s’installer définitivement chez nous avec femmes et enfants. Cela fait partie du plan de Hanoi, de transformer notre pays en province vietnamienne. Ce sont de véritables colonies de peuplement comme durant la période coloniale. Il faut préciser aussi que le caoutchouc produit sera exporter par le port de Prey Nokor comme du caoutchouc vietnamien, comme c’est, déjà, le cas pour un million de tonnes de riz cambodgien tous les ans. Ce riz produit principalement dans l’Est de notre pays.

Sur cette question de la colonisation vietnamienne, nous désirons ajouter que les Vietnamiens sont largement bénéficiaires, même avant l’exploitation de ces 100 000 hectares de nos terres, par la seule vente du bois précieux pluri-centenaire produit par le défrichage de nos forêts.

Rappelons, d’autre part, que la Société vietnamienne Sokimex possède déjà des immenses terrains dans les grandes villes du Cambodge, en particulier à Phnom Penh et à Sihanouk-ville et leurs environs ; que la Vietnamienne Phu possède déjà près de 8 % de notre territoire ?

Nous souhaitons que Son Chhay ou / et de nombreuses autres personnalités patriotiques nous donnent leur opinion sur un certain nombre d’autres problèmes, hélas malheureusement non exhaustifs, qui font que notre pays est en train de devenir progressivement une province vietnamienne dans peu de temps.

1 / Pour l’indépendance d’un pays, l’indépendance énergétique en est un des facteurs fondamentaux, comme partout dans le monde.

a / Pourquoi attribuer à des sociétés vietnamiennes la construction de deux barrages hydroélectriques dans nos provinces du Nord-Est ? Nous savons d’autre part que pour construire ces barrages les Vietnamiens vont venir s’installer définitivement avec femmes, enfants et amis. Comme c’est déjà le cas pour d’autres constructions comme des routes, par exemples, venant du Vietnam et qui se prolongent sur notre territoire pour drainer nos richesses vers le port Prey Nokor ? En plus cette électricité sera vendue, par la société vietnamienne, avec de gros bénéfice, car en situation de monopole. L’électricité à l’Ouest, jusqu’à la ville de Siem Reap vient de Thailande. Lors du conflit avec la Thailande concernant l’exploitation touristique du temple de Preah Vihear, la Thailande a menacé de couper l’électricité venant de notre voisin de l’Ouest. Ainsi dépendre notre électricité de nos voisins c’est se placer sous la menace constante d’être privée d’électricité. Pourquoi volontairement nous mettre sous la dépendance énergétique de nos voisins ? Pourquoi volontairement mettre l’indépendance du Cambodge sous la dépendance énergétique de nos voisins ?

b / Nous savons maintenant que nous avons du pétrole et du gaz naturel en quantité importante. Pourquoi ne pas, dès maintenant, envisager la construction d’une raffinerie de pétrole ? Une raffinerie de pétrole produit de nombreux autres produits que de l’essence. Rappelons qu’avant 1970, il y avait une raffinerie de pétrole près de notre premier port maritime Sihanouk-ville. Tous les pays indépendants ayant accès à la mer, possèdent au moins un port. La plupart des ports maritimes dans le monde sont parmi les plus grandes villes de la planète. Certains sont même, des capitales du pays, comme Londres, Bangkok et Tokyo par exemple. Pourquoi ne pas, dès maintenant, avoir des projets pour construire des centrales thermiques électriques pour fournir l’électricité à l’ensemble du pays ? Au lieu de construire des réseaux de lignes à hautes tensions en provenance de nos voisins, en particulier du Laos et du Vietnam pour électrifier nos provinces du Nord, du Nord-Est et de l’Est ? Venant jusqu’aux environs de Phnom Penh ?

c / Pourquoi la Société vietnamienne Sokimex continue-t-elle à jouir de certains monopoles dont celui de l’importation de l’essence achetée au Vietnam ? Pourquoi, au Cambodge, l’essence coûte-t-elle 50 % plus chère que chez nos voisins ? En accaparant nos richesses par des monopoles de fait depuis sa création en 1979, la Sokimex a un trésor de guerre de plusieurs milliards de $US, voire des dizaines de milliards de $US ! Elle maintenant est un Etat dans l’Etat et jouit d’une impunité totale.

d / Pourquoi les contrats avec des sociétés étrangères concernant la recherche et l’exploitation de nos richesses en hydrocarbures, restent-ils toujours secrets même pour les députés ? La Sokimex est-elle associée à l’exploitation de nos richesses en hydrocarbures ? Y a-t-il des ingénieurs, techniciens et gestionnaires cambodgiens dans les explorations, les exploitations de notre pétrole et de notre gaz ?

