Yutévong et quelques aspects de notre histoire
Nouvelles du Cambodge N° 0802-F
Une Biographie du Prince Yutévong et quelques aspects de notre histoire
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 7 janvier 2008
Nous publions ci-dessous une biographie du prince Sisowath (Ang Eng) Yutévong. Tout d’abord il faut noter que le prince (et non princesse) Chakaravuth, frère aîné du prince Yutévong était le premier Cambodgien à entrer à l’Ecole Nationale des Ponts et Chassées, mais il était décédé peu après de tuberculose. Nous souhaitons qu’un Cambodgien de Paris aille vérifier cette information à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et connaître la date exacte de son entrée dans cette Ecole.
Au sujet des noms : avant le pouvoir colonial, il n’y avait pas d’état civil. Les Cambodgiens n’avaient qu’un seul nom. Ainsi il est impossible de remonter la généalogie familiale avant l’établissement de l’état civil. François Ponchaud semble ignorer cette impossibilité dans son dernier livre intitulé « Une brève histoire du Cambodge » en 86 pages. Donc Yutévong est descendant de Ang Eng comme Ang Duong, Norodom et Sisowath. S’il y avait un état civil, tous devraient porter le nom d’Ang Eng. Donc choisir le nom de Norodom ou de Sisowath est un choix imposé par le pouvoir colonial. En ce qui concerne le mariage entre frère et sœur des grands-parents de Yutévong, il faut connaître l’histoire pénible et peu glorieuse de Ang Em durant la première occupation vietnamienne, relatée plus loin. C’est pourquoi les enfants de Ang Em, préfèrent ne pas trop parler de leur père. Ce mariage entre frère et sœur était-il aussi motivé par une certaine hostilité envers leur père Ang Em ?
D’autre il y a l’histoire d’Œdipe qui a épousé sa mère par ignorance et ce qui en suit. Cette histoire est portée au théâtre par Sophocle dans Antigone et Œdipe à Colonne, cette dernière pièce écrite à 90 ans, peu avant sa mort, une sorte de testament. Si Sophocle écrit ces pièces c’est que le problème de telles relations amoureuses, est courant en Grèce à cette époque. Il faut noter aussi que le mot inceste n’a été utilisé pour la première fois que depuis 1130 (dictionnaire le Petit Robert). Il faut noter qu’en Egypte des Pharaons, épouser sa fille, c’est normal. Le plus grand des Pharaons, Ramsès II, XVè siècle av. J. C., durant son long règne, a épousé un certain nombre de ses filles. De nos jours, ces relations incestueuses ne sont-elles pas courantes, mais non connues ? Pourquoi une loi pour interdire l’utilisation des testes ADN pour connaître la filiation ? Pourquoi accentuer nos faiblesses selon des critères qui ne sont pas les nôtres ? Il faut noter aussi que, pour les civilisations grecque et romaine, l’homosexualité est normale. Socrate et Platon par exemple sont des hétérosexuels. Le grand empereur Romain : Hadrien était homosexuel. Maintenant l’Occident est en train de revenir à tolérer cette pratique.
Il faut savoir que les concepts d’inceste et d’homosexualité ont été inventés par l’église chrétienne. Au moyen âge l’inceste va jusqu’aux cousins issus de germain et même plus loin.
Au sujet des ascendants de Yutévong. Ang Eng a deux enfants mâles Ang Em et Ang Duong. A cette époque il n’y avait pas d’Etat Civil qui ne sera établi que par le pouvoir colonial. Il faut aussi considérer le contexte historique qu’a dû subir la famille royale cambodgienne. La division entre Norodom et Sisowath qui sont des frères et qui devraient porter le même nom de famille, est la conséquence de la politique coloniale consistant à diviser pour reignier.
Nous citons ci-dessous un extrait d’Histoire du Cambodge par Adhémard Leclère pages 455 et 456, ce livre est traduit en cambodgien et publié au Cambodge, pour connaître certains aspects de l’histoire des arrière-grands-parents de Yutévong, celle de la famille du Prince Ang Em :
« Le général annamite ong Tuong Kun comprit que tout ce qu'il y avait encore d'énergie latente au Cambodge, d'éléments capables de révolte contre la domination des Yuons reposait en cette famille royale. Il résolut de la faire disparaître en jetant la division entre les deux princes frères, jusqu'alors toujours d'accord, puis en profitant des évènements qui ne manqueraient pas de naître de cette division, pour les détruire s'ils ne se détruisaient pas eux-mêmes.
Il fit porter à l'obaréach Ang-Êm par un Annamite déguisé en Cambodgien, Pakhva, une lettre disant qu'il n'était venu au Cambodge que pour pacifier le royaume, qu'il n'avait poussé à l'élection de la princesse Ang-Mey que parce qu'elle ne pouvait être qu'un "roi" provisoire, seulement en attendant qu'un prince cambodgien fût en état de régner, enfin qu'il était tout disposé à l'aider à monter sur le trône, mais qu'il avait un compétiteur dans son frère Ang-Duong qui déjà conspirait.
L'obaréach crut à ce retour de la fortune, mais comme on lui signalait un rival en son frère cadet que le peuple cambodgien lui préférait, il l'accusa à son tour, par lettre adressée au roi de Bângkok, de conspirer contre les intérêts siamois au Cambodge. Le roi de Siam envoya chercher le prince Ang-Duong par deux dignitaires qui le ramenèrent à Bângkok et défense lui fut faite de retourner à Mongkol-borey.
