Le bouddhisme, la science et l'ethique
Nouvelles du Cambodge N° 0749-F
Le Bouddhisme, la Science et l’Ethique
Khemara Jati
Montréal, Québec
Le 20 décembre 2007
Nous publions ci-dessous un article sur une découverte scientifique très importante concernant la fabrication des cellules souches humaines à partir des cellules de la peau. Avant, les cellules souches se trouvent dans les embryons qu’il faut détruire. Ce qui pose un problème d’éthique. Car la question est de savoir quand commence la vie d’un être humain au point de vue éthique ? Pour le moment, pour satisfaire la liberté sexuelle des femmes, on affirme que la vie humaine commence un certain nombre de semaines après la conception. C’est pour permettre d’avorter légalement. Mais cela ne répond pas à la question posée plus haut, au point de vue conceptuel.
A cette question de savoir à quel moment commence la vie d’un être humain, que répond le bouddhisme ?
1/. Commençons par une histoire vécue.
Avant 1970, un Chauvay Srok (Chef de district), en tournée remarque un magnifique tronc de Beng (ébène) déraciné. Le lendemain il dépêche un tracteur pour le ramener à côté de chez lui. Le soir même il devient gravement malade. Le Hora (sorte de médium) consulté, lui dit que ce tronc de Beng est habité par un Neak Ta (un génie). Il faut donc le remettre en place et pour réparation, il faut faire des offrandes avec prières et repas des bonzes. Le lendemain, guéri, le Chauvay Srok organise comme promis les cérémonies en question. Au cours de la cérémonie, la tradition veut qu’il y ait un « Tès Krè Pi » ou « Tès Krè Bei » (un débat public à deux ou trois bonzes érudits sur le bouddhisme). Dans le cas présent c’est un débat entre deux bonzes érudits assis sur des deux sortes de plates-formes un peu surélevées par rapport à l’assistance. Un des bonzes est très connu pour son érudition.
Une des questions : L’organisation de cette cérémonie expiatoire est-elle conforme aux préceptes bouddhiques ?
Après débat, le bonze connu pour son érudition résume : la réponse est oui. Car le Chauvay Srok a promis d’organiser cette cérémonie, s’il est guéri. En le faisant, il ne fait que tenir sa promesse. Car pour un bouddhique, il n’y a pas de génie, mais il y a le respect de la parole donnée, même à soi-même. Ce qui est un des commandements du bouddhisme dans la vie de tous les jours. C’est une sorte d’éthique de vie
2/. Pour répondre à la question sur les cellules souches, rappelons quelques préceptes fondamentaux du bouddhisme :
A/. Pour le bouddhisme, tout évolue, rien n’est permanent. Cette proposition est maintenant acceptée par tous les scientifiques du monde. Elle se trouve dans toutes les sciences et énoncée pour les êtres vivants par Darwin. Même l’univers, dont la terre, est en constante évolution.
B/. Bouddha, avec les Grecs vers la même époque, ont inventé le raisonnement logique. La différence se trouve dans les domaines d’investigations. Les Grecs, héritiers des civilisations mésopotamiennes et égyptiennes, l’utilisent dans les mathématiques, la physique, la cosmologie et la philosophie. Bouddha l’utilise dans l’introspection et la méditation.
Bouddha plus ou moins explicitement émet les postulats suivants :
a/. Tout évolue, en toute chose la stabilité n’est qu’une apparence, chez l’homme, chez tous les êtres vivants comme également dans la nature elle-même. C’est la réalité de tous les jours, même pour la terre et pour l’univers.
b/. Le postulat de la métempsycose est plus controversé. Il faut rappeler qu’au temps de Bouddha, on ignorait l’existence des êtres vivants invisible à l’œil nu, comme les micro-organismes, les microbes, les virus. En plus Bouddha avait une longue vie et même très longue pour son époque. Ce postulat suppose l’existence de l’âme qui sera généralisée plus ou moins explicitement, dans toutes les autres religions du monde comme le christianisme et l’islam. Bouddha généralise cette notion aux animaux, à tous les êtres vivants, sauf aux plantes. Sans les fruits et légumes, il n’y a plus de nourriture possible.