En résumé, pourquoi mettre le Cambodge sous la dépendance totale, de nos voisins, en particulier au point de vue énergétique : électricité et essence, alors que nous avons tous les moyens pour, non seulement préserver notre indépendant énergétique et en plus vendre nos richesses énergétiques à nos voisins et dans le monde ?

2 / L’indépendance politique dépend en grande partie de l’indépendance économique. L’indépendance économique passe par l’importance du personnel national, scientifique et technique à tous les niveaux et dans toutes les matières, capable de produire et de gérer l’ensemble de l’appareil économique du pays.

Pourquoi par exemple, de nos jours, l’Hôpital franco-vietnamien de Prey Nokor surclasse-t-il, et de loin, l’Hôpital franco-cambodgien de Phnom Penh ? Pourquoi, pour analyser l’ADN du Ko Prey cambodgien, est-on obligé d’aller le faire au Vietnam ? Rappelons que durant la période coloniale, au Cambodge, les Vietnamiens avaient presque les mêmes statuts que les Français. Les Cambodgiens paient plus d’impôt par habitant que les Vietnamiens au Vietnam. Rappelons que les Vietnamiens au Cambodge ne payaient presque pas d’impôt ! Parce que assimilés à des Français ! Ainsi les élèves vietnamiens au lycée Sisowath, à Phnom Penh, au contraire des élèves cambodgiens, ne payaient pas d’impôt ! C’était la raison de la première grève des lycéens cambodgiens en 1936 ! Que, durant la période coloniale, les meilleurs hôpitaux, les meilleurs lycées, tous les établissements scientifiques comme les Instituts Pasteurs et l’Université sont tous au Vietnam ! Construits avec la participation des impôts levés au Cambodge. Durant l’occupation japonaise, à la campagne, une famille cambodgienne ne possédait qu’un seul habit pour sortir ! Les autres membres de la famille, devaient se cloîtrer à la maison tout nu ! Le Cambodge n’avait pas le droit de fabriquer du sel à partir de l’eau de mer ! Le Cambodge devait acheter le sel produit au Vietnam. Tout le commerce du Cambodge se faisait par Prey Nokor ! Pourquoi les grandes puissances continuent-elles à nous imposer les mêmes politiques que durant la période coloniale ?

D’autre part, ne faut-il pas revoir à fond notre système d’enseignement ? En plus de l’augmentation du salaire des professeurs ? Ne faut-il pas envoyer une délégation, comprenant des spécialistes cambodgiens de haut niveau, enquêter sur ce sujet au Vietnam, en Thailande, en Malaisie et en Finlande ? Ces pays qui, comme la Malaisie et la Finlande, sont passés en moins de trente ans de pays pauvres à des pays riches et de plein emploi ? Rappelons que nos voisins se préparent déjà à construire des centrales nucléaires pour produire de l’électricité. A quand notre tour ?

Un pays indépendant passe par l’existence des industries de haute technicité, c’est-à-dire des industries à haute valeur ajoutée, qui demandent la formation des ingénieurs et scientifiques de haut niveau en grand nombre. Au Vietnam, on forme, tous les ans, plus de 30 000 ingénieurs de très haut niveau. Sans compter les techniciens de tous les niveaux. Proportionnellement à aux populations, il faudrait former annuellement chez nous au moins 6 000 ingénieurs de très haut niveau ! Quand sera le cas ? Comment peut-on former rapidement ces ingénieurs et scientifiques si l’enseignement universitaire se fait en langues étrangères ? Anglais, français et chinois ? Est-ce le cas chez les pays que nous venons de citer plus haut ? Et dans tous les autres pays indépendants ? Comparer notre pays à Singapour et à l’Inde c’est méconnaître totalement l’histoire et la situation de l’enseignement de ces deux pays ! Pourquoi le Japon aide-t-il le Vietnam à développer la langue scientifique et technique vietnamienne ?

3 / Pour développer la campagne, tous les pays indépendants développent les routes intérieures pour faciliter les communications de personnes et la circulation des marchandises. C’est le cas des pays que nous venons de citer plus haut. Quand des projets importants pour remédier à cet état arriéré de nos communications terrestres, en particulier vers nos villes et villages à nos frontières ? Comment défendre nos frontières si les meilleures routes partent de nos frontières vers nos voisins ? Déjà le commerce frontalier ne se fait-il pas, déjà, principalement vers nos voisins ? Faute de pouvoir le faire au Cambodge !