Débarrassé de son frère, l'obaréach se rendit à Pôthisath avec sa famille, les enfants de Ang-Duong, qu'il gardait comme otages et plusieurs mandarins cambodgiens arrêtés à Battâmbâng et trouvés trop énergiques pour pouvoir être laissés derrière lui. Le général annamite qui commandait la place fit saisir tout ce monde dès son arrivée et l'envoya à Phnôm-Pénh. L'obaréach Amg-Êm ne comprit pas ce qui venait de se passer et, bien reçu lui-même par l'officier annamite qui commandait à Pôthisath, il s'achemina sous bonne escorte, qui paraissait d'honneur, vers Phnôm-Pénh, il y fut d'abord très bien reçu par le général annamite ong Tuong Kun et la population qui voyait la délivrance en lui, l'acclama mais, la nuit venue, le général mécontent de la manière dont le peuple avait reçu le prince le fit enfermer dans une cage de fer et, le matin, le dirigea sur Huê (1840).
Quant aux mandarins de Battâmbâng, plusieurs furent mis à mort sans aucune forme de procès, et les autres furent dirigés sur Huê où on les interna. »
Ainsi parmi les prisonniers politiques des Annamites, il y avait la fille aînée de la première femme d’Ang Doung, la Princesse Mom et les deux enfants de Ang Em : Prince Bhumarin, et sa sœur Princesse Thnamvong.
Finalement devant la lutte acharnée du peuple cambodgien, la cour de Huê est obligée de retirer ses troupes du Cambodge et :
« Le traité fut ratifié quelques semaines après par les gouvernements de Siam et d'Annam et l'échange des prisonniers eut lieu en juin 1846. Le glaive sacré, tombé aux mains des Annamites, fut rapporté à Phnôm-Pénh et remis au prince Ang-Duong qui le fit déposer à Oudong dans un pavillon spécial. » Leclère, page 262.
Lê Than Khoi reconnaît la défaite des armées de la cour de Huê en ces termes :
« Le Cambodge ne resta pas en paix. Des troubles civils y ramenèrent Siamois et Vietnamiens appelés par l’un ou l’autre des princes khmers qui s’affrontaient. Pour prix de leur « aide », les Siamois occupèrent en 1814 des provinces de Tonlé Repou, Stung Treng et Mlu Prey, tandis que Minh-mang, en 1834, chercha même à annexer le pays. Il en fit la province de Trân-tây thang, divisé, divisé en 32 phu et 2 huyên. La politique d’assimilation commença aussitôt : nomination des fonctionnaires civils et militaires, ouverture d’écoles vietnamiennes, contrôle du commerce, cadastre des terres, levée d’impôts sur les inscrits, les rizières, les barques et les produits locaux. Mais les abus auxquels se livrèrent les mandarins (vietnamiens) dressèrent le Cambodge contre l’envahisseur. Le frère d’Ang Chan, Ang Duong (Ong Dôn) prit la tête de la résistance avec l’aide du Siam, et mena une dure guérilla. Après la mort de Minh-mang, Thiêu-tri, renonçant au Trân-tây thang, retira ses troupes (1841). Cette brève d’annexion du Cambodge, coûteuse en hommes et en matériel, se soldait ainsi par un échec. Mais la décision de Thiêu-tri était sage. »
Dans « Histoire du Vietnam, des origines à 1858 » par Lê Thanh Khôi, Ed. Sudestasie, Paris 1992, page 363.
Durant sa captivité, la Princesse Mom tombe amoureuse de Sao, un intellectuel résistant et emprisonné, comme elle, par les Annamites. Ils se marient après leur libération. Sao deviendra Kralahom (Ministre de la Marine). De ce mariage est née une fille : Samphat ou Sambath qui se mariera avec le Prince Norodom Hassakan, parents de la Princesse Norodom Kanvimann mariée au Roi Sisowath Monivong dont une des fille sera la Princesse Sisowath Kossamak qui se mariera avec le Prince Norodom Suramarith dont le fils est le Roi Père Norodom Sihanouk.
Dans son livre « Souvenir doux et amers », ed. Hachette, Paris 1981, page 27, dit que son arrière-grand-mère Madame Pat est d’origine bourgeoise sans indiquer les noms de ses parents.
Il faut aussi noter qu’il y a des intrigues au sein de toutes les familles royales du monde. De nos jours n’y a-t-il pas des intrigues au sein de la plus respectable des familles royales, celle de la Grande Bretagne. En effet le Prince Charles n’est-il pas responsable, au moins moralement de la mort de la Princesse Diana ? Pourquoi n’a-t-il pas imité le geste de son grand-oncle Edouard VIII, maintenant Duc de Windsor, qui a abdiqué pour épouser la femme qu’il aime ? On ne fait pas des enfants à une femme tout en couchant avec sa maîtresse. Heureusement il n’y a aucune puissance étrangère pour exacerber les intrigues au sein de la famille royale anglaise.
Au Cambodge ces intrigues sont naturellement utilisées et exacerbées par le pouvoir colonial. Diviser pour régner. Il faut se rappeler de l'Affaire Norodom Duong Chakr (1861/1862–1897) déporté en Algérie et Norodom Aruna Yukanthor (1860–1934) exilé en Thailande. Norodom a cru, par l’intermédiaire de son fils Aruna Yukanthor, pouvoir utiliser la pesse française en France pour pouvoir desserrer l’emprise coloniale qui voulait vietnamiser le Cambodge. Nous reviendrons sur cette question lors de l’évocation de l’Insurrection Nationale de 1885–1886, à la suite de la signature imposée du traité de 1884.