A partir de ces postulats, Bouddha essaie de convaincre ses disciples. Bouddha n’impose jamais ses idées, mais les fait accepter par le raisonnement, la méditation et l’expérience, comme la souffrance dans la vie par exemple. Bouddha disait que si on voit un jour un homme voler dans les airs, c’est qu’il y a une explication rationnelle de ce fait. Chez Bouddha, il n’y a pas de surnaturel ni de génie tutélaire, ni d’inexplicable.
C/. En quelque sorte Bouddha invente la confrontation démocratique des idées au sein les communautés bouddhiques. Nous souhaitons
§ Que s’organisent, de nouveau, des « Tès Krè Pi » ou « Tès Krè Bei », traditionnels de discussions démocratiques entre deux ou trois bonzes érudits pour diffuser le vrai bouddhisme, avec possibilité des questions posées par l’assistance.
§ A l’image de ces discussions religieuses, il est souhaitable que des séminaires de ce genre se tiennent entre des spécialistes sur certaines périodes de notre histoire. Sujets proposés, non exhaustifs : « Les raisons de la supériorité d’Ayuthia sur Angkor », « Les points forts et les points faibles de la civilisation angkorienne » ou « Les conséquences de l’arrivée des Portugais suivis des autres Européens en Asie », etc.
La démocratie, commence d’abord par la démocratie dans les débats libres et démocratiques dans des séances de « Tès Krè Pi ou Krè Bei » entre bonzes érudits. C’est une véritable leçon de débats démocratiques qui peuvent déboucher sur des séminaires entre historiens et non organisés pour écouter un seul « spécialiste » aussi connu soit-il.
Dans l’histoire relatée ci-dessus, la réponse des érudits du bouddhisme, répond parfaitement aux préceptes de Bouddha : il n’y a ni génie tutélaire, ni autres phénomènes surnaturels, mais il est question de la parole tenue envers soi-même, et aussi envers autrui (nityam). C’est une sorte d’éthique de vie d’un vrai bouddhique.
Mais petit à petit, à cause de l’ignorance, le bouddhisme est devenu, pour beaucoup, une religion abstraite où Bouddha devient un dieu tout puissant comme les autres religions, avec paradis et enfer.
3/. Ainsi pour le bouddhisme tout être vivant commence dès la conception et même avant. Car, pour qu’il y ait naissance, il faut une volonté de l’âme à naître. Donc l’éthique bouddhique rejoint l’éthique chrétienne : l’être humain commence au moins dès la conception. Ainsi l’avortement est un crime, mais il répond aux besoins de la liberté sexuelle des femmes. C’est un problème de société. Il ne relève plus de l’éthique bouddhique.
Il est difficile de répondre à une autre question importante : quand un être humain est-t-il considéré comme mort ? Avec les progrès de la science, on peut maintenir en vie végétative presque indéfiniment un corps, dans certain cas. Certains humains, dans le coma depuis des années, finissent par se réveiller. Avant, la mort c’était l’arrêt du cœur, maintenant, c’est l’arrêt du fonctionnement du cerveau. L’avenir nous réservera-t-il d’autres définitions ? Avec la greffe du cerveau ?
De nos jours, les êtres humains peuvent vivre de plus en plus longtemps tout en restant relativement jeune mentalement et physiquement. L’architecte brésilien, mondialement connu, Oscar Niemeyer, celui qui a construit la capitale nouvelle Brasilia de son pays, vient de fêter ses cent ans le 15 décembre 2007, il mène toujours une vie professionnelle active et continue toujours de construire, notamment en Espagne. Rappelons qu’il y a 2 000 ans, la durée moyenne de vie des Normands était de 35 ans. Ramsès II et Jayavarman VII qui vivaient jusqu’à plus de 90 ans étaient des exceptions qui confirment la règle.
Dans les pays développés, on pense que la moitié des enfants nés actuellement vivront au moins cent ans. Au Cambodge ?
Dans l’avenir, certains scientifiques pensent qu’il est possible d’enfanter dans des utérus artificiels. Comment répondront l’éthique, et les diverses religions ? De toute façon dans un avenir prévisible il n’est pas possible de créer la vie à partir de la matière inerte. Pour élever des enfants dans des utérus artificiels, il faut au moins au départ des cellules venant d’une femme et d’un homme.
Depuis sa naissance, il y a 2 500 ans, il n’y a jamais eu de bouddhistes intégristes. Il faut noter aussi que le bouddhisme gagne du terrain chez les intellectuels en Europe et en Amérique du Nord.
