2007-10-02

Les intérêts géostratégiques des grandes puissances et le Myanmar

NOUVELLES DU CAMBODGE N° 0730-F

LES INTÉRÊTS GÉOSTRATÉGIQUES DES GRANDES PUISSANCES ET LE MYANMAR

Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 01 octobre 2007

L’arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492, marque le commencement du désenclavement du monde. L’arrivée du Portugais Vasco de Gamma à Calicut (Inde) en 1498, après avoir contourné l’Afrique par le Sud, puis de l’arrivée d'un autre Portugais Albuquerque à Malacca, en 1511, suivi de l’arrivée d’un troisième Portugais au service de l’Espagne Magellan aux Philippines en 1521, par l’Ouest après avoir contourné l’Amérique du sud et traversé le Pacifique, le monde est fini. L’histoire d’un pays, comme le Cambodge, ne peut plus être écrite sans tenir compte de ces faits et de leurs conséquences.

Notons qu’après la mort de Magellan, le Basque El Cano terminera le premier voyage circumterrestre en 1522. En consultant le journal de bord, l’équipage constate une journée de retard entre le calendrier espagnol et celui de l’expédition, preuve inattendue de la rotation de la terre sur elle-même, début de la révolution copernicienne en cosmologie suivie de Kepler, de Newton et d’Einstein.

Ces faits montrent la supériorité européenne dans la navigation en haute mer, sur les sciences et sur la stratégie militaire avec l’introduction des armes à feu. Puis le dernier quart du XIXè siècle a vu l’émergence de deux autres puissances les États-unis d’Amérique et le Japon. Enfin de nos jours, interviennent deux autres puissances, la Chine et l’Inde. Enfin il y a la fin annoncée des réservent en hydrocarbures, énergie essentielle pour le développement économique de tout pays.

D’abord les origines du nouveau nom de la Birmanie : Myanmar, adopté le 18 septembre 1989 pour englober toutes les 135 minorités du pays. Le nom de Birmanie se référait uniquement à l’ethnie birmane. D’après la légende, Bya Ma, puissants esprits légendaires, auraient créé ce pays, d’où le nom actuel.

Le Myanmar (676 577 km² et 47,5 millions d’habitants, dont 86,2 % alphabétisés) est un État situé aux confins de trois zones géopolitiques majeures de l’Asie, avec à l’Ouest et au Nord, le Bengladesh (193 km), et l’Inde (1463 km), au Nord-Est : la Chine (2185 km), et à l’Est : le Laos (235 km) et la Thaïlande (1800 km). Le pays possède d’autre part 1930 km de côtes avec la capitale et port Yangoon (Rangoon) (5,5 millions d’habitants) et d’importantes réserves prouvées d’hydrocarbures (off shore) : pétrole 3,2 milliards de barils, gaz 2 500 milliards de mètres cubes.

Pour la Chine c’est la possibilité de faire du commerce avec l’Afrique et l’Europe sans passer par le Détroit de Malacca. En même temps désenclaver les provinces du Yunnan et du Sichuan. A Beijing, les objectifs liés à l’enjeu birman remontent au milieu des années 1980. Le 2 septembre 1985, la « Beijing Review » publie un article désormais célèbre, intitulé « Se tourner vers le Sud-Ouest : l’avis d’un expert », signé par un ancien vice-ministre chinois des communications, Pan Qi, qui émet l’idée selon laquelle la Chine doit développer sa politique commerciale en direction de l’Océan Indien et de ses zones avoisinantes via la Birmanie. Pour cela il faut pacifier la zone frontière sino-birmane et développer les voies de communication reliant la Chine et la Birmanie. Déjà au début de 1985, le Président chinois Liu Xiannan s’était rendu à Rangoon pour officialiser les relations d’État à État.

Ce faisant, avec le développement de la marine chinoise de guerre, et les facilités portuaires accordées par Rangoon, la Chine deviendrait une puissance navale dans l’Océan Indien. La marine chinoise est maintenant la troisième dans le monde par le tonnage et aussi par les capacités techniques. Il lui manque des porte-avions, véritables aéroports mobiles. Les États-unis en possèdent 12, l’Inde un. La Chine est en train de construire son premier porte-avions.

Les intérêts de la Chine sont donc immenses. Pacifier la zone frontière, cela suppose la fin du soutien à la guérilla du Parti Communiste Birman. Maintenant c’est chose faite et une véritable autoroute relie maintenant les provinces chinoises à Yangoon. Elle sera complétée par une ligne de chemin de fer. Les routes provinciales quadrillent le Nord du pays pour permettre la pacification et aussi pour améliorer les relations intérieures du Myanmar. Yangoon donne déjà des facilités portuaires à la marine chinoise. Un pipe-line est en construction pour acheminer le gaz de l’Océan Indien en Chine. Il sera doublé par un autre pipe-line pour le pétrole. Ainsi les approvisionnements des provinces centraux de la Chine en hydrocarbure myanmarais et en provenance du Moyen-Orient ne seront plus obligés de passer par le Détroit de Malacca.