« « Ménager les susceptibilités nationales », l’idée est nouvelle et l’insurrection a mis en échec non seulement les réformes, momentanément, mais aussi durablement, les volontés d’annexion qui se profilaient derrière celles-là. Le Cambodge y a sauvé son existence face à la Cochinchine française. »
Mais la vietnamisation du Cambodge n’en est pas moins arrêtée, mais moins ouvertement, comme cela se fait en Cochinchine. Nous reviendrons sur la vietnamisation de la Cochinchine plus tard.
Les intrigues du pouvoir colonial se poursuivront plus tard au sein du Parti Démocrate. D’autre part après la Deuxième Guerre Mondiale, la situation sociale, économique et culturelle du peuple cambodgien s’y prête aussi. Pour avoir une idée de cette situation, il faudrait lire : « La Communauté Vietnamienne du Cambodge à l’Epoque du Protectorat Français (1863–1953) », par Khy Phanra, thèse à l’Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III, 1974, après les événements de 1970. Il faut noter que cette thèse a été soutenue à Paris avec un jury français. Le contenu est donc un maximum acceptable par les professeurs français. Il est regrettable que l’auteur refuse toujours de l’imprimer. Nous souhaitons qu’il accepte de la faire traduire et imprimer en cambodgien, pour que notre histoire ne soit pas toujours écrite par des étrangers. Nous reviendrons plus en détail sur cette question, quand nous donnerons notre opinion sur certains livres d’Histoire du Cambodge, écrits par des étrangers.
Pendant son séjour en France, le prince Yutévong était membre du Parti Socialiste Français et se liait d’amitié avec Léopold Sédar Senghor, le premier Sénégalais sorti de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé de grammaire, membre de l’Académie française et premier Président du Sénégal indépendant. Avec ce dernier, le Prince Yutévong a écrit un livre (il est souhaitable de retrouver ce livre).
Le prince Yutévong était atteint de la tuberculose osseuse. Il se savait donc condamner. Avant de retourner au Cambodge, il a consulté son médecin qui lui disait que dans le climat du Cambodge, il pourrait vivre encore quatre ou cinq ans.
Durant son travail politique au Cambodge, le représentant français de l’époque (De Raymond) a fait de nombreux rapports au gouvernement français sur son hostilité aux activités politiques du Prince. Il a proposé au Prince de retourner se faire soigner en France. Il a proposé des avantages financiers etc. Devant le refus du prince, dans son dernier rapport, un peu avant la mort de Yutévong, le représentant français de conclure « de toute façon il faut que le prince abandonne ses activités politiques ! » Il est souhaitable qu’un de nos compatriotes bien placés aille consulter les archives du ministère des Affaires étrangères ou du ministère des Colonies français pour retrouver ces rapports pour les faire connaître à nos compatriotes et aussi pour notre histoire. Il faut noter qu’à cette époque, l’armée, la police, l’administration et les hôpitaux étaient entre les mains du pouvoir colonial. L’armée française ne s’était totalement retirée du Cambodge qu’après la signature des Accords de Genève le 20 juillet 1954. Mais toute l’administration coloniale reste en place et l’ancienne puissance coloniale avait le privilège d’instruire et d’organiser l’armée cambodgienne ; l’enseignement universitaire était aussi confié à la France ; un lycée français : le Lycée Descartes où la langue cambodgienne est considérée comme une langue étrangère, était fréquenté par les enfants des hauts dignitaires du royaume. Ce qui fait qu’une grande partie des intellectuels de haut niveau, est pratiquement coupée du peuple ; la langue cambodgienne n’a pas la place qu’elle devait avoir ; des intellectuels de haut niveau en langue nationale ne trouvent pas du travail. Pour comprendre notre histoire après Genève, il faut d’une part étudier à fond la situation sociale, économique, culturelle et linguistique et d’autre part connaître l’évolution des intérêts géostratégiques des grandes puissances et de leurs rapports de forces.
Revenons à la situation au Cambodge. En 1947, la France espérait vaincre la guérilla communiste au Vietnam, la Chine était une puissance proche des Américains.
Notons que durant cette époque, d’autres intellectuels étaient aussi menacés, comme Son Voeunsai par exemple, premier Cambodgien sorti de l’Ecole Centrale et fils du docteur Son, premier Cambodgien Docteur en médecine de France.
Il faut souligner que Yutévong avait choisi comme Secrétaire particulier un des grands intellectuels en langue cambodgienne Nou Hach (1916–1975 ?), auteur du roman classique : « Phkar Srapaune ». D’autres auteurs de renom, participaient aussi à la lutte du Parti Démocrate comme Rim Kin (1911–1959), par exemple. (Dans « Ecrivains et Expressions littéraire du Cambodge au XXè siècle, Contribution à l’histoire de la littérature khmère » par Khing Hoc Dy, volume 2, Ed. L’harmattan, Paris 1993. Ce livre existe maintenant en langue cambodgienne, publié à Phnom Penh.)
L’histoire du Cambodge de cette période
placée dans le contexte de l’histoire mondiale
Pour comprendre notre histoire, il faut la placer dans le contexte de l’histoire du monde. Les Anglais sont les premiers à comprendre que l’histoire du monde a changé après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. L’Inde devient indépendante le 14 août 1947. Mais le vrai changement à l’échelle planétaire est ce qui se passe en Chine, la plus vielle civilisation encore debout avec la population la plus, et de loin, nombreuse du monde. Au début de 1949, les armées de Mao s’approchent irrésistiblement des frontières du Tonkin.
