2007-12-25

Le Cambodge et Noël

Nouvelle du Cambodge N° 0750-F

Le Cambodge et Noël

Khemara Jati
Montréal, Québec
le 23 décembre 2007

Maintenant la culture aussi est mondialisée. Le calendrier chrétien est adopté universellement. Noël est maintenant célébré un peu partout dans le monde. Noël est la fête de la naissance de Jésus Christ. Depuis la plus haute antiquité le jour du solstice d’hivers, vers le 21 décembre est considéré comme la renaissance du soleil qui semble reprendre ses forces avec les jours qui s’allongent. Les monuments mégalithiques en Angleterre comme Stonehenge (3 500 ans avant J.C.) et en Irlande comme Newgrange (3 500 ans avant J.C.) ou en Egypte Abou Simbel (1 500 ans Avant J.C.) sont construits de telle sorte qu’au moment du solstice d’hivers, les rayons du soleil traverse un certain alignement.

Ainsi depuis la plus haute antiquité les hommes tenaient à marquer ce jour où les jours recommencent à s’allonger. Les hommes fêtaient ce jour là le renouveau de la nature et une saison nouvelle pour l’agriculture. C’était donc une fête païenne d’origine orientale. Constantin, le premier empereur romain chrétien, fit adopter par le pape Libère en l’an 354, le 25 décembre comme date de naissance du Christ. Il donne à cette fête le nom de « Naissance (en latin : natale) du soleil » car, comme nous l’avons vu, celui-ci semble reprendre vie et les jours s’allongent de nouveau. C’est aussi une période où il n’y a plus de travaux dans les champs.

A Rome, l’Eglise a adopté cette coutume très populaire qui venait de s’imposer dans le calendrier civil en lui donnant un sens nouveau : celui de Natale du Sauveur. La bible désigne le Christ comme le « Soleil de Justice » et comme « La Lumière du Monde ». Noël est un mot dérivé de Natale. Notons que les Corses continuent à appeler Noël, Natale. En choisissant ce jour du 25 décembre, Constantin fait coïncider le même jour la fête religieuse et païenne, pour permettre tout le peuple de se réjouir en même temps

Depuis la nuit des temps au Nord de l’Europe, le patriarche de la communauté distribuait ce jour là des cadeaux aux enfants sages et des punitions aux enfants méchants. Le sapin était considéré comme une source de vie qui résiste aux froids de l’hiver. Le Père Noël a été inventé par un Américain en 1868 et dessiné par Thomas Nast pour Harper’s Magazine. Il est habillé en vert ou en rouge ? C’est Coca Cola qui a transformé en rouge et blanc adopté universellement de nos jours.

Hier le 22 décembre, quelques Cambodgiens de Montréal en profitent pour fêter Noël avec un Cambodgien, que nous désignons sous le nom de Sok, venant du Cambodge. Au cours de ce réveillon, nous avons demandé à notre compatriote de passage de répondre aux questions que nous avons posées au Parti Sam Rainsy, reproduites ci-dessous :

1/. Maintenant la ville de Siem Reap et une grande partie de nos provinces de l’Ouest utilise l’électricité venue de Thailande. Ainsi nos provinces de l’Ouest sont déjà dépendantes en énergie électrique de la Thailande. La Thailande ne possède-t-elle pas déjà un énorme moyen de pression sur le Cambodge ? Un pays dépendant en énergie électrique d’un pays étranger, peut-il être indépendant ? Existe-t-il dans le monde un pays développé donc indépendants politiques, dans ce cas ?

2/. La Banque Mondiale finance la construction des lignes électriques à haute tension en provenance du Vietnam pour alimenter en électricité nos provinces du Nord-Est et de l’Est en électricité. Dans ces conditions le Cambodge peut-il être indépendant du Vietnam ?

3/. Les Vietnamiens vont construire deux centrales hydroélectriques dans nos provinces du Nord-Est. N’est-il pas une autre dépendance insupportable vis à vis de notre voisin de l’Est ?

4/. Le Japon est en train d’aider le Vietnam à construire des autoroutes reliant nos provinces du Nord-Est à un port vietnamien de l’Est pour écouler nos richesses de cette région par un port vietnamien. Est-ce dans les intérêts nationaux cambodgiens ?

5/. Les USA envisagent de construire une autoroute avec trois voies dans chaque sens entre Prey Nokor et Phnom Penh, alors que nous avons besoin d’une telle autoroute entre Phnom Penh et Sihanoukville. Pourquoi cette nouvelle facilité aux colons vietnamiens accordée aux colons vietnamiens de venir encore plus nombreux au Cambodge ?

6/. Toutes ces constructions sont et seront faits avec des ingénieurs, techniciens et autres à 100 % non Cambodgiens. Cela n’explique-il pas que 300 000 diplômés cambodgiens sont toujours au chômage ?


Réponses :

Maintenant, avec la menace de couper l’électricité à Siem Reap Ville, la Thailande peut imposer sa volonté sur tout l’Ouest du Cambodge. Ainsi tout l’Ouest de notre pays est déjà soumis aux volontés de Bangkok. Par exemple, la Thailande s’oppose à la construction d’une bonne route pour permettre l’exploitation touristique de Preah Vihear à partir du côté cambodgien. Cette route est maintenant toujours peu praticable, malgré les promesses de Hun Sen. Il faut se rappeler que c’est la construction de cette route qui a valu à Chea Sophara de perdre son poste. Comme conséquence Preah Vihear se trouve déjà pratiquement en territoire thaï.