Ci-dessous l’article concernant la possibilité de produire des cellules souches à partir des cellules de la peau et non à partir d’un embryon humain. Ainsi l’éthique est respectée.
Khemara Jati
Annexe :
Avancée scientifique majeure dans les cellules souches
CHICAGO (AFP) 21/11/2007 06:50
Des scientifiques ont obtenu une avancée majeure en réussissant à transformer des cellules de peau humaine en cellules souches, ouvrant la voie à de nouveaux traitements contre le cancer, le diabète ou encore la maladie d'Alzheimer, selon deux études publiées mardi.
Cette découverte simultanée par une équipe japonaise et une équipe américaine permet en outre d'obtenir des cellules souches sans passer par la destruction d'embryons, ce qui permet de contourner le débat éthique sur la question.
La Maison Blanche a salué cette découverte, y voyant le moyen de résoudre des problèmes médicaux « sans compromettre ni le but élevé de la science, ni le caractère sacré de la vie humaine ».
Le Vatican condamne fermement toute manipulation sur l'embryon humain mais encourage la recherche scientifique sur les cellules souches adultes.
Photo fournie par l'université du Wisconsin montrant une clellule de la peau modifiée génétiquement©AFP/University of Wisconsin Junying Yu
La Conférence des évêques des Etats-Unis a estimé mardi que cette nouvelle découverte « nous rappelle une fois de plus que les progrès médicaux et le respect de la vie humaine ne sont pas en conflit. Ils peuvent et doivent se soutenir et s'enrichir mutuellement pour le bien de tous ».
Cela « va complètement changer le champ » des recherches, estime James Thomson, l'auteur de l'étude américaine publiée par l'édition en ligne du magazine Science.
Les cellules souches sont considérées comme une possible panacée face à certaines des maladies les plus mortelles ou handicapantes, car elles peuvent évoluer en cellules de 220 types différents.
Junying Yu, membre de l'équipe de l'Université du Wisconsin qui a participé à l'étude sur les cellules souches, le 19 novembre 2007©AFP/University of Wisconsin Bryce Richter
En permettant aux scientifiques d'y avoir plus facilement accès, la découverte annoncée mardi devrait ainsi permettre de faire avancer rapidement la recherche pour le traitement du cancer, des maladies d'Alzheimer et de Parkinson, du diabète, de l'arthrite, des lésions de la moelle épinière, des attaques, des brûlures et des maladies cardiaques.
Cette nouvelle technique peut en effet être reproduite de manière relativement simple par des laboratoires standard, a expliqué lors d'une conférence téléphonique M. Thomson, de l'université du Wisconsin à Madison (nord), déjà pionnière dans l'obtention de cellules souches en 1998.
« Mon optimisme est monté en flèche sur mon baromètre personnel », a-t-il dit, prédisant que le financement des recherches, jusqu'ici entravé par le débat éthique, « va enfin augmenter ».
Ce travail « est monumental par son importance dans le champ de la recherche sur les cellules souches et par son impact potentiel sur notre capacité à accélérer les applications de cette technologie », a commenté Deepak Srivastava, directeur de l'Institut Gladstone sur les maladies cardiovasculaires.
Les deux équipes ont réussi à transformer les cellules de peau en cellules souches en y insérant quatre gènes différents au moyen d'un rétrovirus.
L'équipe japonaise, conduite par Shinya Yamanaka de l'université de Kyoto, réussit à créer une lignée de cellules souches à partir de 5.000 cellules. Son étude paraîtra le 30 novembre dans le magazine Cell.
« Cette efficacité peut paraître très faible, mais cela signifie qu'à partir d'un seul échantillon de 10 centimètres, on peut obtenir de multiples lignées de cellules souches pluripotentes (induced pluripotent stem cells, iPS) », a-t-il expliqué.
L'équipe de James Thomson réussit à reprogrammer une cellule sur 10.000, mais sans le recours à un gène cancérigène.
Les deux techniques ont pour avantage de permettre de créer des cellules souches ayant le code génétique du patient, éliminant ainsi les risques de rejet. Mais elles présentent des risques de mutation, car les cellules conservent une copie du virus utilisé.
La prochaine étape-clé, selon Science, sera de réussir à se passer de rétrovirus.
Publié par Khemara Jati : khemarajati@sympatico.ca
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