Le pouvoir colonial joue ses dernières cartes :
§ 8 mars 1949 : la France reconnaît l’indépendance du Vietnam.
§ 25 mai 1979 : le Parlement français cède la Cochinchine au Vietnam.
§ 3 juin 1949 : La Cochinchine est rattachée officiellement au Vietnam, pour encourager les Vietnamiens à se battre contre la guérilla communiste.
§ 23 août 1949 : les Pays-Bas octroient l’indépendance aux Etats-Unis d’Indonésie.
§ 8 novembre 1949 : La France accorde une indépendance limitée au Cambodge.
§ 23 novembre 1949 : Arrivée à Saigon d’une mission militaire américaine.
§ 15 décembre 1949 les armées de Mao arrivent aux frontières du Tonkin, rendant la guérilla communiste invincible.
§ 30 décembre 1949 : La France transmet, en principe, ses pouvoirs au Vietnam dont Bao Dai est le chef d’Etat.
Ce qui a motivé cette accélération des événements c’est la victoire totale annoncée de Mao et sa Proclamation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949, contre la volonté de Staline. Il faut se souvenir que l’ambassadeur soviétique suivait les armées du Chang Kai-Chek, alors que l’ambassadeur américain restait à Nankin et était reçu par Zhou Enlai à titre privé. Il faut connaître les raisons du comportement de Staline.
Pour couper toute possibilité à la Chine d’avoir des relations avec les Etats-Unis, Staline pousse la Corée du Nord à envahir la Corée du Sud. Les Etats-Unis sont obligés d’intervenir. La flotte des Etats-Unis empêche toute relation extérieure de la Chine sur sa façade Est, à l’exception de Hong Kong. (« Mao, a life » de Philip Short, Ed. A John Macrae Book, 2001). 19 octobre 1950 les troupes américaines arrivent aux frontières chinoises. Le 26 novembre 1950 les troupes chinoises détruisent une division américaine, arrivent jusqu’au Sud du 38è parallèle le 26 décembre 1950 et reprennent Séoul le 21 janvier 1951. Puis le front finit par se stabiliser aux environs du 38è parallèle. Le cesser le feu proclamé le 27 novembre 1952. 27 juillet 1953 signature de l’Armistice à Pan Mun Jom entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Cette première confrontation directe entre les armées chinoises et américaines se solde donc par un match nul. Cette confrontation directe entre ces deux armées est la seule jusqu’à présent. Par la suite les Etats-Unis feront tout pour éviter une seconde confrontation.
Le 18 janvier 1950 la Chine reconnaît la République Démocratique du Vietnam. Le 31 janvier 1950 l’URSS fait de même. A partir de cette date, le corps expéditionnaire français ne peut plus vaincre, il ne peut donc que perdre.
En effet la Chine communiste reconnaît le gouvernement de la République Démocratique du Vietnam. A partir de cette date, les troupes communistes vietnamiennes pouvaient s’entraîner et s’armer en Chine par des spécialistes chinois. Il y a des généraux chinois au sein de l’état-major de Giap. Rappelons qu’à la deuxième moitié du XVIII siècle, les armées du futur Gia Long sont entraînées et armées par des volontaires français de Monseigneur Pigneau de Behaine pour vaincre les armées des Tay Son (« Histoire de l’Indochine, la Perle de l’Empire, 1624 – 1954 » de Philippe Héduy, Ed. Albin Michel, Paris 1998, noter la date de 1624 et lire en particulier de la page 66 à 109. C’était cette armée qui venait occuper le Cambodge en 1835. Les Cambodgiens utilisaient principalement les armes blanches pour libérer notre pays de cette première occupation vietnamienne.
Rappelons que ce sont les généraux chinois qui ont décidé l’attaque de Dien Bien Phu. Les Chinois ont assuré la logistique et aussi indiqué les manières de cacher les canons pour les rendre invulnérables à l’aviation française.
Après, le corps expéditionnaire américain subira le même sort, pour la même raison. En refusant de franchir le 17è parallèle et à couper géographiquement la piste Ho Chin Minh au Laos, les Américains ne peuvent pas vaincre la guérilla communiste. Ils ne peuvent donc que perdre. Car franchir le 17è parallèle c’est se battre à nouveau contre l’armée chinoise comme en Corée. Cette fois-ci avec la guérilla communiste sur le dos.
Conclusion
Nous avons, pour écrire notre histoire, à notre disposition, beaucoup de livres écrits par des étrangers et aussi quelques livres écrits par nos compatriotes. Les étrangers ont l’avantage de pouvoir consulter des documents qui nous sont inaccessibles. Il y a donc des informations intéressantes. Ecrire l’histoire de notre pays ressemble à assembler un puzzle avec des pièces fournies par ces livres et documents. Mais à la différence d’un vrai puzzle où toutes les pièces sont utiles, pour écrire notre histoire il y a un grand nombre de pièces en surnombre inutilisable. Il faut les trier. Mais comment les trier ? Il faut donc apprendre à le faire en étudiant comment les autres historiens écrivent l’histoire de leur pays respectif, en particulier en plaçant l’histoire de chaque pays dans le contexte de l’histoire mondiale. D’autre part un autre critère provient de la réponse à la question que vient de se poser un des internautes : « Qu’est qu’une Nation ? »
Khemara Jati
Une Biographie du Prince Yutévong et quelques aspects de notre histoire
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 7 janvier 2008
Nous publions ci-dessous une biographie du prince Sisowath (Ang Eng) Yutévong. Tout d’abord il faut noter que le prince (et non princesse) Chakaravuth, frère aîné du prince Yutévong était le premier Cambodgien à entrer à l’Ecole Nationale des Ponts et Chassées, mais il était décédé peu après de tuberculose. Nous souhaitons qu’un Cambodgien de Paris aille vérifier cette information à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et connaître la date exacte de son entrée dans cette Ecole.