4 / L’indépendance d’un pays passe par l’intégrité territoriale et maritime du pays. Pourquoi Son Chhay ou / et autres personnalités patriotes ne vont-ils plus rendre visite à nos compatriotes vivant à nos frontières ? Pourquoi ne pas encourager le tourisme national et international vers Angkor Borei, capital du Fou Nan, un des berceaux de notre civilisation et de notre histoire ? Angkor Borei, proche de la frontière vietnamienne, n’est-il pas déjà vietnamisé ? Pourquoi ne pas poser des questions officielles sur les retards concernant l’installation des bornes frontières avec le Vietnam ? Est-ce la route asphaltée vers Preah Vihear est en construction ? Sinon à quand ? Cette route va irriguer en même temps nos provinces du Nord, déjà en grande partie, absorbées par le commerce avec la Thailande

5 / Le tourisme se développe très rapidement. Angkor est le moteur principal du développement du tourisme dans notre région. Cet afflux de tourisme profite principalement à nos voisins. Des touristes venant du Vietnam, disent qu’il n’y a rien de touristique dans ce pays. Ainsi tous les touristes venant dans notre région veulent venir à Angkor. Ainsi nos voisins et en particulier le Vietnam est obligé d’inclure Angkor dans les voyages touristiques pour visiter le Vietnam. Pourquoi, le Cambodge est-il le seul pays de la région à ne pas avoir une compagnie aérienne de capacité internationale ? Avant 1970, nous avions «Royal Air Cambodge » qui marchait bien.

6 / Pour protéger nos eaux territoriales, il faudrait une marine capable de le faire. Nous avons des aides militaires des Etats-Unis et de la Chine. D’autre part des navires de guerres américains et français viennent mouiller à Sihanouk-ville. Pourquoi le Cambodge reste-t-il, encore incapable d’empêcher nos voisins à venir piller librement nos richesses halieutiques ? Qui garantira la sécurité des installations pétrolières offshore ? Les marines de nos voisins ? A quoi servent les bonnes relations militaires avec Washington, Paris et Pékin ?

Nous souhaitons que nos compatriotes se mobilisent sur ces questions concernant l’avenir de notre pays et donc de nos enfants. Même seulement par l’écrit ou / et par des réunions publiques.

Comment pouvons nous apprécier la valeur des aides des grandes puissances, si nous ne savons pas d’abord ce dont nous avons besoin pour défendre notre indépendance nationale à long terme ? Nos voisins savent très bien ce dont ils ont besoin, de ce fait ils ont des bonnes relations à la fois avec les Etats-Unis et la Chine. Au Vietnam il y a de grandes industries chinoises et le géant de l’informatique Intel est en train de construire à Prey Nokor une usine de un milliard de $US pour fabriquer des puces électroniques. Bill Gates est en train de former 15 000 informaticiens de très haut niveau vietnamiens. Pourquoi au Cambodge, il n’y a que des usines qui n’utilisent, principalement, que les forces musculaires et l’endurance des travailleurs cambodgiens ? Sans industries de haut niveau technique, le Cambodge peut-il devenir, un jour, un pays indépendant ?

Ci-dessous le texte intégral de la déclaration de Son Chhay à RFA :

Le « secret » des 100 000 ha du Cambodge
pour l'hévéa-culture des soldats viêts

(Résumé des déclarations de SON CHHAY, Député (PSR), Président de la Commission des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de l'Assemblée Nationale, interviewé par Kem Sos, RFA -Emissions du 25/09/2007)

Kem Sos (KS) : - J'ai su que le Gouvernement Royal du Cambodge a accordé au Vietnam une concession de 100 000 ha de terres pour la plantation d'hévéa, où se trouvent ces terres ?
Son Chhay (SC) : - Nous le savons aussi et je suis parti avec une délégation de l'Assemblé nationale faire une inspection sur le terrain, dans la région de Mondulkiri et même dans les provinces vietnamiennes de Dac Lak et Dac Nong. Ce qui nous inquiète, c'est qu'un pays voisin du nôtre obtient des concessions de terres pour venir cultiver ses champs dans notre pays. En fait, ce sont des soldats vietnamiens qui, après avoir été partiellement évacués du Cambodge (en 1989), ont formé des mouvements militaires pour les plantations d'hévéas ou de caféiers... et qui se sont installés maintenant en très grand nombre devant nos provinces frontalières, avec toutes sortes d'équipements, et placés sous les ordres de leurs généraux et officiers – formant un véritable état-major militaire.