L’Inde se sentait menacer et apportait son soutien à Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix en 1991, contre le pouvoir militaire. Mais les usines de l’Est indien en particulier à Calcutta ne peuvent ignorer les importantes sources d’hydrocarbures toutes proches. D’où l’abandon de la politique contre le pouvoir militaire de Yangoon et sa politique de son soutien à Aung San Suu Kyi. Récemment, en pleine manifestation des bonzes à Yangoon, une délégation indienne est venue signer des accords concernant la fourniture de gaz naturel à l’Inde. L’inde se chargera de construire un pipe-line qui contournera le Bengladesh. Il faut noter que jusqu’à maintenant toutes les compagnies pétrolières occidentales n’ont pas quitté le pays.

Le pouvoir militaire à Yangoon n’a pas oublié le soutien de la Chine à la guérilla du Parti Communiste Birman, c’est pourquoi les caractères chinois sont interdits dans les lieux publics. En plus des caractères myanmarais, la langue anglaise est tolérée. La recherche pétrolière est diversifiée et ouverte aussi aux compagnies américaines et françaises. Total exploite du gaz et l’achemine par un pipe-line à la Thaïlande. C’est ce qui explique la position conciliante du pouvoir de Yangoon avec l’envoyé de l’ONU Ibrahim Gambari.

En politique intérieure, au Myanmar, le taux d’alphabétisation est près de 90 %, comparable à celui de la Thaïlande et à celui du Vietnam. L’enseignement se fait en langue nationale jusqu’à l’université comme chez nos deux voisins, avec l’anglais comme langue étrangère. Tous les postes techniques importants sont entre les mains des Myanmarais. A ce sujet, notons qu’en Angola, la plate-forme pétrolière, off-shore la plus importante de la compagnie française Total est dirigée par un Angolais. Yangoon est en train de se doter d’une marine pour défendre ses eaux territoriales. A ce sujet, aucun pays n’ose menacer l’indépendance et l’intégrité territoriale et maritime du pays.

Au point de vue religieux, la hiérarchie bouddhique est respectée. Les manifestations sont tolérées jusqu’à une certaine mesure comme nous venons de le constater.

La situation au Cambodge est-elle meilleure qu’au Myanmar ?

Conclusion

Il est normal que nos compatriotes se sentent concernés par les événements au Myanmar. Remarquons cependant que le chef des bonzes au Cambodge, Tep Vong est un homme politique mis en place par Hanoi depuis 1979. Ce prétendu chef des bonzes, qui ignore tout du bouddhisme et qui applique à la lettre les ordres de ses maîtres, n’a aucun rapport avec les chefs des bonzes d’avant 1975, Chuon Nath et Huot Tath qui étaient des savants et des saints. Au Cambodge la moindre manifestation est interdite. En plus tout est fait pour que notre énergie, en particulier électrique et aussi pétrolière dépendent à presque 100 % de nos puissants voisins. On finance la construction des lignes à haute tension pour faire venir notre électricité de nos voisins : Laos, Vietnam et Thailande. Mieux, des sociétés vietnamiennes viennent construire des barrages et usines hydroélectriques sur notre sol et vendre l’électricité obtenue aux Cambodgiens, naturellement avec de gros bénéfices, parce que en position de monopole. Déjà la compagnie vietnamienne Sokimex est un État dans l’État et a le quasi-monopole de notre approvisionnement en carburant acheté du Vietnam, avec des bénéfices exorbitants. Tout cela sans le moindre appel d’offre. Notre intégrité territoriale et maritime est journellement violée par nos deux voisins. En 2009, il y aura la remise en question des plateaux continentaux du monde. Existe-t-elle une organisation cambodgienne qui s’occupe de cette question cruciale ? Pourquoi, nos routes intérieures, en particulier celles qui vont vers nos villes et villages à nos frontières sont-elles en si mauvais état ? Au contraire, celles de nos voisins sont en excellent état. Pourquoi nos hommes politiques dits de l’opposition ne vont-ils plus visiter nos compatriotes à nos frontières ? Nous avons maintenant du pétrole et du gaz naturel, avons-nous des ingénieurs et techniciens capables de gérer ces nouvelles richesses ? Avons-nous une marine capable de garantir la sécurité de nos ressources off shore ? Et capable d’empêcher nos voisins de venir piller nos ressources halieutiques ?

Au point de vue enseignement, comment rattraper notre retard concernant l’alphabétisation ? Pour atteindre le plus rapidement les 90 % de nos voisins ? L’enseignement universitaire en langue étrangère n’est-il pas un frein ? Il y a quelques années on finançait des traductions des ouvrages étrangers en cambodgien. De nos jours c’est le contraire, on finance des traductions des livres cambodgiens en langues étrangères ! Pourquoi ?

Pour comprendre, nous allons prochainement examiner les intérêts géostratégiques des grandes puissances dans notre région, dont le Cambodge est le centre.

Le 1er octobre 2007

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