Au sujet des noms : avant le pouvoir colonial, il n’y avait pas d’état civil. Les Cambodgiens n’avaient qu’un seul nom. Ainsi il est impossible de remonter la généalogie familiale avant l’établissement de l’état civil. François Ponchaud semble ignorer cette impossibilité dans son dernier livre intitulé « Une brève histoire du Cambodge » en 86 pages. Donc Yutévong est descendant de Ang Eng comme Ang Duong, Norodom et Sisowath. S’il y avait un état civil, tous devraient porter le nom d’Ang Eng. Donc choisir le nom de Norodom ou de Sisowath est un choix imposé par le pouvoir colonial. En ce qui concerne le mariage entre frère et sœur des grands-parents de Yutévong, il faut connaître l’histoire pénible et peu glorieuse de Ang Em durant la première occupation vietnamienne, relatée plus loin. C’est pourquoi les enfants de Ang Em, préfèrent ne pas trop parler de leur père. Ce mariage entre frère et sœur était-il aussi motivé par une certaine hostilité envers leur père Ang Em ?
D’autre il y a l’histoire d’Œdipe qui a épousé sa mère par ignorance et ce qui en suit. Cette histoire est portée au théâtre par Sophocle dans Antigone et Œdipe à Colonne, cette dernière pièce écrite à 90 ans, peu avant sa mort, une sorte de testament. Si Sophocle écrit ces pièces c’est que le problème de telles relations amoureuses, est courant en Grèce à cette époque. Il faut noter aussi que le mot inceste n’a été utilisé pour la première fois que depuis 1130 (dictionnaire le Petit Robert). Il faut noter qu’en Egypte des Pharaons, épouser sa fille, c’est normal. Le plus grand des Pharaons, Ramsès II, XVè siècle av. J. C., durant son long règne, a épousé un certain nombre de ses filles. De nos jours, ces relations incestueuses ne sont-elles pas courantes, mais non connues ? Pourquoi une loi pour interdire l’utilisation des testes ADN pour connaître la filiation ? Pourquoi accentuer nos faiblesses selon des critères qui ne sont pas les nôtres ? Il faut noter aussi que, pour les civilisations grecque et romaine, l’homosexualité est normale. Socrate et Platon par exemple sont des hétérosexuels. Le grand empereur Romain : Hadrien était homosexuel. Maintenant l’Occident est en train de revenir à tolérer cette pratique.
Il faut savoir que les concepts d’inceste et d’homosexualité ont été inventés par l’église chrétienne. Au moyen âge l’inceste va jusqu’aux cousins issus de germain et même plus loin.
Au sujet des ascendants de Yutévong. Ang Eng a deux enfants mâles Ang Em et Ang Duong. A cette époque il n’y avait pas d’Etat Civil qui ne sera établi que par le pouvoir colonial. Il faut aussi considérer le contexte historique qu’a dû subir la famille royale cambodgienne. La division entre Norodom et Sisowath qui sont des frères et qui devraient porter le même nom de famille, est la conséquence de la politique coloniale consistant à diviser pour reignier.
Nous citons ci-dessous un extrait d’Histoire du Cambodge par Adhémard Leclère pages 455 et 456, ce livre est traduit en cambodgien et publié au Cambodge, pour connaître certains aspects de l’histoire des arrière-grands-parents de Yutévong, celle de la famille du Prince Ang Em :
« Le général annamite ong Tuong Kun comprit que tout ce qu'il y avait encore d'énergie latente au Cambodge, d'éléments capables de révolte contre la domination des Yuons reposait en cette famille royale. Il résolut de la faire disparaître en jetant la division entre les deux princes frères, jusqu'alors toujours d'accord, puis en profitant des évènements qui ne manqueraient pas de naître de cette division, pour les détruire s'ils ne se détruisaient pas eux-mêmes.
Il fit porter à l'obaréach Ang-Êm par un Annamite déguisé en Cambodgien, Pakhva, une lettre disant qu'il n'était venu au Cambodge que pour pacifier le royaume, qu'il n'avait poussé à l'élection de la princesse Ang-Mey que parce qu'elle ne pouvait être qu'un "roi" provisoire, seulement en attendant qu'un prince cambodgien fût en état de régner, enfin qu'il était tout disposé à l'aider à monter sur le trône, mais qu'il avait un compétiteur dans son frère Ang-Duong qui déjà conspirait.
L'obaréach crut à ce retour de la fortune, mais comme on lui signalait un rival en son frère cadet que le peuple cambodgien lui préférait, il l'accusa à son tour, par lettre adressée au roi de Bângkok, de conspirer contre les intérêts siamois au Cambodge. Le roi de Siam envoya chercher le prince Ang-Duong par deux dignitaires qui le ramenèrent à Bângkok et défense lui fut faite de retourner à Mongkol-borey.