KS : - Nos compatriotes sont très inquiets des agissements des Vietnamiens. En particulier, dans cette affaire de concession de terres, quels seraient les profits pour les Khmers ?
SC : - Selon un rapport du Comité pour le Développement, un organe du Gouvernement royal, le Vietnam aurait promis de créer des emplois pour nos compatriotes des minorités ethniques de la région, comme il l'a déjà fait au Laos.
Or, nous sommes partis voir une plantation d'hévéa par des soldats vietnamiens, sur une concession laotienne de 10 000 ha, de 50 ans, dans la province de Champassak (du Laos) et avons appris qu'en réalité les promesses vietnamiennes n'ont pas été tenues sur le terrain. D'abord, la plantation est dirigée par 176 colonels et capitaines de l'armée vietnamienne, qui se font appelés des « experts » ; ensuite, pour 10 000 ha de plantation, on emploie environ 1 000 ouvriers laotiens, à côté de plus de 3 000 ouvriers vietnamiens. Ainsi, pour nos concessions de 100 000 ha pour les mêmes plantations, il faudrait bien dix fois plus de ces « experts » et ouvriers (qui forment) le pouvoir vietnamien (chez nous). Par ailleurs, il y a le problème touchant notre environnement. Nos forêts ont été détruites par ces entreprises sans ménagement et sans compensation.

KS : - Où se trouvent ces 100 000 ha concédés aux Vietnamiens ?
SC : - Un peu partout. Il y aurait 20 000 ha en Mondulkiri, 20 000 autres en Kratié, 10 ou 20 000 encore en Stung Trèng, 30 000 en Kompong Thom et en Preah Vihear. Les concessions de Kompong Thom sont sous le contrôle des militaires cambodgiens, non sous celui du Gouvernement royal.

KS : - Les Khmers ne peuvent-ils pas obtenir ces concessions ?
SC : - Beaucoup de nos compatriotes se sont investis dans la culture d'hévéa. Pendant les cinq dernières années, des entrepreneurs khmers en ont déjà planté sur au moins 50 000 ha de terres. Nous n'aurions même pas besoin d'étrangers pour cette activité ; (je ne comprends pas) pourquoi nous n'accordons de grandes concessions à nos propres concitoyens ?
L'on doit se poser aussi des questions sur notre souveraineté nationale et sur notre sécurité. Aucun pays n'a jamais accordé aux forces armées d'un pays voisin la possibilité de venir s'installer sur son territoire et de l'administrer.
Nous devrions n'accorder ces concessions qu'à nos nationaux d'abord ; ensuite, aux entreprises étrangères de pays non frontaliers au nôtre, et sous certaines conditions précises, surtout sur la durée – pas trop longue – de ces concessions, et l'obligation d'employer les Khmers en priorité.

KS : - Pourquoi n'accorde-t-on pas ces concessions aux Khmers ?
CS : - Nous (les députés) ne comprenons pas. Bien sûr que nous souhaitons de la transparence sur ces concessions et que l'on nous explique les causes (des décisions du Gouvernement). Mais, les députés ne peuvent y poser aucune question (au Gouvernement, car) ces concessions et tous les documents y relatifs sont tous des secrets (du Gouvernement) !

KS : - Avez-vous une explication de ces secrets ?
CS : - Je pense que c'est à cause de l'influence du Vietnam sur notre pays, sur nos dirigeants, au point que ces derniers doivent céder à toutes demandes des Vietnamiens ; la corruption en est aussi une autre cause ; et, peut-être croit-on également que les étrangers ont de plus grands moyens financiers et techniques pour ces choses-là...

KS : - Notre pays y gagne-t-il quelque chose ?
SC : - Le Cambodge y perd énormément. Les concessions sont faites sans aucun appel d'offre public. Dans le cas de la gestion touristique du site d'Angkor, par exemple, notre Etat récolte à peine 10% des recettes des visites des touristes – à raison de 50 à 60 US$ par personne, par semaine. Chaque année, il y a au moins 30 millions de US$ qui ne rentrent pas dans les caisses de l'Etat.
Avec tout cela (destructions de l'environnement et ces manques à gagner pour l'Etat), ces concessions ont détruit les intérêts propres de nos populations de l'endroit, dans leur vie quotidienne. Nous devrions donc arrêter ces concessions.

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