Toute notre province de Koh Kong y comprises nos îles côtières et au large, une grande partie de notre province de Battambang et la partie Ouest de notre province de Pursat situé à l’Ouest de la ville de Pursat sont déjà, en grande partie, intégrés économiquement et culturellement à la Thailande. Beaucoup de familles qui ont les moyens envoient leurs enfants faire leurs études en Thailande et apprennent la langue thaïe. Bientôt, avec la construction du chemin de fer Poipet – Sisophon, l’intégration de cette région à la Thailande sera encore plus forte. Alors, peut-être, nous aurons une bonne route entre Sisophon et Siem Reap Ville. Déjà à Poipet, Sok nous signale qu’il n’y a nulle part la moindre affiche en caractère cambodgienne. La construction du chemin de fer Battambang – Phnom Penh – Sihanoukville ne sera jamais réalisée.

Au sujet de la situation à l’Est, notre Cambodgien de passage nous dit que la situation est identique qu’à celle de l’Ouest. Le problème est de savoir où sera tracée la frontière entre la Thailande et le Vietnam. Il y a déjà une frontière maritime entre nos deux voisins, signée en août 1997. Il y a aussi des négociations entre le Vietnam et la Thailande pour se partager nos richesses en hydrocarbures. D’après Sok, il n’y aura jamais de raffinerie de pétrole au Cambodge, ni d’usines électriques utilisant notre gaz ou notre pétrole. Ce sont les sociétés vietnamiennes et thaïes qui s’approprieront nos ressources en hydrocarbures, les transformeront en électricité et nous revendront avec de gros bénéfices : bénéfices sur la vente de nos hydrocarbures, bénéfices sur la vente aux Cambodgiens de l’essence et de l’électricité, bénéfices dans l’utilisation de leurs entreprises, de leurs ingénieurs et de leurs techniciens. Les ingénieurs et techniciens cambodgiens formés en langues étrangères et majoritairement de bas niveau restent au chômage, à l’exception de quelques rares exceptions qui réussissent à aller faire leurs études dans des universités étrangères.

Sok nous fait remarquer aussi que notre riz produit à l’Ouest est vendu aux Thaïs et que notre riz à l’Est est vendu au Vietnam. Cette année ce sont deux millions de tonnes de riz cambodgiens vendus à nos deux voisins. Mais le riz cambodgien est destiné à la consommation intérieure chez nos voisins. Car le riz cambodgien est de meilleure qualité que le riz thaï et le riz vietnamien. Mais cela permet à ces deux pays d’exporter deux millions de tonnes de plus de riz thaï et vietnamien. Puis nos voisins nous revendrons des brisures de leurs riz.

Sok nous fait remarquer aussi que nos hommes politiques et les reporters des journaux au Cambodge, ne vont plus aller rendre visite à nos compatriotes à nos frontières, à l’Est comme à l’Ouest. Pourquoi ?

Conclusion :

Il est curieux et impensable que nos hommes politiques ignorent ces aspects de la politique de Hun Sen qui mène à la disparition de notre pays dans peu de temps. Ainsi les Cambodgiens de l’Ouest iront-ils partager le sort de nos frères vivant actuellement en Thailande et connus sous le nom de Cambodgiens de Surin ? Et à l’Est les Cambodgiens iront-ils partager leur sort avec les Cambodgiens du Kampuchea Krom ? Avec comme avenir, leur disparition totale comme les Chams, si les Cambodgiens se contentent de suivre aveuglément nos hommes politiques. Avons-nous déjà oublié la lettre de Sirik Matak ? Le sort des Hmongs ? Le sort de nos sœurs, frères et compatriotes du Kampuchea Krom qui s’étaient battus pour les Français, pour les Américains, pour les communistes vietnamiens et pour les Vietnamiens pro US ? Les intérêts des grandes puissances peuvent changer brusquement virer de 180 degrés. Par exemple les USA et Hanoi se faisaient la guerre, maintenant ils sont amis. Après la victoire de Hanoi, les Hmongs et les Cambodgiens du Kampuchea Krom qui se battaient pour les Américains, se faisaient massacrer par les communistes vietnamiens. Washington ferme les yeux. L’indépendance du Cambodge est-il dans l’intérêt des grandes puissances ?

Heureusement, au Cambodge, comme le montre Sok, nos compatriotes comprennent bien la situation, contrairement à l’aveuglement de nos hommes politiques. Ils savent, par exemple, que le dernier retranchement de notre nation se trouve dans notre culture dont l’écrit est la partie essentielle pour assurer la pérennité.

« Aksar Rolut, Cheat Roleay » est une sentence inoubliable léguée par nos ancêtres.

En terminant nous souhaitons bon courage et détermination à tous ceux qui travaillent dans des conditions très difficiles pour développer et diffuser les livres en notre langue.

Joyeux Noël à tous, avec une pensée particulière par les enfants pauvres cambodgiens qui, au mieux, arrivent à ramasser quelques restes de nourritures jetées par les riches.

Ci-dessous la lettre de Sirik Matak.

(13( ?) avril 1975)
Excellence et cher ami,
Je vous remercie très sincèrement pour votre lettre et pour votre offre de nous conduire vers la liberté. Hélas ! Je ne puis partir d'une manière aussi lâche.
Quant à vous et à votre grand pays, je n'aurais jamais cru un seul instant que vous abandonneriez un peuple qui a choisi la liberté. Vous nous avez refusé votre protection ; nous ne pouvons rien y faire. Vous partez et je souhaite que vous et votre pays trouviez le bonheur sous le ciel.
Mais, notez-le bien, si je meurs ici, dans mon pays que j'aime, tant pis, car nous sommes tous nés et nous devons mourir un jour. Je n'ai commis qu'une erreur, ce fut de vous croire et de croire mes Américains.
Veuillez accepter, Excellence, mon cher ami, mes sentiments loyaux et amicaux.
Sirik Matak.


Publié par Khemara Jati : khemarajati@sympatico.ca
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