Débarrassé de son frère, l'obaréach se rendit à Pôthisath avec sa famille, les enfants de Ang-Duong, qu'il gardait comme otages et plusieurs mandarins cambodgiens arrêtés à Battâmbâng et trouvés trop énergiques pour pouvoir être laissés derrière lui. Le général annamite qui commandait la place fit saisir tout ce monde dès son arrivée et l'envoya à Phnôm-Pénh. L'obaréach Amg-Êm ne comprit pas ce qui venait de se passer et, bien reçu lui-même par l'officier annamite qui commandait à Pôthisath, il s'achemina sous bonne escorte, qui paraissait d'honneur, vers Phnôm-Pénh, il y fut d'abord très bien reçu par le général annamite ong Tuong Kun et la population qui voyait la délivrance en lui, l'acclama mais, la nuit venue, le général mécontent de la manière dont le peuple avait reçu le prince le fit enfermer dans une cage de fer et, le matin, le dirigea sur Huê (1840).
Quant aux mandarins de Battâmbâng, plusieurs furent mis à mort sans aucune forme de procès, et les autres furent dirigés sur Huê où on les interna. »
Ainsi parmi les prisonniers politiques des Annamites, il y avait la fille aînée de la première femme d’Ang Doung, la Princesse Mom et les deux enfants de Ang Em : Prince Bhumarin, et sa sœur Princesse Thnamvong.
Finalement devant la lutte acharnée du peuple cambodgien, la cour de Huê est obligée de retirer ses troupes du Cambodge et :
« Le traité fut ratifié quelques semaines après par les gouvernements de Siam et d'Annam et l'échange des prisonniers eut lieu en juin 1846. Le glaive sacré, tombé aux mains des Annamites, fut rapporté à Phnôm-Pénh et remis au prince Ang-Duong qui le fit déposer à Oudong dans un pavillon spécial. » Leclère, page 262.
Lê Than Khoi reconnaît la défaite des armées de la cour de Huê en ces termes :
« Le Cambodge ne resta pas en paix. Des troubles civils y ramenèrent Siamois et Vietnamiens appelés par l’un ou l’autre des princes khmers qui s’affrontaient. Pour prix de leur « aide », les Siamois occupèrent en 1814 des provinces de Tonlé Repou, Stung Treng et Mlu Prey, tandis que Minh-mang, en 1834, chercha même à annexer le pays. Il en fit la province de Trân-tây thang, divisé, divisé en 32 phu et 2 huyên. La politique d’assimilation commença aussitôt : nomination des fonctionnaires civils et militaires, ouverture d’écoles vietnamiennes, contrôle du commerce, cadastre des terres, levée d’impôts sur les inscrits, les rizières, les barques et les produits locaux. Mais les abus auxquels se livrèrent les mandarins (vietnamiens) dressèrent le Cambodge contre l’envahisseur. Le frère d’Ang Chan, Ang Duong (Ong Dôn) prit la tête de la résistance avec l’aide du Siam, et mena une dure guérilla. Après la mort de Minh-mang, Thiêu-tri, renonçant au Trân-tây thang, retira ses troupes (1841). Cette brève d’annexion du Cambodge, coûteuse en hommes et en matériel, se soldait ainsi par un échec. Mais la décision de Thiêu-tri était sage. »
Dans « Histoire du Vietnam, des origines à 1858 » par Lê Thanh Khôi, Ed. Sudestasie, Paris 1992, page 363.
Durant sa captivité, la Princesse Mom tombe amoureuse de Sao, un intellectuel résistant et emprisonné, comme elle, par les Annamites. Ils se marient après leur libération. Sao deviendra Kralahom (Ministre de la Marine). De ce mariage est née une fille : Samphat ou Sambath qui se mariera avec le Prince Norodom Hassakan, parents de la Princesse Norodom Kanvimann mariée au Roi Sisowath Monivong dont une des fille sera la Princesse Sisowath Kossamak qui se mariera avec le Prince Norodom Suramarith dont le fils est le Roi Père Norodom Sihanouk.
Dans son livre « Souvenir doux et amers », ed. Hachette, Paris 1981, page 27, dit que son arrière-grand-mère Madame Pat est d’origine bourgeoise sans indiquer les noms de ses parents.
Il faut aussi noter qu’il y a des intrigues au sein de toutes les familles royales du monde. De nos jours n’y a-t-il pas des intrigues au sein de la plus respectable des familles royales, celle de la Grande Bretagne. En effet le Prince Charles n’est-il pas responsable, au moins moralement de la mort de la Princesse Diana ? Pourquoi n’a-t-il pas imité le geste de son grand-oncle Edouard VIII, maintenant Duc de Windsor, qui a abdiqué pour épouser la femme qu’il aime ? On ne fait pas des enfants à une femme tout en couchant avec sa maîtresse. Heureusement il n’y a aucune puissance étrangère pour exacerber les intrigues au sein de la famille royale anglaise.
Au Cambodge ces intrigues sont naturellement utilisées et exacerbées par le pouvoir colonial. Diviser pour régner. Il faut se rappeler de l'Affaire Norodom Duong Chakr (1861/1862–1897) déporté en Algérie et Norodom Aruna Yukanthor (1860–1934) exilé en Thailande. Norodom a cru, par l’intermédiaire de son fils Aruna Yukanthor, pouvoir utiliser la pesse française en France pour pouvoir desserrer l’emprise coloniale qui voulait vietnamiser le Cambodge. Nous reviendrons sur cette question lors de l’évocation de l’Insurrection Nationale de 1885–1886, à la suite de la signature imposée du traité de 1884.
« « Ménager les susceptibilités nationales », l’idée est nouvelle et l’insurrection a mis en échec non seulement les réformes, momentanément, mais aussi durablement, les volontés d’annexion qui se profilaient derrière celles-là. Le Cambodge y a sauvé son existence face à la Cochinchine française. »
Mais la vietnamisation du Cambodge n’en est pas moins arrêtée, mais moins ouvertement, comme cela se fait en Cochinchine. Nous reviendrons sur la vietnamisation de la Cochinchine plus tard.
Les intrigues du pouvoir colonial se poursuivront plus tard au sein du Parti Démocrate. D’autre part après la Deuxième Guerre Mondiale, la situation sociale, économique et culturelle du peuple cambodgien s’y prête aussi. Pour avoir une idée de cette situation, il faudrait lire : « La Communauté Vietnamienne du Cambodge à l’Epoque du Protectorat Français (1863–1953) », par Khy Phanra, thèse à l’Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III, 1974, après les événements de 1970. Il faut noter que cette thèse a été soutenue à Paris avec un jury français. Le contenu est donc un maximum acceptable par les professeurs français. Il est regrettable que l’auteur refuse toujours de l’imprimer. Nous souhaitons qu’il accepte de la faire traduire et imprimer en cambodgien, pour que notre histoire ne soit pas toujours écrite par des étrangers. Nous reviendrons plus en détail sur cette question, quand nous donnerons notre opinion sur certains livres d’Histoire du Cambodge, écrits par des étrangers.
Pendant son séjour en France, le prince Yutévong était membre du Parti Socialiste Français et se liait d’amitié avec Léopold Sédar Senghor, le premier Sénégalais sorti de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé de grammaire, membre de l’Académie française et premier Président du Sénégal indépendant. Avec ce dernier, le Prince Yutévong a écrit un livre (il est souhaitable de retrouver ce livre).
Le prince Yutévong était atteint de la tuberculose osseuse. Il se savait donc condamner. Avant de retourner au Cambodge, il a consulté son médecin qui lui disait que dans le climat du Cambodge, il pourrait vivre encore quatre ou cinq ans.
Durant son travail politique au Cambodge, le représentant français de l’époque (De Raymond) a fait de nombreux rapports au gouvernement français sur son hostilité aux activités politiques du Prince. Il a proposé au Prince de retourner se faire soigner en France. Il a proposé des avantages financiers etc. Devant le refus du prince, dans son dernier rapport, un peu avant la mort de Yutévong, le représentant français de conclure « de toute façon il faut que le prince abandonne ses activités politiques ! » Il est souhaitable qu’un de nos compatriotes bien placés aille consulter les archives du ministère des Affaires étrangères ou du ministère des Colonies français pour retrouver ces rapports pour les faire connaître à nos compatriotes et aussi pour notre histoire. Il faut noter qu’à cette époque, l’armée, la police, l’administration et les hôpitaux étaient entre les mains du pouvoir colonial. L’armée française ne s’était totalement retirée du Cambodge qu’après la signature des Accords de Genève le 20 juillet 1954. Mais toute l’administration coloniale reste en place et l’ancienne puissance coloniale avait le privilège d’instruire et d’organiser l’armée cambodgienne ; l’enseignement universitaire était aussi confié à la France ; un lycée français : le Lycée Descartes où la langue cambodgienne est considérée comme une langue étrangère, était fréquenté par les enfants des hauts dignitaires du royaume. Ce qui fait qu’une grande partie des intellectuels de haut niveau, est pratiquement coupée du peuple ; la langue cambodgienne n’a pas la place qu’elle devait avoir ; des intellectuels de haut niveau en langue nationale ne trouvent pas du travail. Pour comprendre notre histoire après Genève, il faut d’une part étudier à fond la situation sociale, économique, culturelle et linguistique et d’autre part connaître l’évolution des intérêts géostratégiques des grandes puissances et de leurs rapports de forces.
Revenons à la situation au Cambodge. En 1947, la France espérait vaincre la guérilla communiste au Vietnam, la Chine était une puissance proche des Américains.
Notons que durant cette époque, d’autres intellectuels étaient aussi menacés, comme Son Voeunsai par exemple, premier Cambodgien sorti de l’Ecole Centrale et fils du docteur Son, premier Cambodgien Docteur en médecine de France.
Il faut souligner que Yutévong avait choisi comme Secrétaire particulier un des grands intellectuels en langue cambodgienne Nou Hach (1916–1975 ?), auteur du roman classique : « Phkar Srapaune ». D’autres auteurs de renom, participaient aussi à la lutte du Parti Démocrate comme Rim Kin (1911–1959), par exemple. (Dans « Ecrivains et Expressions littéraire du Cambodge au XXè siècle, Contribution à l’histoire de la littérature khmère » par Khing Hoc Dy, volume 2, Ed. L’harmattan, Paris 1993. Ce livre existe maintenant en langue cambodgienne, publié à Phnom Penh.)
L’histoire du Cambodge de cette période
placée dans le contexte de l’histoire mondiale
Pour comprendre notre histoire, il faut la placer dans le contexte de l’histoire du monde. Les Anglais sont les premiers à comprendre que l’histoire du monde a changé après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. L’Inde devient indépendante le 14 août 1947. Mais le vrai changement à l’échelle planétaire est ce qui se passe en Chine, la plus vielle civilisation encore debout avec la population la plus, et de loin, nombreuse du monde. Au début de 1949, les armées de Mao s’approchent irrésistiblement des frontières du Tonkin.
Le pouvoir colonial joue ses dernières cartes :
§ 8 mars 1949 : la France reconnaît l’indépendance du Vietnam.
§ 25 mai 1979 : le Parlement français cède la Cochinchine au Vietnam.
§ 3 juin 1949 : La Cochinchine est rattachée officiellement au Vietnam, pour encourager les Vietnamiens à se battre contre la guérilla communiste.
§ 23 août 1949 : les Pays-Bas octroient l’indépendance aux Etats-Unis d’Indonésie.
§ 8 novembre 1949 : La France accorde une indépendance limitée au Cambodge.
§ 23 novembre 1949 : Arrivée à Saigon d’une mission militaire américaine.
§ 15 décembre 1949 les armées de Mao arrivent aux frontières du Tonkin, rendant la guérilla communiste invincible.
§ 30 décembre 1949 : La France transmet, en principe, ses pouvoirs au Vietnam dont Bao Dai est le chef d’Etat.
Ce qui a motivé cette accélération des événements c’est la victoire totale annoncée de Mao et sa Proclamation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949, contre la volonté de Staline. Il faut se souvenir que l’ambassadeur soviétique suivait les armées du Chang Kai-Chek, alors que l’ambassadeur américain restait à Nankin et était reçu par Zhou Enlai à titre privé. Il faut connaître les raisons du comportement de Staline.
Pour couper toute possibilité à la Chine d’avoir des relations avec les Etats-Unis, Staline pousse la Corée du Nord à envahir la Corée du Sud. Les Etats-Unis sont obligés d’intervenir. La flotte des Etats-Unis empêche toute relation extérieure de la Chine sur sa façade Est, à l’exception de Hong Kong. (« Mao, a life » de Philip Short, Ed. A John Macrae Book, 2001). 19 octobre 1950 les troupes américaines arrivent aux frontières chinoises. Le 26 novembre 1950 les troupes chinoises détruisent une division américaine, arrivent jusqu’au Sud du 38è parallèle le 26 décembre 1950 et reprennent Séoul le 21 janvier 1951. Puis le front finit par se stabiliser aux environs du 38è parallèle. Le cesser le feu proclamé le 27 novembre 1952. 27 juillet 1953 signature de l’Armistice à Pan Mun Jom entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Cette première confrontation directe entre les armées chinoises et américaines se solde donc par un match nul. Cette confrontation directe entre ces deux armées est la seule jusqu’à présent. Par la suite les Etats-Unis feront tout pour éviter une seconde confrontation.
Le 18 janvier 1950 la Chine reconnaît la République Démocratique du Vietnam. Le 31 janvier 1950 l’URSS fait de même. A partir de cette date, le corps expéditionnaire français ne peut plus vaincre, il ne peut donc que perdre.
En effet la Chine communiste reconnaît le gouvernement de la République Démocratique du Vietnam. A partir de cette date, les troupes communistes vietnamiennes pouvaient s’entraîner et s’armer en Chine par des spécialistes chinois. Il y a des généraux chinois au sein de l’état-major de Giap. Rappelons qu’à la deuxième moitié du XVIII siècle, les armées du futur Gia Long sont entraînées et armées par des volontaires français de Monseigneur Pigneau de Behaine pour vaincre les armées des Tay Son (« Histoire de l’Indochine, la Perle de l’Empire, 1624 – 1954 » de Philippe Héduy, Ed. Albin Michel, Paris 1998, noter la date de 1624 et lire en particulier de la page 66 à 109. C’était cette armée qui venait occuper le Cambodge en 1835. Les Cambodgiens utilisaient principalement les armes blanches pour libérer notre pays de cette première occupation vietnamienne.
Rappelons que ce sont les généraux chinois qui ont décidé l’attaque de Dien Bien Phu. Les Chinois ont assuré la logistique et aussi indiqué les manières de cacher les canons pour les rendre invulnérables à l’aviation française.
Après, le corps expéditionnaire américain subira le même sort, pour la même raison. En refusant de franchir le 17è parallèle et à couper géographiquement la piste Ho Chin Minh au Laos, les Américains ne peuvent pas vaincre la guérilla communiste. Ils ne peuvent donc que perdre. Car franchir le 17è parallèle c’est se battre à nouveau contre l’armée chinoise comme en Corée. Cette fois-ci avec la guérilla communiste sur le dos.
Conclusion
Nous avons, pour écrire notre histoire, à notre disposition, beaucoup de livres écrits par des étrangers et aussi quelques livres écrits par nos compatriotes. Les étrangers ont l’avantage de pouvoir consulter des documents qui nous sont inaccessibles. Il y a donc des informations intéressantes. Ecrire l’histoire de notre pays ressemble à assembler un puzzle avec des pièces fournies par ces livres et documents. Mais à la différence d’un vrai puzzle où toutes les pièces sont utiles, pour écrire notre histoire il y a un grand nombre de pièces en surnombre inutilisable. Il faut les trier. Mais comment les trier ? Il faut donc apprendre à le faire en étudiant comment les autres historiens écrivent l’histoire de leur pays respectif, en particulier en plaçant l’histoire de chaque pays dans le contexte de l’histoire mondiale. D’autre part un autre critère provient de la réponse à la question que vient de se poser un des internautes : « Qu’est qu’une Nation ? »
Khemara Jati
0 commentaires:
Publier un commentaire
S'abonner à Publier des commentaires [Atom]
<< Accueil